RÉACTION. Les réactions sont nombreuses à la suite des propos de Julien Denormandie sur le marché de la maison individuelle. Au lendemain des déclarations, Régis Chaumont, président de l'Union des syndicats français d'architectes (Unsfa), a répondu à Batiactu.
"Si l'on veut revitaliser les centres villes, nous devons assumer qu'en périphérie le nombre de maisons neuves diminue." Ce sont les propos de Julien Denormandie, tenus le 29 août 2019, qui ont mis le feu aux poudres. Alors que les organisations de constructeurs de maison individuelle accusent naturellement le coup, d'autres, comme la Capeb, se montrent réceptives à cette perspective. Et, du côté de l'Union des syndicats français d'architectes (Unsfa), on accueille plutôt favorablement la prise de position du ministre.
Le chiffre de la construction de maisons en périphérie diminue mais c'est au profit de l'investissement dans les centres villes pour la rénovation et réhabilitation des cœurs de ville. Ce choix s'inscrit dans une politique plus large de revitalisation des villes moyennes. https://t.co/xNNIgGE2n5
- Julien Denormandie (@J_Denormandie) August 29, 2019
"Les propos du ministre répondent à une réalité destructrice de notre patrimoine et productrice de graves désordres qui affectent toute notre société", observe ainsi Régis Chaumont, président de l'Unsfa, auprès de Batiactu. Pour autant, selon l'architecte, guérir les territoires concernés doit se faire d'un point de vue global et national, par une reprise de la politique d'aménagement du territoire. "Les territoires qui ne sont pas irrigués, comme dans un corps humain, finissent par se nécroser."
Réharmoniser bassin d'habitat et bassin d'emploi
Les propositions de l'Unsfa sont nombreuses pour tenter de redresser la barre : revoir la politique fiscale d'investissement locatif car les particuliers ont perdu la volonté d'investir dans la pierre, distinguer les zones de foncier tendues et foncier libres ou encore instaurer des organismes contrôlés par l'État disposant de règles de constructibilité plus souples. L'union appelle également à en finir avec un découpage parcellaire du foncier qui devient complexe et parfois incohérent. "Nous devons réharmoniser bassin d'habitat et bassin d'emploi, avec un pilotage au niveau national", résume Régis Chaumont. Le développement du télétravail serait un passage obligé.
Le président de l'Unsfa insiste également sur les architectes de la rénovation, qui pourraient jouer un rôle dans la réhabilitation des centres villes délaissés.
Autre réaction du côté des architectes, celle de Régis Thévenet, président du Conseil régional de l'Ordre des architectes des Hauts-de-France. "Les architectes n'ont eu de cesse d'alerter depuis des décennies les pouvoirs publics sur les dangers des extensions urbaines et pavillonnaires", explique-t-il, contacté par Batiactu. "Croyant répondre à une prétendue attente de nos concitoyens, de vastes zones de terre agricoles ont été consommées, disons plutôt gâchées."
"Les derniers mouvements sociaux ne devraient finalement pas nous étonner"
L'architecte regrette de n'avoir pas été entendu. Le résultat étant l'éloignement du lieu de travail, mais aussi la désertification des centres bourgs et le délitement des réseaux de solidarité. "Les derniers mouvements sociaux ne devraient finalement pas nous étonner, ils ne sont que la conséquence directe de l'absence d'une gestion raisonnée et durable de nos territoires. De fait, nous ne pouvons que nous féliciter de ce revirement de politique, en espérant que cette prise de conscience au plus haut niveau de l'État n'arrive pas trop tard et qu'enfin, on prenne le temps de penser un développement concerté et harmonieux."
"Transformer notre logiciel d'aménagement du territoire", Christine Leconte, Conseil régional de l'ordre des architectes d'Île-de-France (Croaif)
"Cette mesure va dans le bon sens et nous encourageons le gouvernement à aller plus loin dans la lutte contre l'artificialisation des sols", explique Christine Leconte, présidente du Croaif, à Batiactu. "C'est un premier pas pour transformer notre logiciel d'aménagement du territoire : il est en effet urgent d'accélérer la réhabilitation des centres villes et de diminuer drastiquement l'étalement urbain. Nous devons également réduire l'impact des centres commerciaux et augmenter la qualité urbaine des entrées de ville."
De "belles alternatives à la maison individuelle"
"Cette mesure va dans le bon sens et nous encourageons le gouvernement à aller plus loin dans la lutte contre l'artificialisation des sols", explique Christine Leconte, présidente du Croaif, à Batiactu. "C'est un premier pas pour transformer notre logiciel d'aménagement du territoire : il est en effet urgent d'accélérer la réhabilitation des centres villes et de diminuer drastiquement l'étalement urbain. Nous devons également réduire l'impact des centres commerciaux et augmenter la qualité urbaine des entrées de ville."
De "belles alternatives à la maison individuelle"
"A présent, il faut donner les moyens aux professionnels pour qu'ils puissent proposer des habitats diversifiés dans les centres villes. Il existe de belles alternatives à la maison individuelle, moins connues et qui répondent aux besoins des Français en termes de logement : avoir accès à un espace extérieur, à la nature, avoir de l'espace pour tous, et surtout une intimité préservée pour chacun. Ces réponses architecturales sont l'avenir. Cela demande du temps d'intervenir sur le tissu urbain existant, en réhabilitation ou en neuf. Mais la plus-value est immense pour la vie en société et la fabrication de la ville avec les enjeux d'aujourd'hui.
A l'ordre nous sommes pleinement conscients de l'ampleur de la tâche. Depuis longtemps, les architectes sont prêts pour la réhabilitation. Nous serons là pour relever le défi de la 'régénération' du territoire, c'est-à-dire de la revitalisation de l'existant par l'existant."
L'ordre des architectes "approuve" les propos du ministre
"Nous approuvons les propos du ministre qui appelle à un autre aménagement du territoire, alors que nous avons consommé depuis des décennies des centaines de milliers d'hectares en lotissements et zones commerciales obsolètes", réagit pour Batiactu Denis Dessus, président du Conseil national de l'ordre des architectes. "Le discours serait plus audible si l'on constatait parallèlement des investissements importants dans la rénovation de l'habitat existant, mais, faute d'une politique fiscale claire et pérenne, ce n'est toujours pas le cas. Globalement, le déficit de logements neufs ou réhabilités ne fait que s'accroître. Pour un vrai aménagement du territoire, et une implantation de l'habitat répondant aux besoins de la population, il faut un projet urbain cohérent, écologique, permettant une adaptation de la ville à l'évolution de la société. Pour cela il faut donner aux maires les compétences et les moyens de pousser la réflexion sur leur ville et son évolution, et d'élaborer des documents d'urbanisme d'excellente qualité, conciliant activités économiques, enjeux environnementaux et sociaux. Quand on trace une rue ou que l'on construit un bâtiment, cela impacte la vie de milliers de citoyens pendant des décennies. Les architectes demandent la sanctuarisation des terres arables, construire moins mais construire mieux et au bon endroit, densifier les zones urbanisées, comme les ZUP ou zones commerciales d'entrée de ville, obsolètes, et qui sont à réinvestir en apportant d'autres fonctions qui font le vivre ensemble et la cité."
La suppression des aides au logement, Pinel, APL etc., est un mauvais calcul
"L'arrêt du dispositif Pinel comme levier d'une autre organisation de la production de logements ne tient pas, car ce dispositif est ciblé sur le neuf à destinée locative en zone tendue, et donc impactant plus le collectif que la maison individuelle. La suppression des aides au logement, Pinel, APL etc, est évidemment un mauvais calcul dont on paye les effets avec un ralentissement des mises en chantier, alors que les emprunts sont pourtant à des taux quasi nuls ! Ces aides engendrent la création d'activité et d'emplois en répondant à l'énorme besoin social de construction et d'amélioration de logements. Ce ne sont pas des niches fiscales, mais des outils pour diriger l'investissement là où il est nécessaire."