CONJONCTURE. L'année 2019 s'est achevée avec un déséquilibre entre une demande légèrement en baisse et une offre "en franc déclin" pour les promoteurs immobiliers : environ 160.000 logements ont été vendus sur 12 mois, en baisse de 3,3%, tandis que les mises en vente ont plongé de 14,2%. L'approche des élections municipales et les flottements autour de la RE2020 ne rassurent pas le secteur.

"On reste le pays le plus bâtisseur en Europe." L'analyse d'Alexandra François-Cuxac, présidente de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), sur le marché hexagonal de 2019 souligne quelques bons indicateurs mais met aussi en garde sur certaines tendances. L'année dernière, la profession a effectivement noté un déséquilibre entre une demande légèrement en baisse bien que toujours soutenue (161.561 logements ont été vendus par les promoteurs, soit -3,3% par rapport à 2018) et une offre "en franc déclin" : les mises en vente ont plongé de 14,2%, après avoir enregistré cinq années de hausse. Ainsi, moins de 100.000 logements étaient disponibles à la vente en 2019, un chiffre en recul de 12.000 unités en comparaison à fin 2018.

 

 

Au final, le stock de logements est inférieur à 9 mois de ventes (ce qui correspond donc à un marché tendu) dans les trois quarts des métropoles du pays, et il atteint même un délai de 7,2 mois en région Île-de-France. Pour la FPI, les causes résident dans la baisse des permis de construire (449.400, -2,3%), notamment sur le segment collectif (-6,8%), dans la longueur des projets (410.300 mises en chantiers, -1%), le coût élevé des travaux, un manque de disponibilité des entreprises du bâtiment ou encore les recours intentés par le voisinage. Un contexte qui fait grimper les prix : d'après les promoteurs, le prix moyen du logement neuf a augmenté à l'échelle nationale de 4,6% en 2019.

 

"2019 a été une année de déséquilibre, de contradiction entre la volonté de construire et l'acte de construire. Elle aura été une année trouble-fête, alors que la profession était en ordre de marche. On est quand même en droit de s'interroger sur cette contradiction dans les territoires : à chaque fois qu'une tendance arrive sur notre marché, on a l'impression que la réponse est de construire moins. Les discours actuels sont riches de considérations sur ce qu'on ne fera plus : la 'bétonisation', l'artificialisation, la métropolisation, etc. Mais comment faire pour loger tout le monde ? Tout cela va faire de 2020 une année blanche. Je n'ai rien qui me permet d'être optimiste pour l'année 2020."

 


Les chiffres des ventes de logements neufs en détail

 

- Logements ordinaires au détail : 123.459 en 2019, -2,7% par rapport à 2018 (126.935)
- Logements ordinaires vendus en bloc : 33.102 en 2019, -2,8% par rapport à 2018 (34.066)
- Résidences services vendues au détail : 5.000 en 2019, -18% par rapport à 2018 (6.100)

 

Les logements neufs totalisent 161.561 ventes (-3,3% en comparaison à 2018, contre 167.101). Le total des ventes nettes au détail a atteint 123.459 unités (-2,7% en comparaison à 2018, contre 126.935). Les mises en vente de logements ordinaires se sont élevées à 113.697 unités, en retrait de 14,2% en comparaison à 2018, où elles se chiffraient à 132.590.

 

Du côté du logement collectif, le prix de vente moyen au national a été de 4.457 € le m² en 2019 (+4,6%), et de 5.187 € en Île-de-France (+3,9%).

 

En 2019, les ventes en accession deviennent clairement le premier poste de production de logements, avec 63.474 ventes au détail et 59.985 ventes à des investisseurs. La répartition demeure équilibrée entre les ventes en accession (51% du total) et les ventes à des investisseurs (49%).

 


La fin 2019, amorce d'une tendance baissière ?

 

"Il n'y a pas de crise générale du logement en France, il y a une crise du logement abordable là où sont les besoins, en particulier là où sont les emplois", commente Alexandra François-Cuxac. "Le gisement de logements vacants à y remettre sur le marché n'est pas du tout à l'échelle des besoins : contrairement à ce qui s'est passé en 2019, il faut donc accentuer la production, pas la ralentir." L'infléchissement de 8,8% des réservations totales de logements neufs observé au 4e trimestre 2019 ne constitue pas pour autant un début de tendance, car "il est trop tôt pour savoir si ça va durer" : les trois derniers mois de l'année dernière, les réservations se sont établies à 47.528, contre 52.090 la même période un an plus tôt.

 

Dans le détail, les logements en bloc ont enregistré 33.102 réservations en 2019 (-2,8%), pendant que les logements au détail se sont rétractés de 2,7%, atteignant 123.459 réservations. Les ventes en bloc se sont réparties l'année dernière entre les bailleurs sociaux (69%), les autres types d'investisseurs (17%) et les acteurs du logement intermédiaire (14%). Une situation différente en région parisienne, avec 55% aux bailleurs sociaux, 24% aux autres investisseurs et 21% aux acteurs du logement intermédiaire.

 

 


Et le tertiaire dans tout ça ?

 

Nouveauté 2020, la FPI lance l'Observatoire des bureaux neufs dédié aux surfaces tertiaires et focalisé sur trois grandes agglomérations : l'Île-de-France, Lille et Lyon. Bien que le marché reste centré sur la région parisienne, il s'avère plus dynamique dans les autres métropoles.

 

En Île-de-France, la production de bureaux neufs ou restructurés s'élève à 887.100 m², en baisse de 2%, pour une offre disponible de 2.206.932 m², en recul de 1%, et une demande placée en augmentation de 2%, cumulant 1.013.014 m².

 

Dans la Capitale des Gaules, la production progresse de 6%, à 374.300 m², pour une demande de 268.895 m², ce qui représente une envolée de 50%, et une offre de 143.000 m², soit là aussi un bond de 21%.

 

Enfin, la Capitale des Flandres affiche une production de 144.421 m² (+36%), une demande de 156.650 m² (-2%) et une offre de 296.468 m² (-9%).

 


La France fracturée entre métropoles et campagnes

 

Et pour l'année qui débute, il risque d'y avoir "un temps de latence après les élections municipales", comme finalement à chaque cycle électoral : en décembre 2005, un pic avait été atteint à 30.400 logements collectifs autorisés chaque mois, avant de tomber à 22.700 en mars 2008 (-25%), au moment du scrutin. Idem en septembre 2011 avec un pic à 27.500 autorisations mensuelles, avant une dégringolade de 25% en mars 2014, avec seulement 20.400. Pour Alexandra François-Cuxac, "le besoin dans ce pays est de répondre à tous les segments de la demande, à toutes les populations". La présidente de la FPI qui appelle à construire la ville écologique de demain, à des bâtiments en hauteur pour libérer l'emprise au sol et à une réinvention de la maison individuelle. Le problème de fond reste toutefois toujours le même, celui de l'aménagement du territoire et de l'opposition entre les métropoles et les campagnes : "Il y a une certaine irresponsabilité de continuer à envoyer des gens dans des territoires qui ne sont pas aménagés, où il n'y a pas grand-chose".

 

Sur le plan financier et suite aux recommandations du Haut conseil de stabilité financière, les promoteurs et leurs partenaires banquiers n'ont pas encore assez de recul sur les modifications d'octroi des crédits immobiliers pour observer un début de tendance. Néanmoins, des interrogations, voire des inquiétudes, réapparaissent. Quant à la future Réglementation environnementale 2020, actuellement en élaboration, la FPI veut être de la partie et participer à l'évolution des choses : "On espère créer des poches de valeur nouvelles pour absorber le coût de la RE2020", affirme sa présidente. "C'est toute une chaîne de production à revoir. On veut travailler avec les grands énergéticiens le plus en amont possible pour trouver des solutions optimisées. Tout cela est à l'oeuvre, de manière raisonnée, pragmatique. Mais il ne faut pas perdre de vue que la baisse de production vient aussi d'un manque d'ambition collective."

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