ÉCONOMIE. Après plusieurs semaines de tractations avec les partenaires sociaux et les oppositions politiques, le gouvernement d'Élisabeth Borne présente son projet de loi réformant le système des retraites. Âge légal de départ, durée de cotisation, dispositifs de carrières longues et de pénibilité, cotisations sociales des indépendants : Batiactu fait le point sur les enjeux du texte.
Emmanuel Macron et Élisabeth Borne passent maintenant à l'étape suivante. Après plusieurs semaines de tractations avec les partenaires sociaux et les partis politiques, le Gouvernement vient de présenter son projet de loi réformant le système des retraites, qui suscite déjà l'opposition des syndicats et d'une large partie de la classe politique.
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Âge légal de départ, durée de cotisation, dispositifs de carrières longues et de pénibilité : les enjeux du texte avaient déjà été abordés par le ministre du Travail, également en charge du dossier, Olivier Dussopt, lors d'une conférence de presse en décembre 2022. De leur côté, les organisations représentatives du bâtiment ont aussi commencé à avancer leurs pions sur le sujet.
Âge légal de départ repoussé et durée de cotisation augmentée
Le verdict est donc tombé ce 10 janvier 2023. La Première ministre a annoncé un relèvement progressif de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans à partir du 1er septembre 2023, à raison de trois mois par année de naissance. Il sera fixé à 63 ans et trois mois en 2027 avant d'atteindre sa cible de 64 ans en 2030.
Ce décalage s'accompagnera d'une hausse de la durée de cotisation, qui passera de 42 à 43 ans, ce qui correspond en réalité au cadre déjà fixé par la loi Touraine de 2014. Si l'exécutif applique bien le nouveau régime dès l'automne 2023 - à condition que le texte passe l'épreuve du Parlement et, probablement aussi, celle de la rue -, la génération 1968 serait ainsi la première à partir en retraite à 64 ans, en 2032.
Comme c'est déjà le cas à l'heure actuelle, les personnes partant à 67 ans continueront pour leur part à bénéficier d'une retraite à taux plein, autrement dit sans décote, même si elles n'ont pas cotisé 43 ans.
Mesures spécifiques aux carrières longues
Le dispositif de carrières longues - voire "super longues" - va par ailleurs être adapté : concrètement, les salariés ayant commencé à travailler avant 16 ans pourront partir dès 58 ans ; ceux ayant commencé entre 16 et 18 ans, à partir de 60 ans ; et ceux entre 18 et 20 ans, à partir de 62 ans.
Les personnes en situation d'invalidité ou d'inaptitude pourront toujours partir à 62 ans avec une retraite à taux plein, les travailleurs handicapés à compter de 55 ans. Les salariés ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle pourront, sous conditions "assouplies", partir deux ans avant l'âge légal.
Usure professionnelle
Le Gouvernement ambitionne de faire bénéficier un plus grand nombre de salariés du compte professionnel de prévention (C2P), lequel ouvrira plus de droits, comme par exemple en cas de travail de nuit ou d'exposition à plusieurs risques professionnels. Le projet de réforme table sur 60.000 personnes supplémentaires couvertes par le C2P, qui pourra d'ailleurs être désormais utilisé pour financer un congé de reconversion permettant de changer de métier plus facilement.
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Déjà annoncé fin 2022, un fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle sera créé et doté d'un milliard d'euros sur l'ensemble du second quinquennat d'Emmanuel Macron. Son rôle sera de soutenir les branches professionnelles dans l'identification des métiers exposés aux risques ergonomiques, notamment le port de charges lourdes, les postures pénibles ou encore les vibrations, ainsi que dans le financement d'actions de prévention et de reconversion, en collaboration avec les employeurs.
De même, un suivi médical renforcé sera mis sur pied auprès des salariés exerçant des métiers identifiés comme pénibles. Ce dispositif permettra de mener des actions de prévention tout en détectant plus efficacement les situations d'inaptitude permettant un départ anticipé à 62 ans.
Réforme de l'assiette sociale des indépendants
Avançant des considérations d'équité et de justice sociale, l'exécutif souhaite que l'ensemble des statuts - salariés du régime général, travailleurs indépendants, salariés des régimes spéciaux et agents publics - soit amené à travailler un peu plus longtemps.
S'agissant des indépendants, il est prévu d'engager des concertations d'ici le PLFSS (projet de loi de financement de la Sécurité sociale) 2024 pour revoir certains aspects techniques, à commencer par leur assiette de cotisations sociales. L'idée est de simplifier son calcul et de renforcer les droits à la retraite des indépendants, particulièrement pour les plus modestes.
Hausse des pensions et index "seniors"
Dans le même temps, le Gouvernement souhaite augmenter le minimum contributif à 85% du Smic (salaire minimum) net pour les nouveaux retraités qui auront gagné le Smic durant toute leur carrière, ce qui correspond à une hausse mensuelle minimale de 100 € pour une carrière complète.
Les périodes de congés parentaux vont également être prises en compte, simultanément au dispositif de carrières longues, pour le calcul du minimum de pension des salariés ayant travaillé plus de 30 ans.
Enfin, un index dédié à l'emploi des personnes de plus de 50 ans verra le jour. Le but : "faire la transparence" et inciter les employeurs à conserver des personnes dépassant cet âge au sein de leurs entreprises.
De manière à permettre aux salariés d'aménager leur temps de travail tout au long de leur carrière, des négociations vont être lancées pour instaurer un compte épargne-temps universel. La retraite progressive, qui permet de liquider avant l'âge légal de départ une partie de la pension pour travailler à temps partiel, sera aussi assouplie.