Recettes fiscales trop optimistes, faible contribution des collectivités territoriales, PPP hospitaliers et "priorités à mieux cibler" sur l'indemnisation des victimes de l'amiante : voilà sur quoi alerte la Cour des compte, qui engage le Gouvernement à réduire les dépenses sociales. Tour d'horizon d'une série de dysfonctionnements et de points à améliorer.
Un mois après la feuille de route fixée par le chef de l'Etat, qui préconise de trouver 50 milliards d'euros d'économies entre 2015 et 2017, la Cour des comptes -chargée d'épingler le gaspillage public et les abus- met fortement en doute ces objectifs à travers son rapport annuel dévoilé ce mardi 11 février 2014.
Pour la Cour, ce sont 3 à 6 milliards d'euros qui pourraient manquer au budget cette année. Les dernières mesures votées à l'automne 2013 risquent justement, d'après la haute juridiction, de ne pas avoir le rendement attendu. Le manque à gagner estimé par les experts pourrait atteindre 1 à 2 milliards d'euros, la suspension de la taxe poids lourds coûtant à elle seule entre 200 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros, selon la date à laquelle débutera le recouvrement de la taxe.
Vers une faible contribution des collectivités territoriales
Toutefois, les 15 milliards d'euros d'économies sont "mieux documentées" que par le passé, reconnaît la Cour, mais restent insuffisantes pour limiter la croissance des dépenses publiques. Elle s'inquiète notamment de la faible contribution des collectivités territoriales.
De plus, la dette continuera à croître en 2014 et dépassera le seuil symbolique des 2.000 milliards d'euros à la fin de l'année, soit un peu plus de 30.000 euros par Français. "C'est de l'ordre de vingt fois le coût actuel de construction de l'ensemble du réseau autoroutier et de grande vitesse ferroviaire existant", a indiqué Didier Migaud, président de l'institution.
Cette année et jusqu'en 2017, les magistrats se focaliseront, outre sur la situation macroéconomique du pays de l'année 2013, sur la manière dont sont menées près d'une dizaine de politiques publiques.
Parmi elles, la Cour des comptes "alerte" par exemple sur la gestion de la Sovafim, chargée d'accélérer les cessions de biens immobiliers de Réseau ferré de France (RFF), dont elle avait recommandé la fermeture en février 2011.
L'indemnisation des victimes de l'amiante : "Des priorités à mieux cibler"
La haute juridiction critique aussi la complexité et les dysfonctionnements du système d'indemnisation des victimes de l'amiante mis en place dans l'urgence il y a quinze ans et que la Cour avait déjà pointé du doigt dès 2005. Elle met particulièrement en avant des ruptures d'égalité entre victimes, occasionnant des abus et des détournements. Ainsi, des préretraites financées par l'un des fonds d'indemnisation ont été accordées sans justification à des salariés pour éviter des licenciements économiques, signale-t-elle dans son rapport.
En outre, elle signale la "quasi-absence de responsabilité de fait des entreprises dans lesquelles des salariés ont été exposés à l'amiante", puisque le financement du dispositif d'indemnisation est supporté par l'ensemble des entreprises françaises. Malgré des progrès relevés, les experts de la Cour relèvent "une indemnisation trop lente" source de contentieux important.
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PPP du plan Hôpital 2007 : une procédure "mal maîtrisée"
Consacrant une de leurs analyses aux PPP, les magistrats estiment que le plan Hôpital 2007 a fait l'objet d'une "procédure mal maîtrisée". Dans cette perspective, la Cour et huit chambres régionales des Comptes ont analysé 14 opérations relevant du plan Hôpital 2007. Les critiques sont nombreuses : "précipitation dans les décisions, insuffisance d'accompagnement par les tutelles dans la négociation, surdimensionnement des projets, programmation insuffisante des besoins."
L'aménagement foncier et rural passé au crible
Enfin, les sociétés pour l'aménagement foncier et rural (Safer) sont également dans le viseur de la Cour des comptes. La haute juridiction s'interroge sur les situations financières très contrastées des Safer organisées en région. Et de préciser : "L'État doit participer davantage au pilotage de l'action des Safer, notamment pour leurs missions d'intérêt général. Le dispositif d'aide doit être simplifié et venir en appui des politiques de l'État définies dans le plan pluriannuel d'activité de chaque Safer."