ENTRETIEN. Stéphane Pénet, directeur des assurances dommages de la Fédération française de l'assurance (FFA), donne à Batiactu son analyse de la situation en matière d'assureurs intervenant en libre prestation de service (LPS). Selon lui, les autorités de contrôle font leur travail, mais il faut tout de même rester vigilant.
La forte augmentation, dans le secteur de la construction, de la part de marché des assureurs intervenant en libre prestation de service (LPS) est une réalité. Et elle secoue le marché, avec notamment le retrait du marché en juillet 2017 d'Elite insurance ltd, et plus récemment la condamnation du courtier en assurance SFS.
Pour rappel, le dispositif LPS permet à un assureur agréé dans un pays de l'espace économique européen d'offrir ses services dans un autre Etat. Souvent, ces acteurs proposent des solutions moins onéreuses. Et plusieurs d'entre eux ont fait faillite.
Stéphane Pénet, directeur des assurances dommages de la Fédération française de l'assurance (FFA), affirme rester vigilant, mais se félicite du fait que les autorités de contrôle jouent leur rôle.
Batiactu : De plus en plus d'assureurs interviennent en France en libre prestation de service (LPS). À la suite d'incidents concernant certains d'entre eux, par exemple le récent retrait du marché d'Elite insurance ltd, certains acteurs du secteur se posent des questions. Y a-t-il de quoi s'inquiéter ?
Stéphane Pénet : Nous avons effectivement constaté que de plus en plus d'acteurs de l'assurance construction intervenaient en libre prestation de service en France. Trois incidents ont eu lieu ces deux dernières années : le retrait d'agrément de Gable insurance AG fin 2016, la liquidation d'Entreprise insurance company à la même époque et enfin l'arrêt de souscription de nouveaux risques pour Elite insurance ltd en juillet 2017. Mais il ne faut pas pour autant généraliser ces cas à tous les professionnels qui travaillent en LPS. Il est vrai que le marché de l'assurance construction en France est très particulier et les sociétés intervenant en LPS doivent en être conscientes.
Batiactu : C'est-à-dire ?
Stéphane Pénet : L'assurance est obligatoire, et l'entreprise s'engage dans le temps avec la décennale. Par ailleurs, en cas de sinistre, il y a une présomption de responsabilité de l'entreprise, c'est-à-dire une inversion de la charge de la preuve en cas de dommage. La responsabilité décennale est donc très engageante. L'assureur qui couvre ces risques doit avoir une politique de provisions spécifique à cette situation. Et il doit avoir une bonne connaissance du marché local, des qualifications et expériences des constructeurs, etc. Il faut bien connaître ces particularités françaises.
Batiactu : Les autorités de contrôle sont-elles conscientes des difficultés qui apparaissent du fait de la forte croissance des assureurs en LPS ?
Stéphane Pénet : Dans les trois cas que nous avons cités, les autorités de contrôle locales ont fait leur travail. Elles ont alerté et retiré l'agrément de ces sociétés, et c'est une bonne chose. Preuve qu'elles connaissent le sujet. Le dispositif de passeport européen nécessite que l'autorité de contrôle du pays d'origine connaisse les spécificités du marché de l'assurance construction français. Cela semble être de plus en plus le cas.
Batiactu : La Fédération française de l'assurance n'est donc pas spécialement inquiétée par ces récents incidents ?
Stéphane Pénet : Nous restons très vigilants. Trois incidents en deux ans, cela n'est pas anodin. Comme l'a rappelé récemment l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à ce sujet, "chaque professionnel intervenant dans une chaîne de distribution d'assurance doit faire preuve de vigilance dans la sélection de ses partenaires".
Batiactu : Les chiffres montrent une très forte augmentation de la sinistralité, dans la construction, entre 2008 et 2016. Ce qui fait de l'arrivée rapide et massive de ces assureurs en LPS un sujet d'autant plus sensible pour le secteur…
Stéphane Pénet : Les chiffres ne sont pas excellents pour la profession d'assureur construction. Il y a une baisse de 16% du chiffre d'affaires sur la période 2008-2016, alors que le montant des indemnisations a augmenté de 52%. C'est une période techniquement tendue. Par ailleurs, il faut savoir que les provisions des assureurs sont placées, et dans le contexte actuel de taux bas, les produits financiers ne sont pas au rendez-vous. La reprise économique permettra une amélioration, mais celle-ci ne se fera sentir que dans les années à venir.