CONSTRUCTION. Le rendez-vous du Mondial du bâtiment a été l'occasion d'un échange en décalé entre l'actuelle ministre chargée du logement, Emmanuelle Wargon, et sa prédécesseure Emmanuelle Cosse, aujourd'hui présidente de l'Union sociale pour l'habitat. La nouvelle réglementation environnementale inquiète en effet les acteurs de la construction que sont les bailleurs sociaux.

Si elle partage l'ambition de la nouvelle réglementation environnementale, notamment en matière de décarbonation, Emmanuelle Cosse est plus que sceptique sur la méthode engagée par le gouvernement. Celle qui, lorsqu'elle était ministre du logement, avait participé au lancement de l'expérimentation E+C-, censée préfigurer la future RE2020, l'a rappelé, le 2 avril, lors d'une matinée du Mondial du bâtiment, événement qui aura lieu une fois par mois à distance en attendant le rendez-vous physique, reporté à octobre 2022. L'actuelle ministre chargée du logement s'était exprimée, juste avant, en ouverture de la matinée.

 

 

Emmanuelle Wargon a rappelé que la RE2020 2022 avait subi plusieurs ajustements ces derniers mois, et que le processus était encore en cours. Sensible à la question de la progressivité de son application, elle a rappelé que 2022 était l'année de l'entrée en vigueur de la partie consommation des nouveau logements construits, et que la partie "matériaux" s'appliquerait progressivement en 2025, 2028 et 2031.

 

ACV dynamique : servir de base à une future norme européenne

 

La clause de revoyure permettra également, assure-t-elle, de procéder à des ajustements, en particulier sur la question de l'analyse du cycle de vie (ACV). Le choix des pouvoirs publics s'est porté sur l'ACV dynamique, là où l'expérimentation E+C- s'était bornée à une analyse dite statique. Plusieurs acteurs avaient pointé un choix curieux, à l'heure où la norme européenne reste l'ACV statique.

 

 

"Il n'y a pas de méthode consolidée dans l'Union européenne", a tranché Emmanuelle Wargon, qui considère que "cette méthode d'ACV dynamique [simplifiée] va mettre la France en position de pionnière". La clause de revoyure permettra donc d'ajuster cette méthode, une fois les données suffisantes récoltées. La ministre a rappelé avoir "proposé que l'on travaille la méthode d'ACV avec une certification de type Afnor, et que ça puisse ensuite servir de base pour une méthode européenne".

 

"Peut-on construire des logements à bas coût" avec la RE2020 ?

 

Emmanuelle Cosse a rappelé que les ajustements évoqués par la ministre étaient dus à la concertation qui avait eu lieu suite à la "mobilisation commune de tous les acteurs", du logement social, de la promotion, de l'artisanat, de la construction et des architectes, après l'annonce d'une RE2020 qui faisait la quasi-unanimité contre elle dans sa version initiale. Si ces ajustements, notamment l'entrée en vigueur en 2022, sont bienvenus, la présidente de l'USH pointe que la question des surcoûts va se poser de manière très forte.

 

 

"Peut-on construire des logements bas-carbone et à bas coût ? Avec E+C- j'avais la réponse, avec cette réglementation je ne sais pas", s'inquiète-t-elle. Elle "ne sait pas" chiffrer les surcouts de la RE2020, qu'elle estime entre 5% et 30%, "car il n'y a pas que les matériaux, mais aussi des questions de formation". Surtout, ces surcoûts à la construction ne prédisent en rien des surcoûts de maintenance, que les bailleurs sociaux doivent intégrer dans leurs calculs, étant gestionnaire de long terme.

 

"Nous n'avons pas les solutions qui conviennent pour 2025"

 

Sauf que pour connaitre les surcouts éventuels des nouveaux équipements qui seront autorisés, il faut savoir lesquels installer. Or c'est là que le problème se pose : "je ne sais pas quelle chaudière je vais mettre dans mes bâtiments", martèle Emmanuelle Cosse. "En chauffage et en eau chaude sanitaire, nous n'avons pas les solutions qui conviennent pour 2025, des bâtiments que nous lançons aujourd'hui. Dès 'peut-être dans cinq ans', ce n'est pas satisfaisant". Pour la présidente de l'USH, "on est en train de préparer la crise du logement de 2025 avec cette réglementation".

 

Elle espère que ces surcoûts obligeront à "construire plus intelligemment", en termes de sobriété du bâti, ou d'économie de foncier notamment. "Les coûts devront se lisser différemment, et ça peut être une bonne chose".

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