EN CHIFFRES. Une enquête nationale sur la santé et la sécurité au travail semble montrer que les entreprises artisanales du bâtiment ont pris connaissance des risques professionnels. Un certain nombre d'entre elles réclament cependant un meilleur accompagnement sur les sujets techniques.
Difficile de sensibiliser davantage les artisans du bâtiment aux risques professionnels, tellement la barre est déjà haute. C'est ce qui ressort d'une enquête nationale sur la santé et la sécurité au travail dans les entreprises artisanales de la construction menée par l'Iris-ST (Institut de recherche et d'innovation sur la santé et la sécurité au travail), la Capeb (Confédération nationale de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment) et la CNATP (Chambre nationale de l'artisanat des travaux publics et du paysage), en partenariat avec l'OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics). L'étude a été réalisée auprès de chefs d'entreprises employant entre 0 et 19 salariés, et permet d'identifier leur niveau de connaissances, leurs pratiques mais aussi leurs besoins en la matière.
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57% des professionnels identifient les chutes de hauteur comme principal risque
S'agissant des connaissances, 85% des entreprises interrogées disent se sentir concernées par le sujet de la prévention, et 75% se déclarent plutôt bien, voire tout à fait informées sur les enjeux liés aux risques professionnels. Les artisans du bâtiment sont donc visiblement conscients de l'importance à accorder à ces questions, tout comme leurs salariés (45%). En revanche, 43% des compagnons jugent la prévention trop contraignante, même si 24% se disent intéressés par le sujet et ont envie d'échanger à ce propos.
De même, les professionnels semblent identifier assez clairement les dangers inhérents à l'exercice de leurs métiers et en lien avec les principales causes d'accident du travail du secteur : pour 57% d'entre eux, les risques concernent les chutes de hauteur, pendant que 54% pointent des contraintes physiques et 32% l'utilisation de machines et outils.
L'expertise de son propre métier permet logiquement à une écrasante majorité (93%) de mieux évaluer et reconnaître les risques qu'ils rencontrent. Pour le reste, 68% disent les identifier grâce aux échanges avec leurs collègues et confrères, et 56% affirment que la rédaction du document unique leur est utile - 76% l'ont d'ailleurs fait.
"Les chefs d'entreprises artisanales, quotidiennement aux côtés de leurs compagnons sur les chantiers, sont conscients, sensibles et vigilants à la prévention des risques professionnels et les intègrent systématiquement au fonctionnement de l'entreprise", assure Françoise Despret, à la tête de la CNATP.
80% des entreprises rangent leurs chantiers
"Cette étude nous confirme que les entreprises artisanales ont connaissance des risques présents dans leur activité. Le chef d'entreprise a une relation de proximité avec ses salariés ; il est présent avec eux au quotidien sur les chantiers", enchaîne le trésorier de l'Iris-ST, David Morales. D'après lui, "cette proximité et cette implication sur le terrain expliquent entre autres, la mise en place d'actions de prévention ayant un impact direct sur les conditions de travail sur chantier et/ou en atelier".
Pour l'heure, la plupart des organisations mises en place le sont dans la perspective d'améliorer la performance et la qualité de travail des professionnels. On peut notamment citer le rangement du chantier (80%), la vérification des outils (66%) et du véhicule (58%), la présence d'une trousse de secours (83%) et d'un extincteur (59%). À l'inverse, l'étude note que les entreprises n'ont quasiment jamais recours aux notices, à l'accueil formalisé de nouveaux collaborateurs ou encore aux campagnes d'affichage interne.
54% des chefs d'entreprises demandent des aides financières pour leurs actions de prévention
En outre, les artisans du bâtiment peuvent rencontrer des difficultés dans la mise en place d'actions de prévention. Celles-ci sont imputables au manque de temps dans 55% des cas, à la complexité des démarches administratives (46%) et à la complexité de la réglementation en vigueur (52%). Si "un grand nombre" de ressources existent déjà chez les différents partenaires, "l'objectif est donc d'améliorer leurs promotions en prenant en compte les besoins évoqués et ainsi de permettre au chef d'entreprise un gain de temps sur certains aspects administratifs de la prévention", poursuit David Morales.
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Il s'agit là d'un autre enseignement de l'enquête : les professionnels de la construction sont demandeurs d'un appui technique. "Les chefs d'entreprises souhaitent être ponctuellement accompagnés lors d'accidents graves ou sur une thématique précise, ou encore pour les aider à installer une démarche de prévention plus durable, et enfin par l'envoi de documentation et ou la mise en place d'une veille réglementaire", souligne-t-elle. Concrètement, 54% des dirigeants sondés demandent des aides financières, 46% des kits de communication adaptés à chaque métier, et 30% des modes opératoires à appliquer sur leurs chantiers.
Percevoir la prévention comme "une opportunité de gagner en performance économique"
"Les TPE du BTP n'ont pas de ressources internes dédiées aux questions de santé et sécurité. Il est donc essentiel de connaître leurs besoins afin de mettre ensuite à leur disposition les informations et outils qu'elles attendent", confirme Jean-Christophe Repon, président de la Capeb. "Pour compléter cet accompagnement et aider toutes les entreprises, nous alimentons quotidiennement en informations et en conseils notre site www.preventionbtp.fr et notre application 'Check Chantier'", illustre pour sa part le secrétaire général de l'OPPBTP, Paul Duphil.
L'organisme propose par ailleurs un service baptisé "En Direct" qui propose de répondre aux questions que les TPE peuvent se poser dans le domaine de la prévention. Mais plus largement et à plus long terme, l'idée est aussi de changer le regard porté sur la prévention, souvent abordée sous l'angle de la réglementation et de la contrainte. Pour Paul Duphil, il faudrait au contraire l'envisager "non plus comme un coût, mais comme une opportunité de gagner en performance économique".