ANALYSE. La progression des sauvegardes, redressements et liquidations judiciaires concerne désormais tous les secteurs, toutes les régions et toutes les tailles d'entreprises. La construction parvient pour l'instant à éviter la submersion mais les très petites entreprises se font largement emporter.

Les faillites d'entreprises sont bel et bien reparties. En progression de 35% sur un an au 2e trimestre 2023, elles accusent ainsi le plus lourd bilan de mi-exercice depuis 2016, selon la dernière étude du cabinet Altares consacrée au sujet. Avec 13.266 sauvegardes, redressements et liquidations judiciaires enregistrées dans tous les secteurs entre le 1er avril et le 30 juin, le phénomène dépasse même les niveaux pré-pandémie (13.000 au printemps 2017).

 

 

"Au terme de ce 2e trimestre 2023, le référentiel d'avant-Covid vole en éclats", annonce Thierry Millon, directeur des études chez Altares. "Le cap des 13.000 défaillances est nettement franchi et nous ramène à des seuils similaires à 2016, période marquée par les crises financières et européennes." Si les activités à destination des consommateurs sont les plus durement impactées, aucun secteur économique ni aucune région n'échappent à cette tendance inquiétante (voir encadré).

 

Détresse financière

 

D'autant que celle-ci touche particulièrement les très petites entreprises (12.130 défaillances, soit 91% du total et +33% par rapport au 2e trimestre 2022). "Plus de 9 procédures sur 10 concernent des TPE, dont les trois quarts sont immédiatement liquidées. Plus de 1.100 PME et ETI ont aussi fait défaut, du jamais vu depuis plus de 10 ans", s'inquiète le responsable.

 

Dans le détail des procédures, les sauvegardes atteignent leur plus haut niveau historique (431), tandis que les liquidations s'envolent (9.400). Seuls les redressements (3.500) parviennent à rester sous leur niveau d'avant 2020. "Des redressements judiciaires moins nombreux qu'avant-Covid mais des liquidations judiciaires bien plus fréquentes illustrent la profonde détresse financière des entreprises qui font défaut actuellement", analyse Thierry Millon.

 


"Plus de 9 procédures sur 10 concernent des TPE"

 


Une telle conjoncture menacerait directement 55.000 emplois dans toute l'économie française, là encore un niveau inédit depuis 2014. En revanche, les jeunes sociétés lancées il y a moins de trois ans, autrement dit au sortir de la crise sanitaire, affichent une meilleure résistance. Leurs défaillances reculent de 5% alors qu'elles décollaient de 130% il y a un an. Créées au moment de la reprise économique, elles sont probablement mieux préparées aux aléas conjoncturels.

 

La maçonnerie générale souffre

 

Quant au secteur de la construction, il tente de résister tant bien que mal à la hausse généralisée des faillites d'entreprises. La filière encaisse également une hausse de 35% des procédures, atteignant 3.084 dossiers et s'inscrivant dorénavant dans une progression rapide, sans pour autant retrouver les seuils d'avant 2020.

 

Dans le gros-oeuvre (885 faillites, +37%), le segment de la maçonnerie générale souffre le plus (616 dossiers, +54%). Pourtant engluée dans un contexte pour le moins difficile, la construction de maisons individuelles n'enregistre "que" 117 procédures, ce qui représente une augmentation de 18% en un an.

 

Terrassements et immobilier en difficulté

 

 

Le second-oeuvre (1.522, +33%) est beaucoup plus à la peine, renouant quasiment avec son niveau du 2e trimestre 2019 (1.575). Altares note que certaines activités ont même dépassé leur références d'avant-Covid : les travaux d'installations électriques, d'isolation ou d'étanchéification sont revenus à leur situation du 2e trimestre 2016.

 

Dans les travaux publics (170, +24%), la dégradation est surtout due aux travaux de terrassements qui remontent jusqu'à leur niveau du 2e trimestre 2014. Enfin, l'immobilier est très mal orienté du fait des 190 faillites d'agences immobilières. Un chiffre qui se propulse de 104%, soit le plus mauvais niveau depuis 2014.

 


Quelle situation en région ?

 

L'étude Altares s'intéresse aussi à l'évolution des défaillances d'entreprises dans chaque région. Au 2e trimestre 2023, il s'avère que quatre régions demeurent proches, voire en-dessous de leurs chiffres d'avant-Covid, bien que leur situation se détériore en comparaison au 2e trimestre 2022. Il s'agit de la Bourgogne-Franche-Comté (410 procédures, en hausse de 7% sur un an), la Normandie (462, +24%), la Bretagne (474, +27%) et le Grand Est (923, +35%).

 

À l'inverse, quatre autres régions métropolitaines retrouvent leurs valeurs de 2016 : l'Île-de-France (3.100 dossiers, en augmentation de 43% sur 12 mois), l'Occitanie (1.200, +48%), la Nouvelle-Aquitaine (1.100, +37%) et le Centre-Val de Loire (450, +24%).

 


"Les trois quarts des TPE sont immédiatement liquidées"

 


La Provence-Alpes-Côte d'Azur dépasse son niveau de défaillances du 2e trimestre 2018 avec 1.329 sauvegardes, redressements et liquidations judiciaires, ce qui correspond à une progression de 27% en un an. La Corse demeure sous le seuil des 100 procédures alors qu'elle en comptait 112 au printemps 2019. Les régions Auvergne-Rhône-Alpes, Hauts-de-France et Pays de la Loire enregistrent respectivement plus de 1.500, 1.000 et 550 défauts, soit des hausses respectives de 40%, 21% et 42%.

 

Dans les Outre-Mer, seule la Guadeloupe tire son épingle du jeu avec 75 faillites (+39%). Les autres collectivités ultramarines sont toutes dans le rouge : la Martinique comptabilise 96 dossiers (+52%), la Réunion 218 (+44%) et la Guyane seulement 16, mais ce qui correspond en l'occurrence à une envolée de 100%.

 


Une accalmie durant l'été ?

 

Dès lors, faut-il craindre davantage les prochains mois ? "Depuis février 2022, le nombre de défaillances d'entreprises augmentait en moyenne de 50% chaque mois. Ce mois de juin 2023 nous donne un signal plus encourageant, en dépit du défaut de grands acteurs", nuance Thierry Millon.

 

Précisant : "Le bilan des trois mois d'été est traditionnellement moins lourd du fait notamment des vacations judiciaires d'août. C'est pourquoi, sauf à ce que les assignations Urssaf accélèrent fortement à la rentrée, le prévisionnel de 55.000 défauts en 2023 reste envisageable." Ce qui signifierait que le second semestre pourrait compter 26.000 faillites, en légère atténuation par rapport aux 28.500 du premier.

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