L'assemblée vient de voter en première lecture la création de sociétés d'économie mixte à opération unique. Ce nouvel outil à disposition des collectivités concerne les programmes de construction, de logement, et plus largement, tous les projets d'intérêt général. Un dispositif qui est loin de faire l'unanimité, notamment chez les architectes qui craignent des possibles conflits d'intérêts. Explications.
La Sem à opération unique (Semou), un objet de discorde ? Il semblerait que oui, notamment pour les architectes qui sont montés au créneau depuis quelques semaines pour critiquer de manière virulente ce dispositif. Dans un communiqué de presse, Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) soulignait les possibles dérives du procédé dénonçant non seulement "l'absence de mise en concurrence et une augmentation des prix des services payés par l'usager", mais aussi le transfert "durablement des services publics fondamentaux, eau, énergie ou logements, à des grands groupes privés".
Malgré ces mises en garde, l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité en première lecture la création des Semou. Concrètement, ce nouvel outil couvre la réalisation d'une opération de construction, de développement du logement ou d'aménagement ; la gestion d'un service public, pouvant inclure la construction des ouvrages ou l'acquisition des biens nécessaires au service ; et les opérations d'intérêt général relevant de la compétence de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales.
Les critères de sélection des candidats sont définis par la collectivité
Le texte précise que la "sélection du ou des actionnaires opérateurs économiques et l'attribution du contrat à la société d'économie mixte à opération unique mise en place sont effectuées par un unique appel public à la concurrence respectant les procédures applicables aux délégations de service public, aux concessions de travaux, aux concessions d'aménagement ou aux marchés publics, selon la nature du contrat destiné à être conclu entre la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales et la société d'économie mixte à opération unique".
Parmi les facteurs importants du texte, on peut citer l'élaboration d'un document de préfiguration sur lequel se trouvent les caractéristiques de la Semou (part de capital de la collectivité territoriale, règles de gouvernance et les modalités de contrôle etc.), mais aussi le coût prévisionnel global de l'opération pour la collectivité. En outre, les critères de sélection des candidats seront définis et appréciés par la collectivité territoriale. Nouveauté du texte : c'est seulement à l'issue de la mise en concurrence et de la sélection du candidat, que seront arrêtés et publiés les statuts de la Semou. Un autre aménagement voté concerne le contrat. Il devra être conclu entre la collectivité territoriale et la Semou, qui se substituera au candidat sélectionné pour l'application des modalités de passation prévues selon la nature du contrat.
Les politiques favorables au projet
Lors de la présentation du texte, mercredi dernier, André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale a déclaré : "Que ce soit dans les domaines de l'eau, des déchets, des transports, de l'énergie, du haut débit ou encore des opérations de rénovation urbaine, les collectivités territoriales souhaitent, en effet, pouvoir bénéficier d'outils rénovés et même innovants, alors que la gestion en régie a parfois montré ses limites et que les expériences passées de partenariat public-privé ont suscité de nombreuses critiques notamment quant à leur coût pour la collectivité et quant aux limites induites par leur mise en œuvre", ajoutant que cet outil complétera les 1 158 Sem proprement dites.
Lors des discussions, Erwann Binet a évoqué les craintes des architectes, tentant de les rassurer : "La réécriture qu'a faite la commission des lois de l'article 1er a permis de faire revenir les procédures de sélection du partenaire dans les règles du droit commun (…) le monopole des architectes n'est pas remis en cause et les grands principes de la commande publique sont respectés. Le droit en vigueur reste le même", a-t-il indiqué. Ces propos auront-ils permis de lever les doutes ? Rien est moins sûr.
Désormais, la proposition de loi doit être examinée au Sénat.
La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales détient entre 34 % et 85 % du capital de la société et 34 % au moins des voix dans les organes délibérants. La part de capital de l'ensemble des actionnaires opérateurs économiques ne peut être inférieure à 15 %.