LOI ELAN. Les pistes se précisent pour renforcer la sécurité incendie des immeubles d'habitation de quatrième famille, qui seront bientôt renommés "Immeubles de moyenne hauteur" (IMH, 28-50m). L'une d'entre elles, qui pourrait faire couler beaucoup d'encre, est envisagée : celle de renforcer drastiquement les exigences en termes de résistance au feu des matériaux, au point d'exclure certaines solutions.
Sera-t-il encore possible demain, pour des immeubles entre 28 et 50 mètres, de mettre du bois ou des solutions de polystyrène sous enduit (PSE) en façade ? La question se pose, alors que des pistes concrètes se dégagent pour renforcer la sécurité incendie dans les immeubles d'habitation de quatrième famille - ces bâtiments mesurant entre 28 et 50 mètres, qui avaient été pointés par le CSTB comme constituant le point faible de la réglementation incendie, au lendemain de l'incendie de la tour Grenfell, à Londres.
La loi Elan est venue répondre à cette analyse du Centre scientifique et technique du bâtiment en instaurant l'immeuble de moyenne hauteur, l'IMH, avec à la clé un renforcement des exigences en matière de résistance au feu des matériaux de façade.
Et les pouvoirs publics envisageraient de sérieusement serrer la vis sur ce point, d'après des informations que nous avons obtenues de plusieurs sources. Ce sujet a en effet été abordé durant la dernière séance du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), ce mardi 19 mars 2019 (parmi d'autres comme la fiabilisation du diagnostic de performance énergétique ou les contrats de construction de maisons individuelles).
Une "nécessité de réglementer la rénovation thermique par l'extérieur"
Concrètement, trois projets de textes sont dans les cartons : le décret relatif aux travaux de modification des immeubles de moyenne hauteur et son arrêté d'application (précisant les solutions constructives acceptables pour les rénovations de façade), et l'arrêté modifiant l'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation. "Les retours d'expériences français avec la tour Mermoz à Roubaix en 2012 [lire notre article ici], ou encore les incendies allemands sur du polystyrène expansé en 2012, ou plus récent le retour d'expérience de la tour Grenfell, faisant 79 morts, sans compter les autres nombreux incendies de tours pour lesquels la façade a joué un rôle propagateur important, démontrent la nécessité de réglementer la rénovation thermique par l'extérieur, en proposant des solutions constructives qui ont fait leurs preuves ou en recourant aux tierces parties compétentes afin de valider les solutions apportées par les maîtres d'œuvre", posent les pouvoirs publics dans un document de présentation de la réforme, que Batiactu a pu obtenir.
Ainsi, une proposition du Gouvernement serait de rendre obligatoires en façade, pour les futurs IMH, des matériaux classés A2-S3-d0, autrement dit quasiment incombustibles. Ce qui fermerait la porte, par exemple, au bois ou au polystyrène sous enduit, seule solution d'ailleurs citée par les pouvoirs publics. Autre possibilité : faire des tests en laboratoire pour valider l'efficacité d'une solution, avant de pouvoir la mettre en œuvre. Il est également question de supprimer les risques d'effets cheminées, produits lorsque l'intégrité de la lame d'air n'est pas respectée.
Le maillon faible français : 2.800 bâtiments de quatrième famille
Qu'en est-il du nombre de bâtiments de quatrième famille en France qui seraient impactés par cette réglementation, c'est-à-dire n'ayant pas d'ores et déjà mis en place de l'incombustible en façade ? "Un rapport récent interne du CSTB à la DHUP précise qu'il y a environ 11.500 bâtiments d'habitation dont la hauteur est comprise entre 28 m et 50 m en France", précisent les pouvoirs publics. Sur ce nombre, seulement 2.817 bâtiments existants seraient concernés par la nouvelle réglementation, d'après l'estimation de l'administration. Ces 2.800 bâtiments seraient donc le cœur de ce "point faible" de la réglementation incendie française. Le surcoût évalué serait de 20 euros par mètre carré, en passant d'une solution polystyrène avec bande de recoupement incombustible (obligatoire aujourd'hui, et depuis 2015), à une solution incombustible (potentiellement obligatoire demain). Il faut préciser que dans ces estimations, l'administration part du principe que la réglementation a systématiquement été respectée, notamment en ce qui concerne l'instruction technique 249 qui introduit les bandes de recoupement incombustible dans les cas de PSE.
Ces textes font toutefois toujours l'objet d'un débat, et rien n'est inscrit dans le marbre ; bannir le bois de ces systèmes de façade semble une solution assez radicale (ressemblant à celle prise au Royaume-Uni il y a quelques mois), alors même que l'objectif de neutralité carbone en 2050 est sans cesse réaffirmée et que de nombreux projets d'IMH, voire d'IGH, en bois, sont programmés. Reste aussi le problème des nombreux chalets en stations de ski de plus de 28 mètres, construits en bois, et par rapport auxquels ces nouvelles dispositions semblent peu adaptées.
"Des solutions existantes en façade aujourd'hui n'existeront plus demain", nous affirmait le laboratoire spécialisé Efectis il y a plusieurs semaines. Reste aux acteurs des filières concernées, et même dans certains cas menacées, de tenter de trouver un compromis avec les pouvoirs publics.
Quid de la troisième famille ?
Les pouvoirs publics, pour les bâtiments de troisième famille, se réfèrent au respect des trois guides imposés depuis 2015 : Etics en polystyrène sous enduit (2016), protection contre l'incendie des façades béton ou maçonnerie revêtues de systèmes d'isolation thermique extérieure par bardage rapporté ventilé et bois construction et propagation du feu par les façades.