ANALYSE. Déjà l'un des secteurs d'activité les plus confrontés à ce phénomène, la construction a encore vu son taux d'absentéisme augmenter en 2022. Parmi les salariés les plus concernés, on trouve ceux avec les plus faibles qualifications, les femmes ainsi que les plus de 50 ans. La hausse des troubles psychiques inquiète également.
De plus en plus de salariés sont absents de leur poste de travail. Dans la 2e édition de son Observatoire des arrêts de travail, le groupe Apicil, spécialisé dans la protection sociale et la santé-prévoyance, constate que le taux d'absentéisme de l'ensemble des secteurs économiques est passé de 5% en 2021 à 5,76% en 2022. Une possible conséquence de la crise du Covid et des changements d'organisation au sein des entreprises, et plus largement d'habitudes de vie.
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Avec plus d'un salarié sur trois (35%) qui a fait l'objet d'au moins un arrêt de travail au cours de l'année dernière (ils étaient 28% en 2021), la tendance de fond concerne l'ensemble des actifs mais l'étude soulève un "point d'attention" sur les plus jeunes d'entre eux. Les tranches d'âges les plus concernées par les arrêts de travail sont effectivement les 30-39 ans (39% ont eu au moins un arrêt de travail l'année dernière) et les moins de 30 ans (32%). À l'inverse, les plus de 60 ans n'ont été que 24% dans ce cas.
Le taux d'absentéisme du BTP gagne quasiment un point en un an
Les catégories de salariés les plus concernés par l'absentéisme sont ceux disposant des plus faibles qualifications (8,41%), les femmes (6,57%), les travailleurs ayant plus de 10 ans d'ancienneté (6,54%) et ceux ayant plus de 50 ans (6,47%). Parmi les secteurs les plus impactés figurent la santé, l'économie sociale et l'éducation (7,44% chacune), le commerce et le transport (6,36%) puis le BTP, aux côtés de l'industrie (5,58% en 2022, 4,85% en 2021).
Plus d'un tiers des arrêts de travail sont inférieurs à 7 jours
L'enquête, qui se base sur plus de 53.000 entreprises clientes du groupe Apicil employant environ un million de salariés du secteur privé sur l'ensemble du territoire, précise aussi que la durée moyenne d'un arrêt de travail est de 22,13 jours. Ce chiffre chute de 20% mais est contrebalancé par la hausse de 8,54 points des arrêts de courte durée, c'est-à-dire de 3 à 7 jours, qui représentent désormais 36,73% du total des arrêts de travail.
Comment l'expliquer ? "La crise sanitaire a (...) généré chez (les salariés) de nouvelles aspirations, tels une quête de sens en lien avec les enjeux sociétaux, un besoin de reconnaissance, de fortes attentes en termes de conciliation des temps entre vie professionnelle et vie privée... qui constituent autant de potentielles sources de désengagement", avance l'observatoire.
Apicil s'est penché plus précisément sur les arrêts de travail de plus de 30 jours via sa "cellule médicale" en constatant que ceux-ci ont vu leur durée moyenne passer de 220 à 300 jours entre 2021 et 2022, "essentiellement du fait de la représentativité des pathologies psychologiques (12 mois d'arrêt de travail en moyenne pour les dépressions)". La quasi-totalité des arrêts de travail (92%) sont donc bien dus à une maladie, sachant que la maladie professionnelle demeure le motif d'absence dont la durée est la plus longue (91 jours).
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Les TMS, principale cause des maladies professionnelles
Dans la mesure où la principale cause des maladies professionnelles reste les troubles musculosquelettiques, ou TMS - très fréquents dans le BTP -, les spécialistes plaident pour davantage d'actions de prévention. Les chiffres 2021 de l'Assurance Maladie montrent que 86% des 47.398 maladies professionnelles prises en charge cette année-là étaient des TMS.
L'augmentation significative des troubles psychiques suscite en outre des craintes : sur ce même total de l'exercice 2021, 1.566 relevaient de maladies psychologiques, ce qui représente 9% de plus qu'en 2020. Entre 2020 et 2022, ces pathologies sont d'ailleurs devenues la première cause d'arrêt de travail pour les arrêts de plus de 30 jours.
Plus inquiétant encore, le phénomène concerne particulièrement les jeunes. "Elles représentent 35% des arrêts suivis chez les moins de 30 ans, devant les TMS à 29%, eux aussi en progression significative sur cette tranche d'âge", indique le rapport. Et les tranches d'âges supérieures ne sont guère plus épargnées : "Chez les plus de 30 ans, les affections psychiques frôlent les 40%, suivies de près par les TMS qui représentent 35% des dossiers suivis".
Usure professionnelle
Quel que soit le secteur, le genre, l'âge, l'ancienneté et bien sûr le métier exercé constituent les "facteurs déterminants" des risques professionnels. Les travailleurs de plus de 50 ans et ceux étant employés de longue date sont notamment plus vulnérables, "un constat qui rappelle la nécessité de prévenir l'usure professionnelle, un enjeu d'autant plus fort dans le contexte d'allongement de la durée du travail". Dans la foulée de la réforme des retraites repoussant l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, Emmanuel Macron a justement fait de l'usure professionnelle un sujet prioritaire des futures discussions entre partenaires sociaux sur les conditions de travail.
Une étude de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail) publiée en mars dernier indique que 37% des salariés interrogés pour l'occasion en 2019 ne se sentaient pas capables de tenir dans leur travail jusqu'à leur départ en retraite. Pour Thomas Perrin, directeur général adjoint des services du groupe Apicil, "un tel contexte mouvant (...) rappelle également les nouveaux défis que les organisations doivent relever pour continuer à attirer et fidéliser leurs collaborateurs". Une considération de plus que les entreprises doivent garder à l'esprit.
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