RAPPORT. La Cour des comptes a rendu public ce jeudi 13 décembre 2018 un référé adressé le 24 septembre dernier aux ministères de l'Intérieur et de la Transition écologique et solidaire, portant sur les services publics d'assainissement non-collectif (Spanc). Plusieurs défaillances ont été constatées par l'institution, qui formule par conséquent des recommandations.

Ce jeudi 13 décembre 2018, la Cour des comptes a rendu public un référé adressé le 24 septembre dernier aux ministères de l'Intérieur et de la Transition écologique et solidaire, et portant sur les Spanc. Ces organisations ont en charge le contrôle des installations individuelles de traitement des eaux domestiques (fosses septiques et autres systèmes non-reliés au tout-à-l'égoût), qui concernent 5 millions de foyers, soit 20% de la population française. Les Spanc sont financés par une redevance versée par les usagers, et ont, entre autres missions, de vérifier la sécurité des installations pour prévenir toute pollution de l'environnement. Or l'institution a relevé plusieurs "difficultés dans l'exécution de leurs missions, difficultés accrues par des organisations et des pratiques disparates", à la suite d'une enquête réalisée avec les Chambres régionales des comptes de Bretagne, de Normandie et des Pays-de-la-Loire.

 

 

Zonages imprécis et agréments insuffisants

 

Le premier constat du référé concerne la nécessaire facilitation du contrôle des installations d'assainissement non-collectif (ANC). En effet, dans la pratique, les Spanc sont confrontés à des incertitudes quant aux délimitations exactes des zones d'ANC et de tout-à-l'égoût. La Cour des comptes encourage par conséquent l'administration à clarifier les zonages et à simplifier les sources d'informations, pléthores et parfois incomplètes, sur lesquelles les Spanc doivent se baser pour assurer leurs missions. De plus, toujours dans cette logique d'optimisation, une harmonisation à l'échelle intercommunale des compétences en matière d'assainissement serait souhaitable.

 

Mais la rue Cambon pointe aussi du doigt les limites du contrôle de conception des installations : les Spanc doivent analyser l'adéquation entre le type d'habitation et le type d'ANC choisi par l'usager, sachant qu'il existe des systèmes dits classiques - utilisant les fonctions épuratrices du sol -, et des nouvelles technologies - telles que les filtres compacts ou les micro-stations. Cependant, la procédure d'agrément par l'Etat des ces systèmes innovants a déjà été épinglée pour ses insuffisances, dans un contexte où de plus en plus d'usagers optent pour ces solutions, certes moins coûteuses à l'achat mais engendrant des frais de maintenance parfois conséquents.

 

Problèmes de fonctionnement et de contrôle

 

Par ailleurs, les Sages de la Cour des comptes relèvent que le fonctionnement même des Spanc pourrait être amélioré. Par exemple, des mentions ou des documents d'information à destination des usagers ne leur sont pas toujours transmis. Certains services sont également pénalisés par une information incomplète des ANC présents sur leurs territoires. D'autres carences ont été notées : le suivi des délégataires et des prestataires, le respect des périodicités de contrôle fixées par les collectivités territoriales, la vérification de l'exécution et de la conformité des travaux... constituent autant de points à améliorer.

 

Les pratiques s'avèrent effectivement disparates. L'exemple des périodicités de contrôle est parlant : "Force est de constater qu'elles [les périodicités de contrôle] sont trop souvent fixées par les collectivités en fonction des moyens alloués au service et des nécessités de son équilibre financier, et non de considérations techniques", note la Cour des comptes. Au contraire, les Spanc devraient adapter la périodicité selon les sensibilités des zones et les risques de pollution des installations. La question des redevances payées par les usagers pose en outre problème : leurs montants varient, tout comme leurs modalités de perception. La rue Cambon estime que les Agences de l'eau devraient aussi être mobilisées à l'échelle nationale pour uniformiser les aides à la réhabilitation.

 

Un accompagnement technique incomplet

 

Pour épauler au mieux les Spanc dans ce contexte administratif et technique loin d'être optimal, le référé insiste également sur l'importance de renforcer leur accompagnement technique. Les différences de traitement observables d'un département à l'autre, et les limites du Pananc - Plan d'actions national sur l'assainissement non-collectif - mis en place par l'Etat depuis 2009 compliquent la situation. Par ailleurs, la taille de certains services publics locaux, et le manque de professionnalisation des effectifs pénalisent leur réorganisation et l'évolution technique de leurs métiers. D'une manière générale, la Cour des comptes déplore une mauvaise organisation des missions incombant aux Spanc, avec un décalage entre la réglementation qui les encadre et leur fonctionnement quotidien.

 

Enfin, la situation financière d'un nombre non-négligeable de services est préoccupante : "[…] alors que les budgets des Spanc devraient, aux termes de la loi, être à l'équilibre, grâce à une redevance perçue auprès des usagers et correspondant à la valeur du service rendu, près de la moitié des services contrôlés affichaient un résultat d'exploitation négatif, avec pour certains des déficits cumulés importants. Ces déséquilibres récurrents ont conduit les Spanc à revoir leur politique tarifaire à la hausse ou bien à agir sur la périodicité des contrôles, sans pour autant atteindre l'équilibre financier. Certains ont aussi fait le choix d'annualiser la redevance […]".

 

Les Sages formulent six recommandations

 

 

Tous ces éléments finissent par impacter la pertinence des résultats des Spanc, d'autant que ceux-ci ne disposent toujours pas d'un indicateur national permettant d'évaluer exactement la situation des ANC. Les Sages de la rue Cambon ont par conséquent formulé six recommandations, dans l'optique d'optimiser le fonctionnement de ces services, de mieux accompagner leur évolution et d'accroître la pertinence des résultats : d'abord, "élaborer et tenir à jour, au niveau départemental, un document recensant et cartographiant les différents actes et zonages applicables localement", et "définir un cadre méthodologique national pour la définition par les Agences de l'eau des zones à enjeu environnemental".

 

Au sujet du fonctionnement même des Spanc, la Cour des comptes préconise "[d'autoriser] pour les Spanc, selon leur importance, des dérogations aux règles régissant l'exploitation des Spic [Services publics industriels et commerciaux, NDLR]" et de "mettre fin à la faculté d'exercer des missions facultatives d'entretien et de travaux de réalisation et de réhabilitation des installations d'ANC". Enfin, l'institution propose de "supprimer la faculté pour les maires de s'opposer au transfert des pouvoirs de police spéciale au président de l'EPCI [Établissement public de coopération intercommunale, NDLR] exerçant la compétence ANC" et de "mettre en place des indicateurs territorialisés et [d'établir] une cartographie nationale de l'évolution de la pression polluante de l'ANC".

 

A noter : après envoi des recommandations adressées par la Cour des comptes, le ministère de la Transition écologique et solidaire a rejeté l'essentiel de celles relevant de son périmètre de compétences. Le ministère aurait assuré que ces préconisations étaient "soit peu adaptées, soit que des dispositions permettant de répondre aux inquiétudes de la Cour existent déjà ou sont en cours d'élaboration", d'après une réponse publiée aux côtés du référé, citée par l'AFP.

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