EXCLUSIF. Les pouvoirs publics vont renforcer drastiquement la réglementation incendie dans les bâtiments d'habitation de troisième et de quatrième familles. Au point de faire réagir plusieurs industriels de la filière de l'isolation thermique, notamment l'Association française de l'isolation en polystyrène expansé dans le bâtiment (Afipeb).
Les pouvoirs publics ont décidé, presque deux ans après l'incendie de la tour Grenfell, à Londres, de renforcer drastiquement la sécurité incendie pour les bâtiments d'habitation de troisième et quatrième familles. Les systèmes posés en façade devront ainsi être "quasiment incombustibles", classés A2-s3-d0 (ce qui correspond d'ailleurs à une préconisation du rapport du CSTB datant de juillet 2017, en ce qui concerne la quatrième famille - le CSTB préconisait en troisième famille un classement B-s2-d0, mais l'État a visiblement souhaité aller plus loin).
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"L'idée n'est pas d'exclure un matériau en particulier, mais plutôt tous les matériaux susceptibles d'engendrer une propagation rapide et incontrôlable du feu", nous expliquait récemment le ministère de la Cohésion des territoires. "Le polystyrène serait par exemple visé, ou le bois (parement). D'après le retour des laboratoires spécialisés, les systèmes de polystyrène sous enduit classiques n'atteignent pas la performance souhaitée et affichée par le décret."
Un travail entamé dès 2013 par la filière polystyrène
Plusieurs industriels concernés ont souhaité réagir auprès de Batiactu à la suite de la publication de ces propos. En premier lieu l'Association française de l'isolation en polystyrène expansé dans le bâtiment (Afipeb), par la voix de son président Amaury Omnès. "Nous demandons à ce que les évolutions de textes règlementaires relatifs à la sécurité incendie dans les bâtiments d'habitations disent clairement que le guide Etics-PSE est valable pour les immeubles d'habitation de troisième famille", nous explique-t-il. Un lien qui n'est visiblement pas clairement fait dans les projets de textes (toujours pas parus au Journal officiel), ce qui pourrait diminuer l'accès (voire le fermer) de la filière à ce marché regroupant les immeubles d'habitation de petit collectif jusqu'à 28 mètres (environ entre 4 et 7 étages).
"Inscrire dans le marbre" la pertinence du guide Etics-PSE
Sur la sécurité, "un travail a été entamé dès 2013 par la filière, pour mettre à jour la réglementation, sur la base de nombreux essais en grandeur réelle (Lepir 2)", continue le président Amaury Omnès. "Achevé en 2016, il a été validé conjointement par les ministères de l'Intérieur et de l'Environnement. Nous ne comprendrions donc pas que ces travaux ne soient pas reconnus aujourd'hui par la réglementation. Il y a pourtant un risque que cela soit le cas, puisque les projets de textes qui nous ont été présentés n'envisagent, pour la 3ème famille, que deux solutions : soit un système incombustible (A2-s3-d0), soit un système bénéficiant d'un avis de laboratoire." Or, argumente l'Afipeb, de tels essais ont bien validé les solutions présentées dans le fameux guide technique. D'où le souhait de voir "inscrit dans le marbre" leur pertinence. "Je rappelle qu'une dizaine de millions de m² d'ITE sont réalisés chaque année avec cette technique. Le dernier incendie avec ITE connu date de presque dix ans et concernait un système non conforme au guide [l'incendie du foyer Adoma, à Dijon, NDLR]. Rappelons les atouts de notre produit : il est fabriqué localement, c'est un matériau sain, peu onéreux, recyclable et facile à poser."
Peut-on rénover 500.000 logements sans les solutions polystyrène ?
Mais au-delà de la filière du polystyrène, c'est le groupement du Mur manteau, multi-matériaux, qui s'affirme en désaccord avec ces textes, mettant en avant le fait que sans une pluralité de solutions techniques sur le marché, il sera difficile d'atteindre les objectifs de rénovation énergétique des bâtiments. "Pour que le marché de l'isolation thermique par l'extérieur se développe, nous avons besoin que différentes filières, différents matériaux, l'alimentent", explique le président Philippe Boussemart à Batiactu. "Cette diversité existe depuis de nombreuses années et elle se renforce avec l'arrivée de nouveaux matériaux, ce qui est positif. Si l'on vient réduire cette offre en troisième famille, cela ne permettra pas le développement du marché, et in fine d'atteindre les objectifs de 500.000 rénovations énergétiques par an."
"Interdire les produits combustibles n'est pas la solution magique", Didier Rémy (Pompiers de France)
"Interdire les produits combustibles en façade n'est pas forcément la solution magique même si cela renforce de manière conséquente la sécurité", réagit le commandant Didier Rémy de la commission prévention de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), contacté par Batiactu. "En effet, si la présence d'éléments combustibles est avérée sur des balcons, des poubelles accolées aux façades, alors le feu peut toujours se propager. Il semble important de penser globalement la sécurité en incluant entre autre les équipements de sécurité dont les détecteurs incendie, la sensibilisation des occupants, la stratégie à mettre en œuvre avec les services de secours, plutôt que de se focaliser sur un seul aspect qui certes est important mais qui ne doit pas occulter les autres risques présents."
"Interdire les produits combustibles en façade n'est pas forcément la solution magique même si cela renforce de manière conséquente la sécurité", réagit le commandant Didier Rémy de la commission prévention de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), contacté par Batiactu. "En effet, si la présence d'éléments combustibles est avérée sur des balcons, des poubelles accolées aux façades, alors le feu peut toujours se propager. Il semble important de penser globalement la sécurité en incluant entre autre les équipements de sécurité dont les détecteurs incendie, la sensibilisation des occupants, la stratégie à mettre en œuvre avec les services de secours, plutôt que de se focaliser sur un seul aspect qui certes est important mais qui ne doit pas occulter les autres risques présents."
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Le Mur manteau met également en avant la notion de coût, insistant sur le fait que le Gouvernement rappelle régulièrement vouloir construire plus vite et moins cher. Et insiste sur l'importance de clarifier ce qu'il sera possible de faire ou de ne pas faire en troisième famille, "de manière à ne pas induire en erreur les acteurs du secteur, entreprises de pose, mais aussi architectes, bureaux d'études et bureaux de contrôle".
Les textes réglementaires risquant de paraître tels quels au Journal officiel, reste l'espoir pour la filière de demander un courrier de couverture et de reconnaissance du guide ou une la rédaction d'une circulaire.
"Il me semble que ces textes gouvernementaux balayent d'un revers de main des acteurs sérieux qui, comme Myral, ont effectué des démarches vertueuses d'essais en laboratoire (six essais Lepir, en ce qui nous concerne)", réagit pour Batiactu Julien Bagnard, responsable études et développement chez Myral. "Sur la base de ces expérimentations, nous avons défini un certain nombre de règles permettant une maîtrise du risque incendie malgré la présence d'un produit combustible en façade : pas de lame d'air pour éviter l'effet cheminée, disposition d'un isolant complémentaire qui réagit bien au feu (classé B,s2,d0), et une protection au niveau des baies. L'État a tendance à se focaliser sur la question de la masse combustible. Mais ce n'est pas à notre sens le critère le plus important."
"Faire confiance aux entreprises qui prennent ce sujet au sérieux"
"Nous demandons simplement aux pouvoirs publics de faire confiance aux entreprises qui prennent ce sujet au sérieux et réalisent des expérimentations très coûteuses, plutôt que de mettre en œuvre un principe de précaution qui simplifie une question complexe. Par exemple, quid de tous les bâtiments 3ème famille qui présenteront une lame d'air ventilée ? Avec les difficultés de mise en œuvre des recoupements et les formations sur le temps long à mettre en place pour que la protection soit pérenne ?"