ÉNERGIES FOSSILES. La fin de l'avantage fiscal portant sur le gazole non routier (GNR), utilisé par les entreprises de BTP, est prévue pour le 1er janvier 2024. Mais les représentants des travaux publics reviennent à la charge pour obtenir un nouveau report.
"Oui, je considère qu'il va falloir retirer, dès le projet de loi de finances 2024, un certain nombre d'avantages fiscaux sur les énergies fossiles" : ce sont les propos, rapportés par l'AFP, du ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Il s'exprimait ce 12 juin 2023 lors d'une table ronde consacrée à l'industrie verte, montée à l'initiative du parti présidentiel Renaissance. "Pour tous ceux qui sont concernés -ça peut être les transporteurs routiers, les entreprises du bâtiment, les travaux publics-, ça veut dire que les chantiers ne sont plus rentables, que les entreprises peuvent perdre de l'argent. Donc il faut regarder comment les accompagner", a-t-il ajouté. Référence probable à la fin de l'avantage fiscal sur le taux réduit de TICPE sur la gazole non routier (GNR), programmée pour le 1er janvier 2024.
Les constructeurs "ne sont pas prêts"
Bercy, contacté par nos soins, ne souhaite pas préciser les propos du ministre. Quoi qu'il en soit, la Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics (CNATP) a d'ores et déjà, courant mai, envoyé un courrier au ministère afin de demander un "nouveau report de la suppression du GNR" - sachant que les pouvoirs publics ont déjà reporté cette mesure à plusieurs reprises, notamment du fait des difficultés économiques liées à la crise sanitaire et la guerre en Ukraine. "Rappelons tout d'abord qu'il n'existe pas à ce jour de matériel 'propre', opérationnel et financièrement accessible pour remplacer nos engins de chantier", peut-on lire dans le courrier, que Batiactu s'est procuré. "Que ce soit avec des moteurs de nouvelle génération, des solutions hybrides, électriques ou des développements hydrogène, les constructeurs avancent mais nous le disent, ils ne sont pas prêts. [...] La suppression du GNR dès 2024 pourrait d'ailleurs s'avérer contreproductive car celle-ci fragilisera les fonds propres de nos entreprises." Reste à savoir si, dans un contexte marqué par des décisions de plus en plus fortes pour contrecarrer le changement climatique (interdiction à la location des passoires thermiques, éventuelle interdiction des chaudières gaz, zones à faibles émissions...), la profession sera à nouveau entendue sur l'idée d'un report.
La FNTP veut un nouveau report de "cinq ans"
Le 31 mai, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) a également pris la plume pour demander un nouveau report à Bruno Le Maire. "Cette suppression constitue encore une pure mesure de rendement fiscal en l'absence d'alternative écologique en matière énergétique. En effet, seuls quelques engins électriques ont fait leur apparition sur le marché." D'où le fait qu'un nouveau décalage de la mesure dans "cinq ans" serait "indispensable lors du prochain projet de loi de finances".
Au-delà du report, l'organisation professionnelle souhaiterait également que le Gouvernement se penche sur "un véritable plan de transition écologique", et soumet plusieurs propositions qui pourraient trouver elles aussi une place dans le prochain PLF : mise en place d'une fiscalité écologique "pour rendre l'accès aux biocarburants attractifs" - et flécher cet accès, dans la programmation pluriannuelle de l'énergie, "en priorité vers les usages non routier comme les travaux publics" -, réintroduire un mécanisme de suramortissement "sans limite de durée", soutenir les dispositifs de leasing "économiquement accessibles pour l'électrique et l'hydrogène", déployer "massivement le retrofitage".
En plus de ce courrier, le président de la FNTP, Bruno Cavagné, doit à nouveau rencontrer Bruno Le Maire le 15 juin, pour parler de cette délicate question du GNR.
Pour rappel, l'alimentation des engins de chantier est l'une des composantes de la feuille de route de décarbonation des transports, remise le 24 mai dernier. "Une première famille de petits engins ira vers l'électrique", avait alors détaillé Dominique Chevillard, directeur technique et de la recherche à la Fédération nationale des travaux publics (FNTP). "Pour les moyens et gros, nous avons conclu que le carburant liquide bas carbone était la meilleure solution, pour une question de logistique. Nous avons bien sûr creusé la question de l'hydrogène, mais actuellement les solutions de ravitaillement ne sont pas assez matures."