Jean-Paul Bailly a remis son rapport sur le travail dominical au gouvernement. Tout en maintenant la spécificité du dimanche comme journée de repos, le document tente de rétablir de la cohérence dans les dispositifs actuels de dérogations et de les assouplir afin d'autoriser une douzaine d'ouvertures par an. Le secteur du bricolage sera autorisé à ouvrir avant l'entrée en vigueur de nouvelles modalités d'ouverture, à l'été 2015.
"Vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs". Tel était l'enjeu du travail mené par le groupe chargé de plancher sur le travail dominical sous la houlette de Jean-Paul Bailly, ancien président du groupe La Poste entre septembre 2002 et septembre 2013. Différents acteurs de cette question de société ont été auditionnés (syndicats, chambres de commerces et de l'industrie, élus locaux, préfets, directeurs d'administration…) et se sont accordés sur plusieurs points : le dimanche est une journée qui doit rester à part et le travail dominical doit donc continuer à faire l'objet d'une régulation par dérogations. "Le dimanche n'est pas un jour comme les autres, et nous ne souhaitons pas qu'il le devienne", a prévenu le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
Vers 12 ouvertures autorisées par an
Cependant, face à l'incohérence de la situation actuelle, née de l'introduction du secteur de l'ameublement en 2008 dans la liste des dérogataires, le rapporteur propose une modification de cette liste. Afin de mettre fin au conflit en cours dans le secteur du bricolage - à condition que toutes les enseignes suspendent les actions judiciaires en cours - il recommande d'y inscrire provisoirement le secteur du bricolage… avant de les en faire sortir avec l'ameublement le 1er juillet 2015, au moment de l'entrée en vigueur de nouvelles modalités d'ouverture.
A cet horizon, Jean-Claude Bailly propose que le dispositif d'ouvertures autorisées le dimanche soit étendu à une douzaine de jours par an, contre cinq actuellement. Sur ces douze dimanches, sept seront confiés aux maires, leur donnant l'initiative sur l'animation de leur collectivité, et cinq constitueront "un droit de tirage déclaratif" permettant de répondre aux événements saisonniers de leur activité (soldes, rentrée ou vacances, fêtes, etc.). "Avec un tel dispositif, la France rejoindrait la moyenne européenne", précise le rapport. Le texte recommande également la mise en place de périmètres d'animation au sein desquels les commerces pourront être autorisés, de manière structurelle, à déroger au repos dominical.
De réelles contreparties pour les salariés volontaires
Pour les salariés, le travail du dimanche devra obligatoirement être volontaire et fera l'objet d'un repos compensateur et d'un doublement de la rémunération. "Le principe sera : pas d'ouverture sans contrepartie", a martelé Jean-Marc Ayrault. Ce dernier souhaite élaborer un nouveau cadre législatif, en concertation avec les partenaires sociaux et les groupes parlementaires, qui devrait être adopté au cours de l'année 2014. De son côté, le président de Bricorama, Jean-Claude Bourrelier, a estimé que les préconisations du rapport allaient mettre un terme à l'injustice qui régnait entre les différentes enseignes de bricolage. L'autorisation temporaire d'ouverture tous les dimanches d'ici à la mi-2015, offrirait, selon lui, "une réelle bouffée d'oxygène" pour "des collaborateurs volontaires, désespérés de ne pas pouvoir travailler le dimanche", rappelant que cette journée était payée triple chez Castorama.
L'UPA (union des entreprises de l'artisanat et du commerce de proximité), pour sa part, considère que le cadre actuel de limitation devrait être maintenu et se montre ouvertement hostile à toute évolution. Jean-Pierre Crouzet, son président, déclare : "Nous devons dire si nous voulons favoriser une société éclatée, dont les modes de vie seront dictés par les intérêts de quelques grandes enseignes internationales, ou si nous voulons privilégier la cohésion sociale et la modernisation raisonnée de notre société".
Reste que les douze ouvertures dominicales des enseignes de bricolage ou d'ameublement, prévues à partir de 2015, ne correspondront plus qu'au quart de ce qu'elles étaient auparavant, et que la situation des magasins de jardinage pourrait être source de nouveau litige.