CONFÉRENCE. Le président de Woodeum, qui est également celui de la Fondation du Patrimoine, s'est exprimé à EnerJ-meeting sur l'avenir de la construction. Au-delà de la sobriété énergétique, il martèle que l'enjeu est celui de l'empreinte CO2, en neuf comme en rénovation. Morceaux choisis.
Bref retour en arrière : nous sommes à la fin de 2015, la COP21 va se tenir à Paris. Le monde de l'immobilier s'interroge sur la contribution qu'il pourrait apporter pour participer à la lutte contre le changement climatique. Guillaume Poitrinal, ancien président d'Unibail-Rodamco qui dirige Woodeum depuis 2013, cherche lui aussi une réponse : "Il y avait les bâtiments basse consommation, voire ceux à énergie positive. Mais le problème n'est-il pas le carbone ? Il y a des véhicules électriques, des énergies renouvelables, qui sont des réponses à bas carbone, mais que fait le bâtiment ?". Le désormais spécialiste de la construction durable en bois assène : "Le sujet n'est pas le kilowattheure au mètre carré, le problème est le CO2 au mètre carré, le calcul de l'empreinte carbone des bâtiments construits ou rénovés". D'où son idée de lancer avec d'autres acteurs du secteur, l'association BBCA pour Bâtiments Bas Carbone, qui établira un référentiel de constructions peu émissives limitant l'impact sur le climat. "BBCA est déjà remonté en partie dans l'expérimentation E+C-", insiste-t-il. Et donc prochainement dans la réglementation environnementale de 2020.
Mais comment faire concrètement ? Guillaume Poitrinal répond : "Il existe des moyens pour baisser la facture carbone, qui deviendra une réalité bientôt". Pour construire, exploiter et recycler de façon vertueuse, celui qui est également président de la Fondation du Patrimoine, avance plusieurs pistes : "D'abord, il faut peu détruire, et conserver l'existant, en le surélevant par exemple. Le but est de sanctuariser l'existant où se concentre l'impact carbone. Ensuite, le 2e élément sera le recyclage. Les chantiers sont des scandales environnementaux". Il rappelle que l'industrie du bâtiment est le deuxième secteur de l'économie qui émet le plus de CO2 après celui des transports, et que très peu est fait pour résorber cette empreinte, alors que les véhicules eux se dirigent sûrement vers une électrification. Toutefois, des efforts sont faits, comme le rappelle le président de Woodeum : "Pour le chantier de rénovation de la tour Montparnasse, les verres de façade qui seront enlevés serviront à confectionner le mobilier".
"Les bâtiments seront des puits de carbone, c'est leur vocation !"
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Pour le spécialiste de la construction bois, la réponse viendra de l'incorporation de matériaux biosourcés dans le gros œuvre, puisque le ciment lui-même est émetteur de gaz carbonique dans son process d'élaboration. "Cela ne convient plus, alors que d'autres matériaux historiques qui ne convenaient plus reviennent", relate-il avec satisfaction, citant l'exemple de la longévité de la charpente de Notre-Dame-de-Paris ou l'utilisation abondante de bois dans les immeubles haussmanniens. Avant d'ajouter : "Aujourd'hui, le lamellé-croisé permet de réaliser de véritables immeubles avec des murs de refend, tout en bois". Le gros-œuvre des bâtiments pourra donc servir de stockage du CO2 à long terme, jouant le rôle de puits de carbone en ville. Autre avantage de ces solutions constructives, des "chantiers secs et deux fois plus rapides, qui nécessitent entre 6 et 8 fois moins de camions". D'où un confort accru pour les ouvriers et les riverains, qui n'ont pas à supporter poussière et bruit. Guillaume Poitrinal compare cette façon de procéder "à une intervention chirurgicale non invasive, courte et précise", là où la construction classique serait une opération à cœur ouvert menée avec des moyens lourds.
Côté habitants, l'immeuble en bois aurait également des vertus : "L'hygroscopie est maîtrisée. Et ce sont des bâtiments sans inertie, donc plus faciles à chauffer ou à rafraîchir. Le bois est très isolant, mais ce matériau n'est pas une éponge à calories ou à frigories, contrairement au béton qui conduit très bien la chaleur ou le froid". D'où une régulation thermique à l'aide de solutions nouvelles, à basse température, sans rayonnement. Guillaume Poitrinal, convaincu du bienfondé de sa démarche, conclut : "Le sujet est de laisser une planète plus propre qu'aujourd'hui en capturant du carbone. Les bâtiments deviendront des puits de carbone, c'est leur vocation".