POINTS DE VUE. Le bruit est une nuisance qui touche une large proportion de la population. Pourtant, cette problématique reste encore mal traitée, avec une réponse axée sur des solutions techniques. Les spécialistes recommandent maintenant de passer à une approche plus globale remettant l'humain au cœur des démarches. Explications avec des spécialistes du CidB, du CSTB et d'acteurs de terrain.
"Imaginons les environnements sonores de demain", telle est la thématique des prochaines Assises nationales du CidB, le centre d'information sur le bruit, qui se tiendront à la fin du mois de novembre 2017. Les différents acteurs de l'acoustique échangeront autour de plusieurs problématiques, dont celle de l'urbanisme et de l'aménagement. Alexandre Jolibois, du pôle Santé-Confort au CSTB, explique : "Plus de 80 % des gens se disent concernés par le bruit, malgré la réglementation et les incitations. C'est un problème qui n'est donc pas réglé. La dimension sonore n'est pas encore vraiment prise en compte dans les projets urbains. Les acousticiens sont appelés comme des pompiers, après qu'un problème a été constaté". L'anticipation ne semble pas être encore d'actualité.
Le spécialiste continue : "Il faut aller vers la qualité globale". Le bruit, qui a un impact sanitaire reconnu, est donc une des composantes d'un environnement complexe, comportant également la lumière et la pollution atmosphérique. Les acteurs de l'acoustique imaginent donc qu'une nouvelle notion émerge, celle de "qualité urbaine intégrée", mêlant tous ces aspects. La convergence des Plans de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) et des Plan climat-air-énergie (PCAE) serait donc une étape logique, d'ailleurs actuellement envisagée par l'Ademe. L'environnement sonore ferait donc son entrée dans un cadre de prévention le plus large possible. Maria Spendel, chargée de mission à la Métropole du Grand Paris à la direction de l'Environnement et du Développement durable, raconte : "Le bruit est une thématique moins traitée que la qualité de l'air pour l'instant. Il est plus compliqué à travailler avec les élus, car souvent la solution dépasse l'échelon du maire comme dans le cas d'une route à fort trafic". La métropole serait donc l'entité la plus à-même de gérer ces questions d'aménagement. En Île-de-France, la moitié des municipalités du Grand Paris seraient d'ailleurs en retard dans l'établissement - pourtant obligatoire car demandé par l'Union européenne - des PPBE, obligeant l'entité supérieure à reprendre la main.
Les technologies sont fiables, il faut maintenant travailler sur l'humain
à lire aussi
Autre constat partagé par les experts de la question de l'acoustique : les progrès technologiques réalisés ces dernières années sont évidents. Qu'il s'agisse de dispositifs antibruit implantés dans le milieu urbain, de conception des aménagements pour minimiser les sources ou l'exposition, ou de nouveaux outils numériques, de nombreuses solutions existent. "C'est l'humain, l'usager, qu'il faut remettre au cœur de la démarche. Utiliser les sciences sociales comme des études psycho-environnementales", souligne Laurent Droin, le directeur du CidB (Centre d'information sur le bruit). Au sein du groupe SNCF, les recherches s'orientent vers "la perception de l'usager" plutôt que vers la mesure brute des sons. Systra travaille notamment avec des outils du CSTB sur la modélisation et l'oralisation du bruit. Des travaux qui démontrent la subjectivité du phénomène (un bruit rendu invisible par une haie d'arbres - qui ne l'atténue pourtant pas - dérangera moins). Le transporteur ferroviaire étudie ainsi l'impact des modifications de trafic sur ses voies ou l'amélioration de ses aménagements. Anne Guerrero, adjointe au directeur Environnement et Développement durable chez SNCF Réseau, détaille : "Il y a eu un travail sur les technologies et les objets techniques. Les derniers gains sont compliqués à atteindre. D'où cette orientation vers l'humain avec une approche anthropocentrée".
Le directeur du CidB conclut : "Le problème n'est pas technique, il est pédagogique". Selon lui, les architectes ne bénéficieraient pas de formations assez poussées dans le domaine de l'acoustique et feraient de cette thématique le parent pauvre dans la construction, par manque d'intérêt et de compétences. Lui aussi plaide donc pour une approche globale des problématiques environnementales, intégrant donc le bruit comme une nuisance à traiter, aux côtés de la pollution atmosphérique notamment. Les deux sont d'ailleurs liés dans le cas des axes routiers qui exposent leurs riverains à de multiples facteurs de stress.