CULTURE. Deux architectes françaises ont traversé une partie des États-Unis à vélo pendant trois mois pour un projet de bourse. L'histoire de ce périple et la réflexion née de ce voyage sont contées en photos dans une exposition, dans la cité phocéenne.
Traverser une partie des États-Unis en vélo, avec sa casquette d'architecte, c'est le défi que se sont lancées Annouk Soula et Aliénor Drapier. Les deux jeunes professionnelles ont parcouru plus de 3.000 kilomètres à vélo chez "l'oncle Sam" dans le cadre d'un voyage de recherche historique et architecturale, mené avec l'aide de la bourse de la fondation Delano & Aldrich/Emerson et de l'American institute of architects. Ce périple, étonnant, est à découvrir dans l'exposition photo "Biking Through (Green) New Deal", dans les locaux de l'Ordre des architectes Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Marseille.
Jusqu'au 9 octobre 2023, les visiteurs peuvent ainsi contempler les photos des "Archicycleuses", montrant l'architecture de la période "new deal" aux Etats-Unis (1933-1939) et sa mise en perspective avec le mouvement actuel de "green new deal" [un programme de lutte contre le changement climatique et les inégalités sociales lancée par l'élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez], en faveur de la transition écologique.
Du roman au terrain
Les deux architectes se sont inspirées du parcours de la famille Joad, dans le roman "Les Raisins de la colère" de John Steinbeck (1939), le long de la route 66. Leur projet de recherche a consisté en la visite 100 bâtiments de l'époque "new deal", construits entre 1933 et 1943, dans cinq états. Les jeunes femmes ont, ensemble, analysé la grande diversité de styles et d'influences architecturales, et ont cherché à comprendre le récit de leurs constructions. "La période du 'new deal' résonne avec la crise économique de 2008, et la crise écologique, sociale et économique que nous connaissons aujourd'hui", estime Annouk Soula, architecte et co-commissaire de cette exposition.
"Nous avons croisé le 'green new deal', qui est un projet politique consacré aux thématiques de l'énergie, de la rénovation thermique et de l'inclusion des travailleurs, à l'architecture aujourd'hui", explique Aliénor Drapier, architecte et co-commissaire. "Un groupe d'architectes américains reprend ces résolutions en les appliquant à l'architecture, pour permettre, par exemple, l'émergence de circuits courts ; quand un autre sensibilise les collectivités en leur montrant que ces idées peuvent s'appliquer concrètement à des projets urbains."
Suite à la visite des bâtiments existants, les jeunes architectes se sont rendues compte que "la politique d'État peut permettre de construire des bâtiments avec des matériaux et de la main d'œuvre locaux", affirme Annouk Soula. L'un des projets du 'new deal' les a d'ailleurs marquées. Il consistait à planter des haies et des arbres pour lutter contre l'érosion des sols et les violentes tempêtes de poussière. "Les traces de cette intervention humaine sont toujours visibles, sous la forme de maillages de plantation dans le paysage", ajoute Aliénor Drapier.
A deux roues
Reste à savoir pourquoi les deux architectes ont choisi le vélo comme mode de transport. "Il est respectueux de l'environnement et offre une place à l'inattendu. Surtout, le rythme du vélo nous a permis d'appréhender l'architecture et les territoires autrement", répond Aliénor Drapier. "Parfois, nous ne croisions ni village ni voiture, et étions dépendantes des éléments. Certains États que nous avons traversés manquent cruellement d'infrastructures". Elles ont été surprises de voir tant de bâtiments abandonnés sur la route, et ont constaté "le peu de conscience qu'il y avait autour de la réhabilitation et de la conservation du patrimoine". Il leur est arrivé de voir une école abandonnée et une autre, en construction, seulement à quelques mètres de la première.
Les "Archicycleuses" se demandent maintenant si l'aventure va continuer. "C'est en réflexion", indique Aliénor Drapier. "L'itinérance nous fait découvrir l'architecture autrement, et cela nous plaît de croiser cyclisme, voyage, paysage et architecture."
Politique, Histoire et transition écologique
De son côté, l'organisateur de cette exposition, l'Ordre des architectes Paca, s'est dit "très heureux de pouvoir soutenir et donner de la visibilité à ce projet à travers cette exposition". C'est, pour lui, un moyen de "montrer un autre aspect de l'architecture, en dehors de la conception". La diversification des pratiques "est un sujet", et celui de l'exposition "résonne avec l'Histoire et la transition écologique". "Biking Through (Green) New Deal montre comment la politique et la société peuvent influencer l'architecture." L'idée, derrière cette exposition, est, aussi, de témoigner "de l'importance de l'État pour financer la transition écologique", conclut Annouk Soula.
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Jusqu'au vendredi 6 octobre 2023
Entrée libre
12 boulevard Théodore Thurner, Marseille 6e
Du lundi au vendredi, de 9h à 13h et de 14h à 17h