ANALYSE. C'est sur les volets d'accessibilité des personnes handicapées et de loi littoral que 60 députés ont saisi le Conseil constitutionnel, le 23 octobre, sur la loi Elan. Détails.
À quelques jours de sa promulgation, après son vote définitif le 16 octobre dernier, la loi Elan connaît un nouveau contretemps, avec la saisine du Conseil constitutionnel par 60 députés de l'opposition. Deux dimensions de la loi sont attaquées : le versant accessibilité et le versant loi littoral, comme nous l'apprend le texte du recours, qui nous a été communiqué par le groupe PS de l'Assemblée nationale.
Premier sujet de discorde le passage d'un objectif de 100% de logements accessibles dans le neuf à "8%", d'après les députés signataires. "Il apparaît que les dispositions de l'article 18 n'ont pas vocation à introduire dans notre législation des exceptions et dérogations justifiées et circonscrites mais à remettre en cause la substance même du principe de l'accessibilité", estiment-ils. S'ils avancent le chiffre de 8%, c'est parce que le nouveau quota de 20% ne s'appliquerait principalement qu'aux bâtiments R+4 et de hauteur supérieure, qui ne représenteraient que "40% des immeubles de logements construits sur la décennie écoulée" - ce qui nous amène au 8% suscité.
Ce 24 octobre, l'association APF France Handicap avait appelé de nouveau les parlementaires à saisir le Conseil Constitutionnel, considérant que "ce principe de quota est contraire aux principes constitutionnels d'égalité de traitement et de non-discrimination" et fournissant un argumentaire détaillé.
Les logements "évolutifs" ne convainquent pas les 60 députés
Ces dispositions font qu'en tenant compte du nombre de personnes handicapées et du nombre grandissant de personnes âgées en situation de maintien à domicile "le gouvernement et le législateur créent les conditions d'un stock de logements accessibles nettement insuffisant pour satisfaire les besoins actuels et futurs de la population".
La loi Elan prévoit toutefois que 80% des logements non-accessibles soient "évolutifs". Une mesure qui ne convainc pas non plus les députés. "Ce dispositif, conçu comme un élément de souplesse par le législateur, risque de conduire à des discriminations par les bailleurs dans le choix des locataires au détriment des personnes pour lesquelles des travaux seraient rendus nécessaires. Dans un contexte financier difficile, tous les bailleurs - y compris sociaux - seront de fait incités à minimiser la part des locataires porteurs de handicap dans leur parc locatif pour se prémunir de travaux futurs."
Quid des "travaux simples" ?
Les députés critiquent également le manque de précision entourant la notion de "travaux simples" - travaux censés pouvoir transformer un appartement 'normal' en appartement accessible dans le cadre d'un de ces logements évolutifs. "L'interprétation de la notion de 'travaux simples' pourra singulièrement varier et conduire à une accessibilité ou une adaptabilité des bâtiments à géométrie variable, portant in fine atteinte au principe d'égalité", estiment les 60 députés.
Loi littoral, l'autre source de mécontentement
Le second aspect évoqué par les signataires de la saisine constitue les dispositions touchant à la loi littoral : autoriser des constructions et installations dans les dents creuses des communes soumises à la loi «Littoral», autoriser les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles, forestières ou aux cultures marines et à leur valorisation locale en discontinuité avec les agglomérations et villages existants...
à lire aussi
"La situation du littoral français, étendu sur plus de 7.500 km, avec un trait de côte dont le quart recule chaque année du fait de l'érosion est particulièrement vulnérable aux dérèglements climatiques", affirment tout d'abord les députés. Ils rappellent ensuite que les littoraux français sont déjà très sollicités en matière de construction et d'artificialisation des sols. "Les communes littorales accueillent 10% de la population française sur 4% du territoire national, auxquels s'ajoutent 7 millions de lits touristiques. Elles connaissent aussi un rythme de construction trois fois plus élevé que la moyenne nationale. En outre, les communes littorales ont une densité de population 2,5 fois supérieure à la densité moyenne métropolitaine et la croissance cette population littorale ne devrait cesser de se renforcer. L'artificialisation du littoral et la destruction des écosystèmes côtiers engendrent une augmentation des risques de submersion marine."
Une promulgation repoussée
Les députés demandent ainsi que soit déclarée inconstitutionnel le projet de loi Elan dans son ensemble, et "à titre subsidiaire, de déclarer inconstitutionnels les articles qui ont méconnu spécifiquement les dispositions visées".
Avec cette saisine par 60 députés, le délai de promulgation de 15 jours après le vote définitif est suspendu, ce qui devrait repousser cette dernière de quelques semaines.