De façon très symbolique, le président russe Vladimir Poutine est venu en personne visiter le chantier du pont qui doit relier la Russie continentale à la Crimée. Un projet d'envergure confié à des entreprises nationales proches du pouvoir. L'inauguration est prévue pour la fin de 2018.

Deux ans après le vote par le Parlement russe du rattachement de la Crimée à la Russie - une annexion considérée comme illégale par l'Ukraine et de nombreux autres pays - le président Vladimir Poutine s'est rendu, ce vendredi 18 mars 2016, sur le chantier du futur pont du détroit de Kertch. Un symbole fort, pour marquer le retour d'un territoire perdu, qui doit désenclaver une presqu'île où l'industrie touristique a souffert.

 

Comme la Crimée, peuplée majoritairement de russes (59 % contre 24 % d'Ukrainiens et 12 % de Tatares), n'est rattachée que par une fine langue de terre à l'Ukraine, désormais territoire ennemi, les échanges avec l'extérieur se font principalement par avion ou par bateau. La nécessité d'une voie de communication terrestre, qui existait déjà avant la sécession du territoire, est d'autant plus intense aujourd'hui. Le projet de pont entre les péninsules de Kertch et de Taman, a donc été lancé dans l'urgence en 2014. Sans passer par un quelconque appel à projets, le Kremlin a confié la construction à la société Stroïgazmontaj, propriété de l'oligarque Arkadi Rotenberg. Ce dernier est un proche de Vladimir Poutine, avec qui il pratique le judo. Il avait déjà décroché de nombreux contrats, d'un montant total de 5 milliards d'euros, dans le cadre de la préparation des Jeux olympiques d'hiver de Sotchi, dont la route côtière à Adler, au bord de la mer Noire. Au-delà du favoritisme, des soupçons de corruption sont déjà évoqués sur place.

 

L'ouvrage, qui doit être achevé d'ici à la fin de 2018, franchira un bras de mer peu profond (18 mètres au maximum) large de 4,5 km, mais il s'étendra en tout sur 19 km. Son tablier, installé à 35 mètres au-dessus des flots afin de permettre le passage des bateaux, supportera une autoroute et une double voie de chemin de fer. Il est estimé que 40.000 véhicules (voitures et camions) pourront l'emprunter chaque jour tandis que les 47 trains quotidiens achemineront 14 millions de passagers par an, ainsi que 13 millions de tonnes de marchandises. En 2015, environ 5 millions de touristes - majoritairement Russes - se sont rendus dans les stations balnéaires de Crimée. Mais le ministre local du tourisme estime que l'entrée en service du pont, en 2019, permettra de doubler ce chiffre. Le coût estimé de l'ouvrage, 2,9 Mrds €, sera entièrement financé par la Russie, toujours sous le coup de sanctions économiques à cause de… son intervention en Ukraine. Il n'est pas certain que la réalisation de ce pont, pourtant généralement symbole de rapprochement entre les peuples, soit du goût de la communauté internationale.

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