DECRYPTAGE. Les évolutions prochaines du label Reconnu garant de l'environnement (RGE) sont de plus en plus précisément connues. Alain Maugard, président de Qualibat, en a dit plus ce 15 janvier 2020, lors de la réunion annuelle des auditeurs RGE de cet organisme qualificateur.
"Le système Reconnu garant de l'environnement (RGE) ne va pas s'arrêter, mais continuer !" Ce sont les propos d'Alain Maugard, président de Qualibat et copilote du plan de rénovation énergétique du bâtiment, ce 15 janvier 2020 lors de la réunion des auditeurs RGE pour Qualibat - les experts chargés d'effectuer les contrôles des entreprises qualifiées. Le fameux label est plus que jamais au cœur du plan du projet gouvernemental, dans le but de redonner confiance aux clients dans leur parcours de travaux. Batiactu vous détaille ce à quoi il faut s'attendre dans les semaines et mois à venir en matière de réforme du RGE.
Une distinction entre éco-délinquants et entreprises honnêtes
Les éco-délinquants, "il faut les coincer", a assuré Alain Maugard. "Nous allons donc bien distinguer les éco-délinquants des entreprises honnêtes", a-t-il assuré. Pour repérer les acteurs déloyaux, les organismes qualificateurs vont s'appuyer sur un "faisceau d'informations concordantes" qui laisseraient supposer, de la part d'une entité, une démarche qui ne respecterait pas le déroulé normal d'une intervention. "En cas de doutes, nous pouvons 'débarquer' au sein de l'entreprise, c'est-à-dire soit conduire davantage d'audits, soit ouvrir une enquête, pour vérifier si l'entreprise se comporte convenablement." Le copilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments compare ce pouvoir à celui des douanes : "Ils peuvent arrêter une voiture et la fouiller."
Cette méthode diffère de celle de la DGCCRF, qui ne peut instruire des dossiers que lorsque la faute est prouvée. Ici, l'idée de "faisceau d'indices" permettra peut-être d'intervenir plus tôt, et en tentant d'attraper le fraudeurs sur plusieurs sujets, au-delà de la seule qualité des interventions. Mais quel type d'informations feront tiquer l'organisme qualificateur ? "Si une entreprise a son siège à Paris, mais effectue des travaux partout en France, nous aurons tendance à aller vérifier qu'elle sous-traite bien à des acteurs labellisés RGE", illustre à titre d'exemple Alain Maugard. Pour Anne-Lise Deloron, coordinatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments, il s'agit de faire en sorte que des magazines télévisés très regardés n'aient plus assez de matière pour réaliser des reportages insistant sur les malfaçons liées aux travaux de malfaçons. "Difficile, après ça, pour un artisan de rassurer un client", observe-t-elle.
Comment vont évoluer les audits ?
Pour certains types de travaux, ceux où les éco-délinquants sont les plus actifs car où sont affectées le maximum d'aides publiques (les anciennes "offres à un euro"), deux audits auront lieu sur un cycle de quatre ans au lieu d'un seul. Ces six domaines sont les suivants : isolation des combles, isolation des planchers bas, pompes à chaleur, chauffe-eau thermodynamique, chaudière bois, insert.
Les audits ne porteront plus sur douze domaines, comme jusqu'à présent, mais sur 19 : l'idée est de davantage spécifier les contrôles de manière à ce qu'ils soient plus fins dans l'analyse des règles de l'art sur tel ou tel segment d'activité. "C'est dans l'intérêt des entreprises compétentes que nous débusquions les tricheurs", commente Alain Maugard.
L'évolution principale au niveau des audits ne peut pas être encore mise en œuvre, mais elle est en projet : cela ne sera plus à l'entreprise d'indiquer quel chantier contrôler à son organisme qualificateur, mais l'inverse. Concrètement, l'entreprise devra signaler l'ensemble de ses chantiers RGE, et l'organisme qualificateur en choisira un pour sa visite. Dans l'attente de l'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, les entreprises doivent signaler cinq chantiers.
Enfin, les auditeurs RGE auront des pouvoirs élargis : ils pourront, en cas de doute, demander à réaliser un nouvel audit chez une entreprise ; ou aussi suggérer de l'envoyer en formation pour une remise à niveau.
Comment les pouvoirs publics comptent repérer les éco-délinquants ?
Il sera de plus en plus attendu des auditeurs RGE de procéder à des signalements des acteurs considérés comme malhonnêtes. "Si vous voyez un éco-délinquant sur des foires et salons, vous devez nous le signaler", leur a demandé Alain Maugard. Anne-Lise Deloron, coordinatrice du plan de rénovation, évoque également le sujet des 'entrepreneurs' créant une multitude d'entreprises en quelques mois et échappant ainsi aux contrôles. "Le seul élément qui reste stable entre les différentes structures, c'est le nom du gérant, nous sommes donc en train de trouver un moyen, par le partage d'informations, de mieux l'isoler pour intervenir", explique-t-elle.
Une évolution sur la réception des travaux
C'est un point qui avait déjà été évoqué par le Gouvernement : un formulaire de réception de chantier, pour chaque type de travaux, va être publié. L'auditeur RGE sera en mesure de l'utiliser pour vérifier la bonne réception ; mais les clients seront également en mesure, même en tant que non-experts, de l'utiliser pour vérifier que le résultat du chantier correspond à ce qui est normalement attendu. "Il ne s'agit pas seulement de vérifier que les travaux sont bien faits", détaille toutefois Alain Maugard. "Il faudra aussi que les auditeurs expliquent aux particuliers les opérations qui ont été effectuées, et leur précisent en quoi consiste la performance des travaux." L'idée est par exemple d'expliquer à un client de ne pas trouer tel ou tel mur, au risque de créer un pont thermique (si une isolation a été effectuée).
Comment évoluera le volet "sanctions" ?
Les sanctions pour une société qui prétend être RGE alors qu'elle ne l'est pas risque une suspension de 6 mois, 12 mois ou au maximum deux ans.
Quel avenir pour le RGE ?
Le sigle RGE monte toujours en puissance, au moins sur le plan politique. En effet, les aides du programme "Habiter mieux sérénité" de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) seront éco-conditionnées au RGE au 1er juillet prochain - ce n'était toujours pas le cas. Et, dans le cadre de l'engagement des partenaires financiers autour de la rénovation énergétique et le paiement du reste à charge pour les particuliers qui profiteront de la nouvelle aide MaPrimeRénov, il est envisagé d'éco-conditionner au RGE des prêts à la consommation qui pourraient être proposés par des organismes comme Cetelem et Cofidis.
Toutefois, en termes de chiffres du côté de Qualibat, on passe de 55.000 entreprises RGE en 2018 à 49.000 en 2019 (soit 6.000 radiations du label l'an dernier). En matière de nombre de salariés que représentent ces sociétés qualifiées, on constate une légère hausse : 490.000 à 493.000 personnes. "Les entreprises RGE qui sont maintenues recrutent et la force de frappe est stable, voire en légère hausse", commente Alain Maugard.
Les entreprises RGE travaillent-elles bien ?
D'après les statistiques communiquées par les auditeurs Qualibat, sur les 11.699 contrôles menés en 2019, on constate 11% de non-conformités techniques, et surtout 55% de manques sur la partie "conseil et services". Le taux de 11% pour les malfaçons est à peu près le même, à quelques pourcents près, pour l'ensemble des opérations couvertes par le label.