TRIBUNE. Pour éviter la "véritable crise immobilière" qui se préparerait, l'Unam de territorialiser l'objectif de "zéro artificialisation nette" (Zan), en discussion au Parlement, en priorisant notamment certains pôles de services secondaires existants.
Alors que les débats sur le projet de loi Climat et résilience ont commencé en commission spéciale à 'Assemblée, l'Union nationale des aménageurs (Unam) "alerte sur l'objectif affiché par le texte du 'zéro artificialisation nette'" (Zan) et les "dérives que l'anticipation d'un tel objectif sous-tend". Il appelle à une territorialisation du Zan pour ne pas obérer toute reprise de la construction et répondre aux besoins en logements.
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Guidée par une ambition de sobriété foncière, la trajectoire ZAN vise à diviser par deux le rythme d'artificialisation des terres en France d'ici 2030, contre un objectif fixé à 2050 par l'Europe. Pour ce faire, le projet de loi prévoit d'encadrer strictement les projets de construction de logements neufs. Pour l'Unam, cette contrainte "semble s'inscrire à rebours des besoins en matière de logement". En effet, "la demande potentielle de logement devrait s'élever à +4,1 millions de logements à l'horizon 2030". Il ressort que ces besoins se concentrent majoritairement dans les couronnes périurbaines élargies des villes moyennes ainsi que dans le Grand Ouest, précisent les aménageurs.
La rénovation des logements vétustes ne suffira pas
Pour autant, les zones détendues "sont également concernées par ces besoins de construction du fait de la sortie de logements vétustes du parc habité et des besoins croissants liés à la décohabitation des ménages". Cependant, même la réaffectation théorique de tout le parc de logements actuellement vacants ne comblerait qu'à peine 20% des besoins urgents en logement sur les dix prochaines années, a calculé l'Unam.
Les coûts de rénovation, notamment en zone détendue où les prix de l'immobilier sont très faibles, "s'avèrent quant à eux encore prohibitifs pour les ménages" : les travaux de rénovation complète à lourde (intervention sur réseaux et structure du bâti) correspondent en moyenne, dans ces secteurs, et hors subventions à la rénovation, "à un doublement du coût d'acquisition du logement (prix moyen au mètre carré constaté de 1.100 €/m² en octobre 2020, pour des frais de rénovation complète à lourde compris dans des fourchettes respectives de 700 à 1.100 €/m² et de 1.125 à 2.000 €/m²), ce qui rend ces logements non-compétitifs sur le marché local".
La solution, pour l'Unam : différencier l'objectif selon les territoires
Afin d'éviter la "véritable crise du logement" qui se profile si le Zan est appliqué de manière uniforme sur tout le territoire, alors que "la crise sanitaire a déjà largement ralenti la construction avec 376.700 logements construits en 2020 pour un objectif de 500.000", l'Unam préconise "une réponse spatiale différenciée mettant en lumière les priorités d'aménagement selon les territoires".
Pour ce faire, les aménageurs suggèrent au législateur, d'une part, de "moduler la contrainte foncière en fonction des lieux". L'Unam a établi trois profils de de zones où l'objectif serait appliqué de manière différenciée. D'une part, les zones "où l'impératif Zan semble prioritaire", à savoir les unités urbaines de plus de 20.000 habitants et des territoires ruraux dense et/ou touristiques, selon la classification Insee (voir carte et légende). Deuxièmement, les zones où "l'impératif Zan n'est pas tenable en valeur absolue, sous peine de provoquer une crise majeure du logement et d'empêcher un rééquilibrage territorial de la population hors des métropoles" : il s'agit des territoires dits "périurbains connectés" et "périurbains intermédiaires", proches des unités urbaines denses, ils sont très attractifs notamment pour les ménages avec enfants qui souhaitent quitter les cœurs de grandes villes pour habiter en maison individuelle.
Enfin, la troisième catégorie est celle des "zones où l'impératif Zan semble tenable à condition d'une balance globale calculée à l'échelle intercommunale" : il s'agit des territoires "ruraux polarisés" et "ruraux isolés".
Prioriser certains pôles de services secondaires existants
L'Unam a dénombré plus de 8.000 communes, regroupant 17 millions d'habitants, des petites villes et bourgs ruraux "actuellement fragilisés par l'attractivité métropolitaine", pouvant constituer des centres de polarités secondaires et locales hors espaces métropolitains et hors unités urbaines de plus de 20.000 habitants. "Ce sont toutes ces centralités qui apparaissent prioritaires dans une volonté de rééquilibrage territorial organisé de l'espace métropolitain", estiment les aménageurs.
Pour contrer l'étalement urbain incontrôlé, ainsi que les impacts environnementaux des mobilités alternantes ville/campagne, c'est dans ces communes qu'il faut prioriser pour la construction, "tout en favorisant des relocalisations d'emplois et de services au bénéfice des territoires hors-métropoles".