TENDANCE. Les experts du secteur de la construction en sont convaincus : le marché des logements connectés et bâtiments intelligents est sur le point de changer d'échelle pour se déployer massivement. Batimat et le Gimelec ont imaginé trois scénarios prospectifs d'évolution pour les années au-delà de 2020.

Le marché de la maison communicante devrait connaître un boom, même si, à l'heure actuelle, la portion de Français équipés d'objets intelligents reste faible. Selon une douzaine d'experts du secteur, consultés par Xerfi et le tandem Batimat-Gimelec, qui travaillent pour des entreprises comme ABB, Delta Dore, Legrand ou Schneider Electric, la massification ne ferait même aucun doute et représenterait, pour eux, une opportunité importante. Guillaume Loizeaud, le directeur de la division Construction chez Reed, donne la définition communément admise de ce qu'est le "smart home/smart building" : "C'est un bâtiment connecté, doté d'une infrastructure et d'équipements communicants, capable de répondre aux nombreux cas d'usages de ses utilisateurs". Cela implique donc des raccordements à des réseaux et une circulation des données entre l'intérieur et l'extérieur, nécessitant de ce fait un degré de sécurisation. Le tout pour optimiser des ressources (énergies ou surfaces), améliorer le confort des usagers et développer de nouveaux services. "La moitié des cas d'usages n'existaient pas il y a cinq ans", fait remarquer celui qui organise le salon Batimat, évoquant au passage l'efficacité énergétique, la qualité de l'air intérieur, la gestion des espaces partagés, le télétravail, la maintenance prédictive ou l'aide aux personnes dépendantes.

 

 

Le continuum entre son salon, sa voiture et son bureau

 

Pour les prospectivistes, l'apparition de véhicules autonomes abolira les frontières entre un logement connecté et un bâtiment tertiaire lui aussi communicant. Guillaume Loizeaud parle "d'expérience continue entre l'habitat et le lieu de travail", phénomène qui sera accéléré par le déploiement de la téléphonie 5G, capable de supporter toujours davantage de données. "Un virage à ne pas rater", recommande-t-il. Les immeubles non résidentiels de haute technicité seront les premiers impactés et les moteurs de ce marché, qu'il s'agisse de bureaux neufs, d'hôpitaux ou d'usines hi-tech. "La valeur repose autant sur la démultiplication des cas d'usages que sur la simplification de leur utilisation", souligne le directeur de la division Construction de Reed, citant l'exemple d'un couteau suisse à 50 ou 100 lames, finalement peu pratique à employer. Aujourd'hui, ce marché en est encore à ses balbutiements, puisque seuls 8 à 10 % des bâtiments tertiaires possèdent une gestion technique (GTB). "Les acteurs du smart building ont une opportunité unique de proposer une large gamme de cas d'usages pour répondre aux besoins des gestionnaires immobiliers", annonce-t-il.

 

Dans le secteur du logement, la révolution serait également pour demain. Ou après-demain. Mais les grands acteurs de la construction et de la promotion seraient déjà en train de préparer la bascule, comme Nexity, Vinci, Icade, Bouygues ou BNP Paribas Real Estate, qui prévoient de passer à 100 % de logements connectés de façon standard dans le neuf dès 2021. "C'est le taux de renouvellement du parc installé qui fera décoller le marché", assure le directeur du salon Batimat. L'offre passera ainsi d'un marché d'expérimentation puis de primo-adoptants à celui de masse. Toutefois, comme le fait remarquer Guillaume Loizeaud, de nombreux freins subsistent : "Des freins technologiques, comme les problèmes d'interopérabilité ou la question de la commande vocale dans le tertiaire. Des freins réglementaires notamment autour du partage de l'énergie renouvelable en local. Des freins sociétaux avec la protection des données personnelles. Ou des freins financiers, puisqu'il n'y a pas d'incitation et que se pose toujours la question du retour sur investissement".

 

 

Les enceintes connectées, demain dans tous les intérieurs français ?

 

Les spécialistes de la question du smart home observent avec intérêt l'arrivée des enceintes connectées dans les maisons françaises. Apparues très récemment (moins de 18 mois) elles sont déjà près de 2 millions à avoir été installées dans l'Hexagone. Et près de 90 % des internautes en connaissent l'existence grâce aux campagnes de communication qui ont été menées par les géants du Net. "La commande vocale bouleverse le marché", insiste Guillaume Loizeaud. Le taux d'adoption de ces produits serait similaire à celui des smartphones au début des années 2010, laissant présager d'une énorme progression dans les années qui viennent. Les experts se risquent à imaginer trois scénarios différents pour les offres technologiques de demain. Tout d'abord un schéma où les acteurs classiques du bâtiment parviendraient à jouer de leurs forces comme la légitimité et le savoir-faire historique et leur capacité à proposer une offre globale. Ensuite, un deuxième où les velléités des géants du digital comme Google et Amazon, parviendraient à tirer le marché grâce à leurs rapports quotidiens avec les utilisateurs finaux et grâce à leurs capacités d'investissements colossales. Enfin, un troisième avenir possible repose sur la création d'un business model où des acteurs intermédiaires feraient la jonction entre les différents secteurs du numérique, des équipements et de la construction. Dans tous les cas, "les offres devront obligatoirement intégrer des évolutions sociétales telle que la location d'usage, de plus en plus répandue". D'où le développement d'un marketing repensé, accompagné d'une nécessaire formation des professionnels à de nouvelles compétences et la conclusion de multiples partenariats. A moins qu'un retour à plus de sobriété et de simplicité ne vienne contrebalancer cette vision d'un monde dominé par les puces (électroniques) ?

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