CONJONCTURE. Alors que les défaillances d'entreprises demeurent à un niveau encore faible, les radiations de sociétés ont en revanche connu un bond de 28% entre janvier et juin 2021, selon les greffiers des tribunaux de commerce. Même s'il n'est pas le plus impacté, le secteur de la construction participe de cette tendance.
Certes, la vague de défaillances d'entreprises tant attendue - et redoutée - depuis le déclenchement de la crise sanitaire et économique n'est pas encore arrivée. Du moins, seuls ses premiers ressacs se font sentir pour l'instant. Mais le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) vient de rendre public un autre chiffre bien plus inquiétant : tous secteurs d'activité confondus, le nombre de radiations d'entreprises du Registre du commerce et des sociétés (RCS) s'est envolé au premier semestre 2021, atteignant 131.412 dossiers, soit un bond de 28% par rapport à la même époque un an plus tôt.
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Les effets de la pandémie sur le tissu entrepreneurial de l'Hexagone semblent donc palpables, d'autant que la majorité (69.609 procédures, en hausse de 32% sur un an) de ces radiations résulte d'un choix volontaire du chef d'entreprise. "Nombre de dirigeants d'entreprises frappées par la crise ou intrinsèquement fragiles préfèrent ainsi interrompre proactivement leur activité afin d'éviter la cessation de paiement et l'ouverture d'une procédure collective. Une décision sans doute alimentée par l'absence de visibilité quant à la réalité du rebond économique attendu et par la suspension annoncée des dispositifs de soutien mis en place par le Gouvernement", explique le CNGTC. Les autres causes de radiations se concentrent sur les procédures collectives (38.818, +2%), les mises à l'écart d'office (19.007, +107%) et les motifs divers (3.926, +39%), comme le décès du dirigeant. Selon les statuts juridiques, on s'aperçoit que les radiations volontaires prédominent chez les entreprises individuelles (69,5%), bien loin devant les radiations par procédure collective (25%).
La durée de vie des entreprises du BTP est moins élevée que la moyenne de l'économie française
Même s'il n'est pas le plus impacté, le secteur de la construction participe de cette tendance : entre le 1er janvier et le 30 juin 2021, le nombre de défaillances y a augmenté de 20%, soit 7% de plus que l'année précédente à la même période. Les activités immobilières enregistrent pour leur part un bond encore plus significatif de 30%, ce qui représente une augmentation de 8% sur un an. Dans l'étude réalisée par l'institut Xerfi sur la base des données de greffes, le CNGTC indique également que, d'une manière générale, l'âge moyen de disparition des entreprises est de 12 ans sur les 6 premiers mois de 2021, soit 6 mois de plus par rapport à 2019 et 2,5 mois supplémentaires en comparaison à 2020. Dans le bâtiment et les travaux publics, l'âge moyen des sociétés au moment de leur fermeture est de 10,8 ans (3,5 mois de plus en un an d'intervalle) ; il est de 17,4 ans dans l'immobilier (6 mois de moins). Tous secteurs confondus, les entreprises individuelles affichent une durée de vie moyenne de 8,4 ans lors de leur radiation (1 an de plus).
"Alors que nous craignions jusqu'ici de voir déferler une vague de procédures collectives, ou bien encore de soutenir artificiellement des entreprises dites 'zombies', nous observons qu'un nombre croissant de chefs d'entreprises choisissent de mettre volontairement fin à leur activité. S'il est encore trop tôt pour dresser des conclusions sur l'impact de la crise sur notre économie, une chose est sûre : la transformation de notre tissu entrepreneurial s'accélère et se confirme dans le temps."
- Sophie Jonval, présidente du CNGTC
Sur le plan géographique, certaines régions ont également été bien plus marquées que d'autres sur cette première moitié de l'année. Ainsi, les Hauts-de-France enregistrent l'envolée la plus stratosphérique (+97,4%) des radiations de sociétés, tous secteurs confondus. La Nouvelle-Aquitaine, les Pays de la Loire et l'Occitanie font aussi partie du peloton de tête, avec respectivement +38,1%, +33,7% et +30,2%. L'Île-de-France s'en sort un peu mieux malgré un chiffre tout de même très élevé (+30%), suivie par le Centre-Val de Loire (+23,8%). Seul territoire à présenter un résultat négatif, la Corse a vu son nombre de radiations d'entreprises chuter de 23,5%.
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Les tribunaux de commerce ont aussi fait remonter d'autres tendances enregistrées au cours des 6 derniers mois. Les greffiers ont par exemple recensé 324.828 immatriculations d'entreprises, un chiffre en hausse fulgurante de 67,6% par rapport à 2020. Le nombre d'entreprises en difficulté est quant à lui de 11.913 - correspondant au nombre de procédures collectives ouvertes -, ce qui représente une baisse de 16,4% sur un an. "Certes moins puissant, le mouvement entrepreneurial ne concerne pas seulement les entreprises individuelles (+110% à un an d'intervalle) mais aussi les entreprises classiques (Sarl : +40%, Sas : +51%). De l'autre côté, le mur des faillites tant redouté n'est toujours pas d'actualité ; bien au contraire, les défaillances d'entreprises se contractent de 16,4% à un an d'intervalle et de 47,7% à deux ans d'intervalle", note le baromètre.