ENTRETIEN. A quelques jours des Etats généraux de la construction organisés par la Fédération française du bâtiment (FFB), son président, Olivier Salleron, répond aux questions de Batiactu : nouveaux barèmes de Ma prime rénov', inondations dans le Sud de la France, activité du secteur, emploi et apprentissage... Tour d'horizon de l'actualité.
Batiactu : Quelle est votre réaction après la publication des nouveaux barèmes, tant attendus, du dispositif d'aide Ma prime rénov' ?
Olivier Salleron : Nous sommes globalement satisfaits du Plan de relance du Gouvernement, qui intègre une partie des mesures proposées par la Fédération française du bâtiment, mesures que nous demandions d'ailleurs depuis des années. Sur les barèmes de Ma prime rénov' plus particulièrement, nous trouvons néanmoins que la réintégration des ménages dits aisés est un peu juste, dans le sens où le dispositif est vraiment minimal. Nous sommes inquiets pour la massification de la rénovation énergétique car, en ne concernant que la rénovation globale, les aides actuelles nous paraissent trop limitées ; par exemple, elles n'englobent pas le changement de chaudière et sont minimes pour l'isolation des murs intérieurs comme extérieurs. Certes, le facteur psychologique a joué, puisque les mesures qui avaient été exclues ont été réintégrées. Mais nous restons vigilants sur ces nouveaux barèmes, et même si nous ne sommes pas déçus car au moins le dispositif a été maintenu, nous espérions tout de même davantage. L'intégration des copropriétés et des propriétaires-bailleurs, ou l'accent mis sur la rénovation des bâtiments publics, sont bien sûr des signaux positifs. Quelque part, nous avons été entendus, mais nous restons partagés.
Suite aux impressionnantes inondations qui ont eu lieu récemment dans le Sud de la France, la FFB envisage-t-elle une mobilisation particulière de ses adhérents ?
O. S. : Bien sûr, la fédération des Alpes-Maritimes ainsi que la fédération nationale sont déjà à pied d'œuvre pour aider à la reconstruction. Pour l'heure, on en est encore à la phase d'analyse car, comme pour chaque catastrophe naturelle, il doit d'abord y avoir une enquête, et peut-être même que la reconstruction n'aura pas lieu au même endroit que la construction initiale. Dans tous les cas, nos adhérents du bâtiment comme des travaux publics sont mobilisés, en cellule de crise.
Comment se porte l'activité du secteur en ce début octobre 2020, un mois après la rentrée ?
O. S. : Le bâtiment vit encore sur ses acquis de mars dernier. Les carnets de commandes sont encore bien remplis, il y a du travail. Mais nous commençons à grignoter nos commandes, car les devis n'ont pas été validés autant que prévu par les particuliers et il y a eu moins d'appels d'offres pour les plus grosses entreprises. Il faut donc relancer la machine économique pour recréer de l'optimisme. D'une manière générale, on est quasiment à 100% d'activité et on est à effectifs constants par rapport au 15 mars dernier : il n'y a pas eu de licenciements, même si nous n'avons pas encore repris nos intérimaires. Je pense que le bâtiment sera étale au niveau de l'emploi à la fin de l'année. Depuis une quinzaine de jours, nous travaillons avec les ministères sur la question des logements neufs, car la chute des permis de construire est quasiment irrattrapable, et on craint un trou d'air pour l'automne ou l'hiver 2021. Jusqu'à il y a encore peu de temps, il était hors de question pour le Gouvernement de parler du neuf, qui représente pourtant 45% de notre activité. Mais à force de discuter, le dialogue s'est rouvert sur le Prêt à taux zéro et le Pinel, même s'il faut maintenant s'entendre sur l'amélioration concrète de ces dispositifs.
C'est vrai que nous avons eu le chômage partiel, les Prêts garantis par l'Etat (PGE, ndlr) et un report des charges, mais il va bien falloir rembourser tout cela en début d'année prochaine, et c'est là que ça va faire mal. Pour les entreprises qui ont souffert et qui souffrent encore, une exonération des charges serait un gros coup de pouce.
Estimez-vous que la batterie de mesures mises en place par l'exécutif pendant et après le confinement a été suffisante pour votre activité, ou demandez-vous toujours d'autres aides ?
O. S. : On demande depuis le début de la crise une exonération des charges pendant les périodes travaillées sous le Covid, là où l'activité était dégradée. Le bâtiment a montré aux autres secteurs d'activité qu'il était volontaire et ses entreprises ont travaillé. C'est vrai que nous avons eu le chômage partiel, les Prêts garantis par l'Etat (PGE, ndlr) et un report des charges, mais il va bien falloir rembourser tout cela en début d'année prochaine, et c'est là que ça va faire mal. Pour les entreprises qui ont souffert et qui souffrent encore, une exonération des charges serait un gros coup de pouce. Bruno Le Maire (ministre de l'Economie, ndlr) a dit qu'il avait compris la problématique des surcoûts, mais si toute la réponse du Gouvernement tient dans le Plan de relance, alors cette réponse n'est pas à la hauteur.
Beaucoup d'entreprises s'interrogent effectivement sur le remboursement de ces fameux PGE…
O. S. : Cette question du remboursement nous inquiète. Bruno Le Maire a indiqué qu'il travaillait avec les banques pour que les taux d'intérêt soient très raisonnables, et de notre côté nous insistons beaucoup sur certaines solutions, comme la généralisation d'un étalement des charges sociales et fiscales, que l'on pourrait rembourser sur 3 ans en les lissant.
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Vous organisez le jeudi 15 octobre les Etats généraux de la construction au Conseil économique, social et environnemental (Cese). Quel est l'objectif de cet évènement ? Quels sujets comptez-vous aborder, et quels messages voulez-vous faire passer à cette occasion ?
O. S. : Les Etats généraux de la construction, qui sont organisés par la FFB mais s'adressent à toute la profession, doivent simplement permettre de parler du bâtiment du futur. Il s'agit de rappeler à quel point ce secteur est important, qu'il s'agit d'un acteur majeur qui entraîne tout le reste de l'économie. Le 15 octobre 2020 sera en fait le point de départ d'une réflexion qui va durer jusqu'à juin prochain, et qui va ouvrir tous les travaux sur différents thèmes : les mutations du secteur et leurs causes vont être analysées ; on parlera également des méthodes de construction, des normes et du cadre réglementaire, des réflexions sur le cadre sanitaire que nous a imposé le coronavirus, mais également des évolutions sociétales. L'idée est de savoir comment le bâtiment va réagir dans les prochaines décennies, quels seront ses atouts, les freins qu'il rencontrera et quelles seront ses craintes ; en gros, nous allons nous intéresser à ce que sera le bâtiment dans 20 ou 30 ans. Nous voulons avant tout nous projeter dans le futur, donner une image du bâtiment qui réfléchit à son avenir, qui est ouvert et innovant.
Quels seront les temps forts de cette journée ?
O. S. : La journée aura lieu au Cese mais il n'y aura pas de public en raison du contexte sanitaire ; les échanges seront donc filmés et retransmis en direct comme une émission web. On y présentera aussi la dernière enquête Ipsos datant de fin septembre et portant sur la vision que nos concitoyens peuvent avoir du bâtiment. Deux ministres, Bruno Le Maire et Emmanuelle Wargon (ministre du Logement, ndlr) sont attendus, et l'évènement est ouvert à d'autres acteurs : il y aura notamment Bruno Cavagné, le président de la Fédération nationale des travaux publics, pour bien montrer que la famille du BTP est réunie ; nous accueillerons aussi Jean-Michel Woulkoff, le président de l'Unsfa (Union nationale des syndicats français d'architectes), des promoteurs immobiliers, des représentants d'industriels comme Schneider Electric, la FFIE (Fédération française des intégrateurs électriciens)… Nous avons opté pour un format réduit, avec trois tables rondes durant chacune 1h30. Ce sera l'occasion de revenir sur des thèmes comme la formation des jeunes, l'insertion professionnelle ou le rôle des technologies numériques dans notre secteur, car nous sommes souvent caricaturés sur ces sujets.
Je dis souvent que les métiers du concret sont de plus en plus à la mode : on constate, depuis une dizaine d'années, qu'un nombre croissant de personnes veulent retrouver un sens pratique à la vie, et je suis sûr que ce sera encore plus le cas après le Covid. Le bâtiment peut être une solution pour des gens qui veulent créer leur boîte, mettre à profit leurs compétences, faire du concret, construire quelque chose.
A propos d'emploi des jeunes, quel est le ressenti de vos adhérents sur la rentrée 2020 de l'apprentissage ?
O. S. : Début septembre, nous étions à environ +5% d'apprentis dans le bâtiment, en croisant l'ensemble des chiffres des différentes organisations professionnelles. Cette tendance est hyper-positive après deux années de progression à deux chiffres et une année marquée par le Covid. Nous nous attendions à une baisse mais l'apprentissage est une question de confiance, d'optimisme, et les aides gouvernementales pour l'embauche des jeunes ont été utiles. Ceci dit, les entreprises ne prennent pas d'apprentis si elles n'ont pas d'activité. Mais on croit que le secteur peut être attractif, encore plus qu'avant, notamment pour des gens se trouvant en situation de réorientation professionnelle. Je dis souvent que les métiers du concret sont de plus en plus à la mode : on constate, depuis une dizaine d'années, qu'un nombre croissant de personnes veulent retrouver un sens pratique à la vie, et je suis sûr que ce sera encore plus le cas après le Covid. Le bâtiment peut être une solution pour des gens qui veulent créer leur boîte, mettre à profit leurs compétences, faire du concret, construire quelque chose.
Quels sont vos prochains "chantiers" alors que le projet de loi de Finances 2021 a commencé à être discuté à l'Assemblée nationale ?
O. S. : Tout le secteur est mobilisé sur les mesures en faveur du neuf, pour poursuivre et améliorer le Pinel et le PTZ. Nous sommes en veille permanente sur les sessions parlementaires car c'est tous les jours, et même la nuit, qu'il faut mobiliser les députés et les sénateurs. En attendant, le relèvement du seuil des marchés publics à 100.000 € est une excellente nouvelle ; cela permettra de faire travailler les entreprises locales et de déclencher immédiatement des chantiers. C'était une de nos premières propositions dès le mois de juin, et elle est enfin appliquée à force d'explications.