EXPLOSIF. Le courtier d'assurance SFS vient d'être lourdement sanctionné par l'autorité de contrôle des assureurs luxembourgeoise. Il en résulte que dès aujourd'hui, la société ne peut plus, en France ou ailleurs, jouer le rôle d'agence d'assurance.
"SFS Europe S.A. n'est plus autorisée en France à conclure et gérer des contrats pour le compte de partenaires assureurs." Cette phrase représente une petite bombe lachée dans le monde de l'assurance construction. Elle est tirée d'un communiqué de presse de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) datant du jeudi 21 décembre 2017.
SFS, qui se présente comme le premier intermédiaire sur le marché français de l'assurance construction, vient en effet d'être condamnée à 5.000 euros d'amende par le commissariat aux assurances (CAA) du Luxembourg (voir le document ici), où le groupe est basé. Par ailleurs, il lui est dès aujourd'hui défendu d'exercer une activité d'agence d'assurance, notamment en France, où il réalise la plupart de son chiffre d'affaires (65,5 millions d'euros en 2016). SFS a aujourd'hui un mois pour faire appel.
Les entreprises et promoteurs concernés doivent trouver une nouvelle offre
En France, des dizaines de milliers d'entreprises du BTP, mais aussi des promoteurs, qui sont passés par SFS, risquent d'être touchés par cette nouvelle. Quelle doit être leur réaction ? "Elles doivent se soucier, dans un premier temps, de trouver un nouveau contrat d'assurance, en privilégiant les assureurs qui ont une bonne solidité financière", nous explique Grégory Kron, directeur actuariat et technique à la SMABTP. "Il faut bien sûr vérifier dans leurs contrats d'assurance si SFS est impliqué. Les entreprises doivent également penser au passé, et se poser des questions sur la couverture des risques liés à la décennale." Il y a en effet une incertitude, pour ces entreprises, sur les sinistres des chantiers passés, qu'ils soient déclarés ou non.
Qu'est-il reproché à SFS ? Dès octobre 2015, le Commissariat aux assurances (CAA) du Luxembourg lui a fait parvenir un courrier pour lui notifier un premier avertissement : la société pratiquait simultanément deux activités, celle de société de courtage et celle de mandataire de compagnies d'assurance (où la compagnie d'assurances effectue une délégation de pouvoir à SFS). Comme ce cumul est illégal au regard du droit en vigueur au Luxembourg, le CAA demandait ainsi à SFS, sous peine de sanctions, d'établir une entité juridique distincte agréé comme agence d'assurances, et de "cesser avec effet immédiat toute activité de mandataire de compagnies d'assurances sur le territoire luxembourgeois ainsi que sur tout autre territoire à partir du Luxembourg".
Des assureurs qui n'ont pas les reins assez solides pour assumer les risques
La situation n'a visiblement pas évolué favorablement dans le temps, d'après le CAA. Ainsi, en juillet et septembre 2017, l'organisme a été alerté sur le fait que l'entité SFS Lux agissait encore en tant que mandataire sur le marché français de l'assurance construction "pour certaines compagnies d'assurances dont la situation financière serait compromise du fait de taux de primes très bas et d'un sous-provisionnement des engagements résultant des contrats d'assurance", précise le CAA. En clair, SFS a visiblement persisté à travailler en tant que mandataire, sans en avoir obtenu l'agrément par les pouvoirs publics du Luxembourg, et qui plus est avec des assureurs qui n'avaient pas les reins assez solides financièrement pour assumer les risques couverts. SFS travaillait notamment avec Elite insurance ltd, qui, en juillet 2017, a dû se retirer du marché français.
Coup dur pour la libre prestation de service
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Pour rappel, SFS intervient sous le modèle de la libre prestation de service (LPS). Ce dispositif permet à un assureur agréé dans un pays de l'espace économique européen d'offrir ses services dans un autre Etat - un peu comme dans le cas du travail détaché. Ce mode d'assurance a le vent en poupe. "Certaines sociétés en libre prestation de services ont connu un très fort développement ces dernières années. Elles semblent proposer des contrats d'assurance à un coût moindre, et apparaissent moins sélectives dans le choix des entreprises qu'elles assurent", nous expliquait récemment Pierre Esparbès, directeur général délégué de la SMABTP.
Crée en 2002, SFS a déclaré, en 2016, un chiffre d'affaires de 65 millions d'euros pour un montant de primes d'assurances de 151 millions d'euros, dont la plupart payées par des entreprises françaises. La société a été contactée par Batiactu, qui n'a pour l'instant pas obtenu de réponse.