CONSTRUCTION DURABLE. L'association BBCA fait le point sur ses deux labels existants, pour le neuf et la rénovation, et lève le voile sur l'avancement des réflexions concernant le futur label pour les quartiers bas carbone.
Les labels Bâtiment Bas Carbone (BBCA) poursuivent leur chemin. Apparus au début de 2016 pour le neuf et à la toute fin de 2017 pour la rénovation. Hélène Génin, déléguée générale de l'association, fait le point sur la feuille de route pour l'année en cours : "La priorité est de garantir une méthode de comptage des émissions de carbone, qui rende compte de la réalité des pratiques immobilières et qui valorise les bonnes pratiques, avec un calibrage. Nous devons également fixer le cap de l'exemplarité et mettre en lumière les champions qui montrent la voie. Ensuite, le but est d'inciter les donneurs d'ordres - promoteurs, investisseurs, collectivités - à formuler des exigences BBCA. Enfin, il faut continuer à développer les connaissances". Pour l'heure, 30 labels ont été délivrés (15 pour du tertiaire, 14 pour du logement et 1 pour de l'hôtelier) tandis que 22 autres dossiers sont en cours. Certaines collectivités comme la région Île-de-France ou la Ville de Paris, encouragent à l'adoption du label pour les logements sociaux. La première verse 500 € de prime par logement (2.500 sont concernés) tandis que la seconde octroie 20 €/m² de bonus de financement pour des programmes neufs ou rénovés.
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La v.3.0 et le label Rénovation en octobre
L'association annonçait déjà travailler sur une troisième version de son label pour la construction neuve et sa démarche aboutira, le 5 octobre prochain, à la publication de cette v.3.0 contenant des évolutions méthodologiques visant à la rendre encore plus robuste. Au programme figure notamment un ajustement des seuils Carbone, grâce à l'enrichissement progressif de la base Inies sur les produits de la construction. "Plus cette base est complétée moins il y aura de valeurs génériques pénalisantes pour le bilan des bâtiments", explique Hélène Génin. Les opérations de déconstruction préalable à toute construction neuve, afin de bien prendre en compte le périmètre réel du projet et encourager à la conservation de l'existant, seront intégrées. De même, la fin de vie des matériaux biosourcés non valorisés sous forme d'énergie mais stockés sera prise en compte. La déléguée générale argumente : "C'est un levier de la neutralité carbone, capable de compenser les émissions des étapes de construction et d'exploitation". Les seuils du label neuf seront assouplis, à l'exception du niveau Excellent qui restera toujours aussi exigeant, et le nombre de points par niveau sera adapté. Nouveauté également : le label BBCA sera proposé à l'international par Cerway.
Du côté du label BBCA Rénovation, diffusé par le certificateur Prestaterre, il sera lui aussi disponible en octobre 2018. Rappelons que sa démarche, adaptée aux opérations de réhabilitation, s'appuie sur les quatre mêmes piliers que son grand frère, mais avec des spécificités : la conservation de l'existant (gros œuvre) est encouragée, tout comme la valorisation des matériaux déposés. Le réemploi des matériaux, surtout in situ, fait partie des priorités ainsi que l'amélioration des performances du bâti.
Quid du label pour les éco-quartiers ?
Sur le label BBCA Quartiers, en cours de discussion, Stanislas Pottier, le président de l'association, détaille : "C'est un sujet novateur, porté par le CSTB, Elioth (groupe Egis) et BNP Paribas Real Estate. L'approche quartier est très pertinente pour agir sur le climat et diminuer l'empreinte carbone, voire accélérer sa captation. Car il faut considérer le bâtiment dans sa fonction au sein d'un quartier ou d'une ville, ses interactions avec les autres bâtiments ou avec ses usagers". Depuis six mois, les partenaires travaillent donc à l'établissement d'un référentiel ad hoc, esquisse d'un futur label. Jean-Christophe Visier, spécialiste de la question de la neutralité carbone au CSTB, dévoile : "L'objectif est la conception, réalisation et fonctionnement d'un quartier qui intègre le défi de cette neutralité". Quatre enjeux ont été rencontrés lors de ces études : tout d'abord comprendre les ordres de grandeur de l'empreinte carbone des quartiers. Ensuite, identifier les leviers d'action disponibles puis faire émerger les premières valeurs de référence. Enfin, élaborer l'architecture d'un référentiel à proprement parler.
Il ressort de leurs travaux que l'empreinte carbone moyenne d'un Français est de 11,5 tonnes de CO2/an répartis de la façon suivante : 3,5 t. pour ses déplacements, 3 t. pour les bâtiments, 2 t. pour son alimentation, 1,5 t. pour le transport de marchandises et 0,5 t. pour les biens consommés, 0,5 t. pour les déchets générés et 0,5 t. pour les espaces publics et infrastructures utilisés. Au niveau mondial, l'empreinte carbone d'un être humain est aujourd'hui de 6 t. CO2/an, soit quasiment la moitié de l'impact d'un Français. Une trajectoire idéale prévoit que l'empreinte des nationaux redescende à ce niveau en 2030 et qu'elle poursuive une décroissance pour s'établir à seulement 2 t. CO2/an en 2050. "Quelles possibilités d'action avons-nous au niveau d'un quartier ?", s'interroge Jean-Christophe Visier. "En agissant au niveau des bâtiments, des espaces publics et infrastructures, de la question des transports, et d'une partie de l'alimentation et des déchets", répond-il. Soit tout de même un périmètre d'influence de 4,5 t. CO2/an. Et les experts estiment qu'il sera possible de réduire des deux-tiers cette empreinte par la généralisation des réhabilitations lourdes, l'optimisation des surfaces, la récupération d'énergies et l'adoption de sources renouvelables, la mixité des usages et la réversibilité des constructions, le développement des services de partages locaux…
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Restent cependant de nombreuses difficultés. L'établissement d'analyses du cycle de vie à l'échelle d'un quartier est difficile lorsque les périmètres spatiaux, temporels ou techniques sont très différents. La question de l'unité de référence pour mesurer et agréger les différentes activités urbaines reste posée, même si le groupe de travail prône de la centrer autour de l'usager. Le référentiel d'un label BBCA Quartiers sera structuré de la même façon que celui des bâtiments bas carbone (constructions & transformations, exploitations & usages, stockage de carbone, économie circulaire) mais sera étendu, avec l'inclusion des "externalités du quartier". D'autre part, il est prévu que la performance soit mesurée selon l'étape de la vie des projets : conception-construction, puis utilisation et afin, anticipation des futurs usages avec des scénarios intégrant les changements possibles (climatiques ou fonctionnels). L'association entend travailler sur toutes ces problématiques au cours des prochaines années, dans le cadre d'un programme de 3 années. Mais des projets pilotes ont d'ores et déjà été localisés sur le territoire. La France, déjà en pointe grâce à l'expérimentation E+C- (totalement compatible avec BBCA), conserverait ainsi le leadership européen sur ces thématiques de neutralité carbone des villes.