REFORME. Le gouvernement a porté une réforme globale de l'ensemble du système ferroviaire qui a fait parler d'elle pendant plusieurs mois : de la mobilisation des syndicats à la bataille parlementaire en passant par les grèves perlées des cheminots, tout le monde en a entendu parler tôt ou tard. Mais de quoi s'agit-il exactement ? On fait le point.
Suite au rapport Spinetta (du nom de Jean-Cyril Spinetta, haut fonctionnaire passé par Air France et Areva), remis au gouvernement le 15 février 2018 et dressant un état des lieux ainsi que les perspectives du système ferroviaire français, le Premier ministre a présenté fin février les principes du "nouveau pacte ferroviaire" que l'exécutif souhaitait mener à terme pour moderniser le rail français. De début mars à fin mai, la ministre des Transports Elisabeth Borne a enchaîné les réunions de concertation entre tous les acteurs du secteur (patronat, syndicats, élus locaux, usagers, etc). Le 17 avril, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi. Le 5 juin, le Sénat lui a emboîté le pas, et finalement la commission mixte paritaire (rassemblant députés et sénateurs) a validé le texte les 13-14 juin. Un processus législatif qui s'est achevé ce 27 juin avec la signature du texte de loi par le président de la République, déclenchant ainsi la promulgation de la réforme.
3,6 milliards d'euros investis chaque année entre 2017 et 2026
Mais de quoi parle-t-on ? La réforme ferroviaire se décompose en quatre axes : investir pour réhabiliter un réseau ferré en plus ou moins bon état selon les régions ; ouvrir les chemins de fers à la concurrence ; uniformiser les conditions de recrutement et d'évolution professionnelle des cheminots ; et revitaliser le modèle économique de la SNCF. Dans les faits, il s'agit donc en premier lieu de relancer les investissements afin de moderniser le réseau ferroviaire. Ce dernier souffre en effet d'une obsolescence et d'un manque de maintenance causant des incidents d'exploitation et donc des retards de trains, auxquels les usagers sont régulièrement confrontés, particulièrement sur les lignes TER et Intercités. La faute à un Etat "mauvais" stratège, qui, durant des décennies, a orienté la plupart des investissements vers les lignes TGV, délaissant ainsi les trains classiques, pourtant très empruntés quotidiennement.
Pour y remédier, la réforme ferroviaire ambitionne de consacrer 3,6 milliards d'euros chaque année entre 2017 et 2026 à la réhabilitation du réseau. Edouard Philippe a annoncé entre-temps que 200 millions supplémentaires seront investis à compter de 2022. Une enveloppe gigantesque qui devrait permettre la rénovation des rails, caténaires, voies, et autres systèmes de signalisation. Par ailleurs, le gouvernement a souligné que le pacte ne prévoyait pas de fermer des "petites lignes", mais au contraire de les moderniser, arguant que 1,5 milliard d'euros est mobilisé à cet effet dans le cadre des contrats de plan Etat-régions 2015-2020. Autre fait notable : la réforme du rail comporte un plan de relance du fret ferroviaire, qui se traduira par des investissements dans les voies dédiées ou une aide au transport combiné, dans l'optique de renforcer la multimodalité. Certains projets d'infrastructures ont même déjà vu le jour à cette fin, à l'instar de la plateforme multimodale Chapelle International, dans le XVIIIe arrondissement de Paris.
L'ouverture à la concurrence se fera entre 2019 et 2039
Autre pilier fondateur de la réforme : l'ouverture à la concurrence. En réalité, sur ce sujet comme sur bien d'autres, le gouvernement et le Parlement français ne font qu'appliquer la réglementation européenne, par le jeu de la transcription en droit national des décisions communautaires. Actée depuis 2015 par les pays européens, l'ouverture à la concurrence concerne d'ores-et-déjà certains segments d'activités du rail, comme le transport de marchandises ou les voyages internationaux, et doit à terme être étendue au reste du secteur. Concernant les TGV, l'exécutif souhaite néanmoins garantir l'aménagement du territoire et le maintien des dessertes. Par conséquent, deux "outils techniques" sont institués par la réforme : la péréquation des péages, dont le but est d'ajuster leur tarif à la rentabilité des lignes, et le conventionnement, dont l'objectif, pour l'Etat ou une région, est d'imposer des obligations de service public à un opérateur TGV.
De plus, les régions resteront compétentes dans la définition et le financement de leurs offres de trains locaux. Seul changement : désormais, elles devront organiser des appels d'offres entre la SNCF et les opérateurs concurrents. L'exploitation d'une ligne régionale ne pourra être assurée que par une seule entreprise, celle qui aura remporté l'appel d'offres. A noter : pour les TGV et trains de fret, l'augmentation des péages acquittés à SNCF Réseau sera limitée au niveau de l'inflation dans les prochaines années. Une décision visant à encourager le transport ferroviaire.
Restructuration de la SNCF
La SNCF est actuellement composée de trois Etablissements publics à caractère industriel et commercial (Epic), à savoir SNCF, SNCF Mobilités (exploitant ferroviaire) et SNCF Réseau (gestionnaire des infrastructures). A compter du 1er janvier 2020, les trois entités fusionneront en un seul groupe, la SNCF devenant alors une société nationale à capitaux publics, détenue intégralement par l'Etat et incessible (donc non-privatisable). SNCF Réseau et SNCF Mobilités deviendront quant à elles des filiales, détenues à 100% par SNCF. Enfin, la gestion des gares sera entièrement regroupée dans une filiale dédiée de SNCF Réseau. Et la dette dans tout ça ? Les 50 milliards d'euros pesant sur le rail français seront en partie repris par l'Etat, principal responsable de cette gabegie financière. Au total, la puissance publique récupèrera 35 milliards durant le quinquennat Macron, soit 25 milliards en 2020 et 10 milliards en 2022. Avec l'objectif de redonner des marges de manœuvre à la SNCF, qui devrait ainsi disposer de comptes à l'équilibre en 2022 d'après les projections gouvernementales. Mais le texte de loi impose une "règle d'or" encore plus stricte qu'auparavant, c'est-à-dire une obligation pour la SNCF de ne plus s'endetter au-delà d'un certain plafond.
- Pour les TGV : à partir de décembre 2020
- Pour les TER : au cas par cas suivant les choix des exécutifs régionaux. Les appels d'offres seront possibles dès décembre 2019, mais obligatoires à compter de janvier 2024.
- Pour les lignes Transilien : entre 2023 et 2033
- Pour le RER E : à partir de 2025
- Pour les RER C et D : entre 2033 et 2039
- Pour les RER A et B : à partir de 2039