DÉBAT. Pour les élus de villes moyennes en perte de dynamisme, l'opportunité d'Action cœur de ville offre son lot de solutions comme d'interrogations quant à la manière de donner un nouveau souffle à des territoires désertés. Une attractivité qui ne pourra pas se gagner uniquement par des financements et offres commerciales, mais à une approche multisectorielle.
Le 19 mars, à l'occasion d'une rencontre nationale autour du programme Action cœur de ville, élus, architectes, urbanistes sont venus témoigner de ce mal-être de ces villes moyennes, longtemps restées dans l'ombre des métropoles, et considérées comme bien portantes a contrario des zones rurales.
"Le Grand débat national a bel et bien montré le besoin impérieux d'une très grande forme de proximité, c'est aussi l'attachement des communes moyennes au maillage territorial de notre pays", introduisait le secrétaire d'État chargé des Relations avec les collectivités territoriales Sébastien Lecornu.
Déconstruire les modèles traditionnels
Pour l'économiste Olivier Bouba-Olga, le programme Action cœur de ville doit être l'occasion de déconstruire des modèles traditionnels de l'aménagement du territoire, et qui consiste par exemple à ériger la métropole au sommet, "et dont on espère qu'elle ruisselle", lâche-t-il. Et d'appeler au passage ces villes moyennes à cesser de se focaliser sur une "économie présentielle", visant à accueillir les métropolitains venus se reposer, après une dure semaine à avoir fait ruisseler les richesses métropolitaines vers ces mêmes territoires.
Une segmentation entre zones, entre territoires, qui amène les villes "à se sentir trop souvent en concurrence entre elles". "Cela structure trop l'action publique au point de conduire à une course à l'armement, où chaque commune voudra payer cher pour que telle entreprise s'installe sur son territoire, ce qui fait réfléchir quant à l'intérêt général."
Pour l'édile de Beauvais et présidente de l'association Villes de France, Caroline Cayeux, il n'y a qu'un modèle qui prévaut, "celui de la qualité de vie", tout en concédant : "Nous avons tous une accroche, un modèle spécifique qui fait que nous avons pu nous tailler une place dans cette concurrence entre les territoires."
"Faire revenir des habitants en centre-ville, ce n'est pas simple"
Si ces frontières invisibles venaient à être démolies, comment assurer aux villes moyennes désertées, parfois dégradées, de renouer avec l'attractivité ? Pour l'architecte membre de l'Académie des beaux-arts Marc Barani, "la notion de projet est indispensable", rejetant également la notion de métropole, "sorte de bulle qui nous autonomise". Le façonnage du projet doit également exclure la notion de "vitesse", si l'on veut "atteindre une prise de position commune entre citoyens, élus, architectes".
Pour de nombreuses villes signataires d'une convention Action cœur de ville, l'engagement d'Action Logement leur apporte déjà la garantie de nouveaux arrivants via leurs salariés bénéficiant du 1% patronal, tandis que le dispositif Denormandie dans l'ancien peut attirer de nouveaux investisseurs dans les centres-villes et centres-bourgs. "Faire revenir des habitants en centre-ville, ce n'est pas simple", affirme Agnès Le Brun, maire de Morlaix en Bretagne.
Pour elle, le retour des commerces "ne suffira jamais" à dynamiser pleinement ces territoires. Pour l'édile qui a mené une large opération de réhabilitation des maisons à pans de bois et des équipements culturels du centre-ville, "il faut développer au maximum la qualité de vie au quotidien de ceux qui ont fait le choix de revenir", et leur offrir "un supplément d'âme".