POLÉMIQUE. Suite au déversement de ciment dans la Seine depuis un chantier de Nanterre (Hauts-de-Seine) imputée à Vinci Construction, le major du BTP a commandité un audit interne qui a conclu à un impact minime sur l'environnement. Mais certains enquêteurs remettent en question cette version des faits.
Vinci Construction n'est sans doute pas près de se dépêtrer de cette polémique : après le déversement de ciment dans la Seine depuis un chantier de Nanterre (Hauts-de-Seine) qui lui a été imputé, le major a commandité une enquête interne qui a conclu à "un incident d'exploitation involontaire, anormal et exceptionnel". Mais ce mercredi 5 juin 2019, nos confrères du Monde ont affirmé que des enquêteurs dépêchés sur place ont constaté toute autre chose dans leur procès-verbal. Un nouvel élément qui risque de peser sur Vinci, déjà visé par une enquête préliminaire du parquet de Nanterre.
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"Les échantillons d'eau ne présentent aucune trace de pollution anormale en lien avec l'incident", dit Vinci
Dans les résultats de son audit interne, le groupe Vinci souligne que "les écoulements n'étaient pas du béton mais de l'eau grise chargée de sable et de traces de ciment désactivé". Au total, "une dizaine de mètres carrés de talus végétal ont été teintés par une fine couche grisée et un dépôt de sable comportant des traces de ciment sans cohésion s'est déposé en pied de quai dans le lit de la Seine sur une surface d'environ 20 m² et une épaisseur variable de 5 à 20 cm", ce qui fait donc dire au major que "la quantité de matière déversée dans la Seine est donc estimée à moins de 5 m3". Le rapport stipule en outre que "des prélèvements d'eau et de matière ont été réalisés sur le point de déversement ainsi que quelques mètres en aval et en amont", et que "les résultats de ces analyses montrent que les matériaux prélevés sont inertes et que les échantillons d'eau ne présentent aucune trace de pollution anormale en lien avec l'incident". Et suite à la décision de la région Ile-de-France de suspendre son financement de 175 millions d'euros au chantier du prolongement du RER E (Eole), Vinci "s'est engagé à remettre en état la partie de la berge de la Seine concernée".
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Une rigole connectant le bassin de stockage des eaux de lavage à la Seine
Contactés par Le Monde, les agents du service chargé des missions de police pour la Fédération interdépartementale pour la pêche et la protection du milieu aquatique contesteraient cette version des faits, allant jusqu'à considérer que "le caractère involontaire de l'infraction est irrecevable". Pour sa part, la police de l'eau de la Direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie (Driee) a noté que "deux des trois cuves [stockant le ciment, ndlr] étaient pleines de sable car elles n'ont pas été curées à une fréquence suffisante". Par ailleurs, un bassin de rétention des eaux pluviales, situé à proximité de la Seine, aurait finalement servi au stockage des eaux de lavage du béton en attente de traitement. La question serait donc de savoir si ces eaux polluées ont débordé du bassin à cause de la pluie, ou si elles ont pu être évacuées volontairement, car d'après les enquêteurs qui se sont rendus sur le chantier, une rigole menait les eaux sales directement dans le fleuve. Toujours selon les témoignages des employés présents sur site et recueillis par les policiers, "ces rejets dans la Seine duraient depuis déjà 18 mois". Dans ses colonnes, le quotidien précise que des relevés réalisés fin mars ont démontré que la profondeur du fleuve oscille entre 15 et 80 centimètres le long de la berge, là où le fond de référence doit être de 2,80 mètres. Des chiffres qui pourraient traduire un dépôt de matériaux dans le lit de la Seine…