FONCIER. La proposition de loi Lagleize a été "en grande partie dénaturée par le Sénat" qui l'examinait en commission cette semaine, a réagit le député qui lui a donné son nom, le 4 mars, lors d'une table-ronde avec des acteurs de l'aménagement. Ceux-ci ont soulevé plusieurs points de vigilance.
"Je suis venu pour entendre le retour des professionnels sur mon rapport". Le député de Haute-Garonne Jean-Luc Lagleize (Modem), auteur du rapport sur "la maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction" remis au Premier ministre en novembre dernier, participait, le 4 mars, à une table ronde sur le sujet, organisée par l'étude notariale Chevreux. La proposition de loi (PPL) qui porte son nom, adoptée en première lecture à l'assemblée dès la fin novembre, ne reprend, rappelle le député, "qu'une partie des 50 propositions" du rapport. "Les dispositions fiscales seront discutées au moment de la loi de finances", indique le parlementaire. Pour les autres dispositions, il faudra trouver un autre véhicule législatif, "en 2021", assure-t-il.
La PPL Lagleize, "en grande partie dénaturée par le Sénat en commission" cette semaine, sera examinée en séance prochainement. L'article premier, notamment, qui interdit à l'Etat et aux collectivités de céder leurs terrains aux enchères, a été modifié par les sénateurs : les collectivités ne sont plus concernées. "Il faudra revenir dessus en deuxième lecture à l'Assemblée", estime Jean-Luc Lagleize. Thierry Laget, directeur général adjoint de CDC Habitat (groupe Caisse des dépôts), confirme : sur le terrain, "les prix pratiqués par les collectivités fixent des standards respectés par les acteurs". Cette "pratique délétère qui participe à renchérir le foncier", selon le député, les promoteurs et aménageurs privés en sont "à la fois les victimes et les acteurs", estime Gilles Bouvelot, directeur général de l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (Epfif). Réguler, c'est d'ailleurs "l'une des missions de l'Epfif. Nous ne procédons jamais par enchères, et nous intervenons pour casser la spéculation, en nous portant acquéreur en amont".
Fonds friches
Si tous ont salué la création des offices fonciers libres (OFL) - un bon complément aux offices de foncier solidaire - la disposition de la PPL qui pose le plus question aux interlocuteurs présents est la création d'un "fonds friche". Ce fonds, qui doit être géré, selon le texte, par Action Logement, n'a pas l'aval du gouvernement, et a été rayé de la PPL par les sénateurs. Les acteurs de l'aménagement ont fait savoir au député Lagleize que si l'idée est "très intéressante", elle comporte des risques et notamment celui de "faire monter les prix s'il est utilisé dans les zones tendues, où les opérations seraient sorties d'elles-mêmes".
"J'entends qu'il y a un risque de spéculation avec ce fonds. Je veux préciser qu'il sera un fonds d'amorçage des projets, là où ils ont du mal à sortir. Il sera utile pour se mettre d'accord sur les coûts de dépollution", a répondu le député. Les intervenants pointent également le risque d'une "usine à gaz pour les élus locaux, gérée d'en haut par une grande agence type Anru". Ils optent pour "un portage plus simple et direct, par exemple au niveau du préfet". Nul doute que le sujet reviendra devant l'Assemblée en deuxième lecture.
Arrêtez de faire des lois !
Benoist Apparu, ancien ministre chargé du logement de Nicolas Sarkozy et actuel président du directoire d'In'li, spécialiste du logement intermédiaire (groupe Action Logement), a pour sa part fait valoir que "l'enjeu n'est pas l'innovation législative ou fiscale, l'enjeu est que le monde de l'immobilier accepte d'innover sans loi et sans argent public. En 15 ans nous avons eu 15 lois sur le logement. Il faut arrêter".