POLITIQUE. La nouvelle majorité municipale marseillaise a lancé une modification du plan local d'urbanisme visant à inscrire ses orientations dans le document intercommunal, avec comme axes prioritaires le devenir de la rue d'Aubagne, la production de logements sociaux, ou le retour en zone agricole de terrains promis à l'urbanisation.

Pas moins de trois adjoints au maire sont venus présenter les grandes orientations de la modification du PLUI de Marseille Provence, le 12 avril, signe qu'il s'agit là d'un enjeu stratégique pour la nouvelle majorité, qui veut prouver sa capacité à agir, alors que Conseil de territoire et Métropole sont restés à droite à la suite des élections municipales de 2020. Mathilde Chaboche, adjointe en charge de l'urbanisme, Patrick Amico, chargé du logement, et Aïcha Sif, chargée notamment de l'agriculture urbaine, étaient là pour affirmer que malgré le contexte institutionnel complexe, où les compétences sont entremêlées, "la Ville compte jouer tout son rôle" en matière d'urbanisme et de logement.

 

Le contexte, en effet, laisse assez peu de marges de manœuvre à la commune : alors que le Scot (en cours d'élaboration) et le PLH (qui vient d'être lancé) sont de compétence métropolitaine, le plan local d'urbanisme, entré en vigueur il y a un an, reste du domaine du Conseil de territoire, qui reprend le périmètre de l'intercommunalité existant avant la création de la Métropole, en 2016 : le CT Marseille-Provence, qui comprend 18 communes, et est largement dominé par la ville centre.

 

30% de logements sociaux dans toute opération de plus de 30 logements

 

Avec cette modification du PLU, la majorité menée par Benoît Payan (PS) met en œuvre une partie des orientations politiques sur lesquelles les électeurs se sont prononcés, à savoir la préservation de la nature en ville, le développement du logement social, ou encore une halte à la "gentrification du centre-ville" de Marseille. Ainsi, l'une des mesures phares est l'abaissement du seuil à partir duquel toute opération doit contenir des logements sociaux, à 30 logements ou 2.000 mètres carrés de sdp, au lieu de 80 logements actuellement.

 

 

"L'Etat nous demande de produire 2.500 HLM par an. En 2020, il y a eu 600 agréments. Le seuil actuel permet à la plupart des opérations d'échapper à l'obligation. De plus, cela ne permet pas la construction de logements sociaux dans le centre-ville, où le foncier est contraint et les opérations plus petites", explique Patrick Amico, dont les services ont calculé qu'un seuil à 30 logements aurait permis la production de 2.613 logements ces trois dernières années "au lieu des 872 sortis de terre entre 2018 et 2020".

 

A partir de ce nouveau seuil, toute opération de logements devra comprendre 30% de HLM, dont un quart de PLAI, les plus sociaux. Mathilde Chaboche annonce d'ores et déjà que la prochaine modification du PLU - la municipalité en prévoit une par an - "ira plus loin, avec un seuil modulé selon les arrondissements". L'analyse fine des besoins par quartiers est en cours, assure l'adjointe.

 

Rue d'Aubagne : imposer "le respect du patrimoine ordinaire" du quartier populaire

 

L'autre mesure mise en avant par la municipalité est la "préservation de la rue d'Aubagne", avec la création d'une réserve à l'emplacement des immeubles effondrés le 5 novembre 2018 "en attendant de décider avec les habitants du devenir du site", d'une part, et d'autre part, une protection patrimoniale du bâti existant, et l'imposition d'un minimum de 70% de logements sociaux sur le périmètre de la Déclaration d'utilité publique (DUP) menée par la Métropole pour le rachat des immeubles, dans le cadre du Projet partenarial d'aménagement (PPA) signé avec la Ville et l'Etat.

 

 

La Ville n'entend pas laisser la main à la Métropole sur la rue d'Aubagne. L'adjointe à l'urbanisme entend "éviter une grande opération immobilière avec des promoteurs et de la gentrification", puisqu'"il sera impossible de tout détruire et de faire une opération neuve". Ainsi, le "petit patrimoine ordinaire qui fait l'identité de notre ville" sera protégé par un classement en zone patrimoniale remarquable. La grande proportion de logements sociaux vise, en outre, à permettre de "réintégrer les expropriés à bas revenus" non loin de leur ancien logement.

 

L'urbanisation dans le viseur de la municipalité

 

Le troisième aspect majeur de cette modification, qui porte sur 75 points du PLU en tout, est le reclassement de plusieurs zones AU ("à urbaniser") en zone agricole, pour un total de 20 hectares, indique l'adjointe à l'agriculture urbaine Aïcha Sif. Ces 20 hectares "protégés de l'urbanisation" permettront à "des agriculteurs en attente de terres de s'installer", dans une logique d'agriculture urbaine, de circuits courts, et de "lien social".

 

De nombreuses autres demandes de modification du PLU portent sur un changement de zonage, dont la plupart, à en croire l'adjointe à l'urbanisme, visent à "modérer la constructibilité dans les zones tampon", de manière à éviter que "des maisons se retrouvent face à un immeuble haut". Enfin, des périmètres d'attentes sont demandés, sur des secteurs dont la majorité municipale estime qu'il faut, soit "redéfinir un projet", soit "mettre un coup d'arrêt à la spéculation foncière".

 

Travail avec les services de la Métropole, pas les élus

 

Sur tous ces points, Mathilde Chaboche explique que "le travail avec la métropole va se poursuivre", puisque le PLU est un document du conseil de territoire et que celui-ci est une entité de la Métropole. L'adjointe se dit "à l'écoute des retours techniques de la part des services", mais prévient qu'elle "n'entend pas que des élus se permettent d'avoir un avis sur le devenir de la ville de Marseille plus que des autres communes". Le ton est donné.

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