LÉGISLATIVES 2024. Dans une tribune, des milliers de professionnels de l'urbanisme, l'architecture et l'aménagement des territoires appellent la profession et les citoyens à se mobiliser contre "le danger que représentent les politiques qui mettent en péril l'habitabilité de nos villes et de nos villages". Il en va, d'après eux, du droit à vivre dignement.

Ils sont inquiets et le font savoir. "Le parti fondé par Jean-Marie Le Pen n'a jamais été aussi proche du pouvoir, et c'est une catastrophe pour l'urbanisme tel que nous nous efforçons de le pratiquer au quotidien", alertent près de 2.000 signataires d'une tribune sur Mediapart.

 

Dans ce texte publié fin juin 2024, des milliers d'urbanistes, architectes, paysagistes, géographes, ingénieurs et universitaires tirent la sonnette d'alarme sur "la catastrophe que constituerait l'arrivée au pouvoir du Rassemblement National", suite à la dissolution de l'Assemblée nationale actée par le président de la République Emmanuel Macron le 9 juin dernier.

 

Parmi les signataires, on compte Catherine Jacquot (présidente de l'Académie d'architecture) et Pablo Katz (son prédécesseur), l'Atelier Schall, le cabinet de l'architecte Philippe Madec, celui de Franck Boutté (Grand prix de l'urbanisme 2022) ou encore l'agence de paysagisme Atelier Tissot.

 

"Permettre au Rassemblement National d'accéder au pouvoir, c'est accepter le déni du dérèglement climatique"

 

À l'approche du second tour des élections législatives le dimanche 7 juillet, les signataires unissent leur voix et appellent la profession et leurs concitoyens à "une mobilisation massive contre le Rassemblement National et ses alliés" pour "préserver leur droit à vivre dignement dans des territoires prêts à faire face au dérèglement climatique".

 

Il est urgent, pour les professionnels, de "défendre les valeurs fondamentales qui guident notre travail". "L'extrême-droite prône une politique inégalitaire, excluante et raciste, en contradiction avec les valeurs d'inclusion, de mixité et de citoyenneté que nous défendons dans nos projets. Permettre au Rassemblement National d'accéder au pouvoir, c'est approuver l'idée que nous n'avons pas toutes et tous le même droit à la ville. C'est allouer des moyens démesurés à la surveillance et au contrôle des usages dans l'espace public, au détriment de la liberté de circuler, de se rassembler et de s'exprimer pour toutes et tous", écrivent-ils.

 

"C'est oublier les populations les plus précaires et marginalisées dans des quartiers marqués par la ségrégation. C'est renforcer les processus d'exclusion en accentuant les difficultés d'accès au logement social au nom de la préférence nationale. C'est aussi contribuer à accentuer les inégalités entre les territoires, en privatisant et en affaiblissant des services publics essentiels. Permettre au Rassemblement National d'accéder au pouvoir, c'est accepter le déni du dérèglement climatique et mettre un coup d'arrêt à la transition écologique", poursuivent-ils.

 

"Un danger" pour leurs métiers

 

Les signataires rappellent que "l'urgence est réelle", évoquant le besoin de mener des rénovations énergétiques, de réparer le vivant et de lutter contre les îlots de chaleur, et prennent pour exemple d'autres pays régis par l'extrême droite, comme la Hongrie ou l'Italie, où les gouvernements favorisent certaines politiques.

 

Les professionnels mobilisés considèrent que le Rassemblement national représente un "danger" pour leurs métiers, et assurent que les décisions qui seront prises au niveau national auront "des conséquences immédiates" sur les budgets.

 

"Le sursaut humaniste que j'espérais n'a pas eu lieu"

 

Le Syndicat de l'Architecture, qui avait appelé à soutenir le Nouveau Front populaire, est également signataire. Batiactu a contacté son président, Hugo Franck, suite aux résultats du premier tour des législatives qui ont placé le Rassemblement national en tête (33,15%), suivi du Nouveau Front populaire (27,99%), Ensemble (20,04%) et Les Républicains (6,57%).

 

"Personnellement, je suis très inquiet [des résultats]", témoigne le porte-parole du syndicat. "Le sursaut humaniste que j'espérais n'a pas eu lieu et les valeurs de la république que nous portons tous les jours dans notre travail et nos actions n'ont plus l'air d'avoir de sens pour une grande partie de la population qui, à mon sens, ne mesure pas la catastrophe qui se dessine. Le Syndicat de l'Architecture porte ces valeurs, qui sont culturelles, sociales, écologiques et inclusives. L'architecte spatialise ces valeurs, pour que nos villes et nos territoires permettent l'émancipation de tous ; permettent à la démocratie d'avoir lieu. Je parle ici de la qualité de nos cadres de vie, sans distinction de nationalité, de couleur, de religion, de genre, d'orientation sexuelle. Nous examinons déjà, dans le monde capitaliste et libéral qui est le nôtre, des freins à cette qualité, notamment dans le domaine du logement collectif."

 

 

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