PARLEMENT. C'est maintenant au tour du Sénat d'examiner la loi d'orientation des mobilités (LOM), le texte relatif aux transports et à leurs infrastructures porté par le gouvernement Philippe. L'un des axes majeurs de cette loi porte sur la programmation des investissements étatiques dans les équipements, au premier rang desquels la liaison transalpine Lyon-Turin.
Ce mardi 19 mars 2019, le Sénat va débuter l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), qui se veut le texte relatif aux transports et à leurs infrastructures porté par le gouvernement Philippe. Alors que le débat de première lecture en séance publique aura lieu à compter de cette date, la commission sénatoriale de l'aménagement du territoire et du développement durable a déjà apporté, le 6 mars dernier, des modifications au projet de loi. En effet, les parlementaires de la Haute assemblée ont adopté quelques 240 amendements, dont 150 émanant du rapporteur (Didier Mandelli, sénateur LR de Vendée), avec en ligne de mire 4 objectifs principaux.
=> "Prévoir des ressources crédibles, pérennes et transparentes pour financer les infrastructures de transports" : selon un communiqué du Sénat, les parlementaires ont "sanctuarisé les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) afin qu'elles ne dépendent plus de recettes fluctuantes et imprévisibles comme les amendes radars". Cette problématique avait déjà été soulevée ces derniers mois, l'Agence n'étant pas sûre de pouvoir boucler son budget. Concrètement, cela se traduira par l'affectation intégrale du produit de la hausse de TICPE (Taxe intérieure de consommation des produits énergétiques) à l'AFITF. "Nous sommes très inquiets au sujet de la soutenabilité financière de la programmation des infrastructures de transports prévue par le texte pour les 5 ans à venir", développe Didier Mandelli. "D'ores-et-déjà, le niveau réel des investissements de l'Etat prévu pour 2019 sera 200 millions d'euros en-dessous de ce que le projet de loi prévoit !"
=> "Donner des moyens aux collectivités territoriales pour couvrir les zones blanches de la mobilité" : sur cet axe, les sénateurs de la commission ont décidé d'étendre le versement mobilité, en fléchant une partie du produit de la TICPE vers les collectivités dont les ressources sont insuffisantes, et en orientant les CEE (Certificats d'économie d'énergie) vers les mobilités propres. Hervé Maurey, sénateur centriste de l'Eure et président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable : "Le texte du Gouvernement donnait aux collectivités les compétences et les outils mais pas les moyens ! Ces mesures doivent permettre la mise en place de vraies alternatives à la voiture individuelle, au profit des habitants des territoires ruraux dont les revendications sont au cœur de la crise des Gilets jaunes."
=> "Encourager les modes de transports peu polluants" : les parlementaires de la Chambre haute ont en outre adopté des amendements pour favoriser les moyens de transports "doux" comme le vélo, pour développer les véhicules à faibles émissions et pour soutenir le transport fluvial.
=> "Accélérer la révolution des nouvelles mobilités" : la commission sénatoriale a ratifié des amendements pour que les collectivités puissent réguler les services de véhicules en libre-service (vélos, trottinettes…). Dernier point : les parlementaires ont estimé nécessaire que le Gouvernement dépose un amendement relatif aux transferts de gestion de certaines petites lignes ferroviaires vers les régions, dans une optique de désenclavement des territoires. Pour rappel, le Sénat a déjà adopté une proposition de loi en ce sens, à l'initiative, entre autres, de l'ancien ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard. (LIEN)
Lyon-Turin : les voies d'accès côté français, cœur du problème ?
Quoi qu'il en soit, le projet de loi LOM impacte directement un dossier brûlant du moment : la liaison transalpine Lyon-Turin, un tunnel de 57,5 kilomètres serpentant sous les Alpes, qui n'en finit pas de diviser les Italiens et d'échauffer les Français. Car l'un des axes majeurs du texte concerne la programmation des investissements de l'Etat dans les grandes infrastructures de transports, dont le Lyon-Turin fait logiquement partie. Au total, environ 14 milliards d'euros devraient être débloqués pour assurer l'entretien des réseaux routier, ferré et fluvial jusqu'en 2023. Au sein même de la LOM, "l'Etat réaffirme […] son engagement à réaliser le tunnel transfrontalier et confirme l'intérêt stratégique de l'ouvrage sur les plans économique et écologique", d'après un communiqué du Comité pour la transalpine Lyon-Turin. Mais, toujours selon cette organisation, les investissements fléchés en direction des voies d'accès côté français ne sont pas précisés dans le texte. C'est pourquoi des sénateurs de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable auraient déposé des amendements demandant à l'Etat de clarifier ses positions sur le sujet.
Le nœud des tensions entre l'Italie et la France semble bel et bien se trouver à ce niveau : les 270 kilomètres de liaison ferroviaire sont financés à 40% par l'Union européenne, à 35% par Rome et à 25% par Paris. Or, 80% de la ligne se situent en territoire français. Comment expliquer que l'Italie mette pourtant davantage la main au portefeuille ? Car les voies d'accès étant plus difficiles et plus chères à aménager côté français, Rome a accepté en contrepartie de financer une plus grande partie du tunnel. Ceci dit, le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures paru en février 2018 proposait de reporter l'aménagement des voies d'accès françaises ; une hypothèse qui a froissé l'Italie, Rome percevant cela comme un désengagement de Paris. Dans de telles conditions, l'enjeu de la LOM serait donc de lever les doutes et les ambiguïtés, en procurant davantage de visibilité à l'ensemble des parties prenantes. Il est du coup probable que cela se traduise par un phasage plus modéré du projet et par des financements européens plus conséquents, si l'on en croit les spécialistes du dossier.
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Lancement des appels d'offres pour la poursuite des travaux du tunnel
Ce lundi 18 mars, le conseil d'administration de TELT (Tunnel euralpin Lyon-Turin, le maître d'ouvrage du chantier) a autorisé le lancement de la procédure d'appels d'offres pour poursuivre les travaux du tunnel transfrontalier. Les avis de marchés concernant 3 lots ont été officiellement publiés par le biais des autorités européennes, pour un montant total de 2,3 milliards d'euros. Le gouvernement italien, extrêmement divisé sur le sujet, a néanmoins imposé une condition sine qua non à ce feu vert : dans environ 6 mois, le passage à l'étape suivante, autrement dit la transmission des cahiers des charges aux entreprises présélectionnées pour la suite des travaux, devra être validée par les deux Etats. Ces derniers devront, de même, prendre définitivement position sur la poursuite du chantier.