TERRITOIRES. Le président de la République Emmanuel Macron a présenté ce mardi 22 mai une série de mesures reprenant en partie le fameux plan Borloo, dévoilé il y a quelques semaines, à destination des banlieues et quartiers défavorisés. Mais l'Elysée précise que ces décisions veulent donner « une vision, du sens », en marquant notamment une césure avec les politiques de la ville menées depuis une quarantaine d'années.
Jean-Louis Borloo, ancien ministre de la Ville et du Logement sous Jacques Chirac, a publié un rapport intitulé « Vivre ensemble - vivre en grand la République » prônant une relance de la rénovation urbaine dans les quartiers les plus défavorisés du pays, ce qui se traduirait notamment par un effort budgétaire conséquent de la part de l'Etat. Bien que soutenu par bon nombre d'élus locaux, ce rapport ne devait pourtant pas être repris en totalité par le président de la République, qui ne veut pas d'un sempiternel « plan banlieue » et de ses nombreux milliards, symbole de la politique de la ville depuis une quarantaine d'années mais dont les résultats demeurent marginaux. « L'enjeu n'est pas tant budgétaire que de mobilisation et d'efficacité » assure l'Elysée, qui ajoute que « ce n'est pas juste une question de rénovation urbaine ».
Une volonté de rupture avec les précédentes politiques de la ville
Ce mardi 22 mai, le président de la République a donc appelé à « changer de méthode » : celle des plans banlieues est définitivement abandonnée, le chef de l'Etat reconnaissant qu'elle « a apporté des choses » mais qu' « on est au bout » des résultats espérés. Par conséquent, Emmanuel Macron a annoncé le lancement, d'ici le mois de juillet, de différentes mesures pour redynamiser la rénovation urbaine : en premier lieu, une opération « cœur de quartiers » qui aurait pour but « de les faire sortir en 6 mois » de leur situation détériorée. Des « premières cibles » auraient déjà été sélectionnées pour éprouver ce dispositif inédit. De plus, une « agence nationale de cohésions des territoires » serait également créée, le président de la République assurant que l'ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) serait cependant sauvegardée : « nombre de nos territoires ont un problème d'équipements » a souligné Emmanuel Macron, ajoutant que « dans le cadre de cette agence nationale de cohésions des territoires », il fallait « qu'on réfléchisse à avoir cet opérateur de rattrapage qui permette, dans les quartiers comme dans les zones rurales » de pouvoir « mobiliser les financements publics » ainsi que « tous les acteurs ».
En outre, sur le dossier des copropriétés dégradées, le chef de l'Etat a déclaré qu'il souhaitait « qu'on puisse accompagner les établissements fonciers » et « définir d'ici juillet une dizaine d'opérations d'intérêt national qui permette d'accélérer le travail de requalification ». Enfin, Emmanuel Macron s'est prononcé en faveur de la création d'une « instance de recours pour les habitants comme les élus » sur le sujet de l'équité territoriale. Une mesure qui reprendrait la proposition du rapport Borloo encourageant la mise en place d'une nouvelle juridiction administrative spécialisée dans ce domaine. Le président de la République s'est par ailleurs dit favorable à « un débat d'évaluation de l'équité territoriale au Parlement », afin que députés et sénateurs « puissent étudier chaque année ces recours et débattre démocratiquement » des résultats obtenus.
Un flot de réactions des politiques…
Suite aux annonces présidentielles, les réactions n'ont pas tardé. Jean-Louis Borloo a notamment affirmé que « les banlieues ne demandent pas d'argent ou d'assistance » mais qu'elles cherchent à trouver leur « place dans la République ». Il a par ailleurs récusé « l'espèce de scandale qui consisterait à dire qu'on a beaucoup donné, des milliards aux quartiers, comme s'ils avaient réclamé ». L'ancien ministre de la Ville et du Logement s'est toutefois dit satisfait des annonces de l'Elysée, estimant que « tous les sujets du rapport ont été cochés ».
De son côté, Laurent Wauquiez a estimé qu'Emmanuel Macron n'avait fait qu' « instrumentaliser » l'ancien ministre chiraquien, « sans tenir compte des propositions ». Le patron des Républicains a ajouté qu'il existait pour lui un « risque de fracture en France avec des territoires totalement oubliés par Macron », un constat valable aussi bien « pour les banlieues [que] pour les territoires ruraux ». Pour sa part, le chef de file des députés LR Christian Jacob a rapporté la « déception » des élus locaux de son groupe parlementaire à la suite des décisions élyséennes. A l'autre bout de l'échiquier politique, le député PCF de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu a critiqué un chef de l'Etat « [s'obstinant] dans sa logique des premiers de cordée » : pointant « une coupure avec une élite technocratique qui ignore une partie de la réalité de la France », l'édile affirme qu'il existe « un risque de balkanisation de la République ». Une menace que la puissance publique ne pourra pas éviter « avec des demi-mesures », Stéphane Peu rappelant au passage qu'un rapport parlementaire dirigé par le député LR François Cornut-Gentille avait démontré que « le premier auteur des discriminations, c'est l'Etat lui-même ».
à lire aussi
…et de l'association Grand Paris
Un constat partagé par le milieu associatif, lequel a aussi répondu à la batterie de mesures annoncées par le président de la République : l'association Grand Paris dit regretter « l'absence d'ambition » d'Emmanuel Macron « pour les territoires oubliés de la République et qui risquent de le demeurer encore longtemps ». Vantant les mérites du rapport Borloo, l'organisme dénonce dans le discours du chef de l'Etat les « ficelles éculées et économes [qui] ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux ». En contrepartie, Grand Paris propose d'instaurer une politique d'urgence « pour casser les 50 ghettos les plus nocifs » : l'établissement d'une joint-venture (association de structures pour réaliser un projet commun) entre l'Etat et les bailleurs sociaux pour transformer les zones défavorisées en éco-quartiers connectés, mettant en avant la mixité urbaine et sociale avec un plafond de 40% de logements sociaux. Pour financer ces mesures, l'association suggère d'y consacrer les excédents du Livret A et des crédits bonifiés à long terme, portés par la Caisse des dépôts et consignations, de manière à ne pas peser davantage sur le budget de l'Etat.