Le p-dg de Nexity, réputé pour son franc-parler, a livré son sentiment sur la méthode gouvernementale qu'il ne trouve pas adaptée pour répondre à la crise du logement. Il se dit prêt, en tant qu'opérateur, à faire des efforts pour parvenir à baisser les prix de vente dans les années qui viennent.
Le groupe Nexity se porte bien. Sur les neuf premiers mois de l'année 2017, le nombre de réservations dans le résidentiel est en hausse (+18 % en volume, +23 % en valeur), tout comme le chiffre d'affaires à 2,25 Mrds € (+11 %). Les prises de commandes en immobilier d'entreprise sont bonnes (143 M€) et le carnet de commandes de la promotion bien garni, garantissant plus de 2 années de production au rythme réel, soit 4,5 Mrds € de CA prévus. Pourtant, son président-directeur général, Alain Dinin, est perplexe. Non pas pour son entreprise, solide, mais pour le secteur du logement en général.
Car les semaines qui viennent sont riches en enjeux politiques : "Projet de loi de Finances, loi Logement, choc de l'offre, simplification… Tout ça prend du temps, et de plus en plus. Mais à quel moment saurons-nous ? En février ? Jusque-là nous suspendons nos choix". Le p-dg explique qu'un éventuel assouplissement des exigences dans le logement face aux personnes à mobilité réduites (PMR) aura forcément un impact sur les projets et donc, sur les permis de construire, qui devront être modifiés. Le débat sur les APL pèse également sur la situation, puisqu'elle bloque les offices HLM, ce qui constitue, selon lui, une menace réelle. Il analyse : "Il y a un effet de bouchon, comme lorsqu'un automobiliste donne un coup de frein sur l'autoroute, ce qui finit par générer un embouteillage de 4 km en amont". Alain Dinin résume : "Les opérateurs, comme Nexity, sont prêts à faire un effort pour se réformer, en deux ou trois ans. Nous pouvons plafonner les prix et les marges par exemple. Mais le gouvernement a choisi de prendre des mesures immédiates, un raisonnement à court terme dans un secteur qui est à moyen terme. D'où un risque d'effet accordéon". Le président anticipe même une baisse de la production globale de logements en 2018, de l'ordre de 50.000 mises en vente de moins. Il trouve dommage que le gouvernement d'écoute pas et ne soit pas assez organisé.
Revenir sur le zonage territorial
Jean-Philippe Ruggieri, directeur général délégué en charge du "Client particulier" et co-président des activités de promotion, résidentiel et tertiaire, enfonce le clou : "Nexity est assez critique sur la politique Logement menée par le gouvernement depuis l'annonce de septembre, sur la vision et sur la méthode. Les choses sont faites dans le désordre, avec des juxtapositions de mesures, de dispositifs, de réglementations… Il faut tout remettre à l'endroit, en pensant d'abord à l'urbanisme, à la ville, à la vie des ménages, à la démographie même". Selon ses estimations, il faudrait construire 400.000 logements par an d'ici à 2030 pour répondre à la demande qui existera en 2030. Mais où les promoteurs doivent-ils lancer des programmes ? "Il faut réviser le zonage pour les 10-15 prochaines années, souffle-t-il, et agir avant que les zones ne deviennent tendues". Pour le directeur général délégué, la suppression des aides pour les zones C et B2, qui représentent 85 % du territoire national, revient à les concentrer sur les zones tendues, ce qui signifierait un abandon des campagnes pour ne favoriser la construction que dans les métropoles.
Pour Nexity, il faudrait penser une "nouvelle intensité urbaine", en ne craignant pas de construire en hauteur, avec des immeubles dépassant allègrement les R+10/12 mais aérés, disposant de jardins partagés suspendus et comportant de nombreux logements de plus petites dimensions que les habituels 4-5 utiles aux seules familles. Le groupe entend faire baisser les prix de vente pour favoriser l'accession à la propriété. "Les dispositifs d'aide doivent être la conséquence et non la cause de tout", déclare Jean-Philippe Ruggieri. Le promoteur souhaite qu'un sursis de 2 ans soit accordé pour le Pinel en zone B2, et y favoriser ainsi l'investissement locatif. De même, il juge préférable de maintenir le dispositif Censi-Bouvard pour les résidences étudiantes. Concernant les aides à l'accession, comme le PTZ dans le neuf, il propose que la quotité soit ramenée de 40 à 30 %, au lieu de seulement 20 %.
Une année de perdue ?
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Alain Dinin conclut : "Plutôt que le choc de l'offre, assez théorique, il faudrait s'occuper de la demande". Car, pour le président-directeur général de Nexity, il ne sert à rien de construire des résidences étudiantes s'il n'y a aucun investisseur privé pour s'y intéresser : "A qui les vendre ? Pas aux étudiants eux-mêmes, puisqu'on parle de mobilité lors des études, avec de nombreux déménagements. Qui portera ce prêt avec un rendement faible ? La question se pose aussi pour les résidences sénior. Il faut un projet sur la demande !" Le dirigeant estime qu'ainsi il sera possible de vendre davantage de logements, quitte à baisser (légèrement) ses propres marges. Dubitatif sur la politique du Logement actuellement en préparation, il se veut philosophe : "Ce n'est pas grave, il y aura un autre plan Logement en 2019". Il assure même que certaines mesures comme la baisse des APL ou la création de l'Impôt sur la fortune immobilière seront retoqués par le Conseil constitutionnel. Dans tous les cas, Nexity pourra attendre tranquillement.
Interrogé sur la sortie de son entreprise de la FPI, il assure que ce n'est pas pour créer une autre entité ou un syndicat concurrent : "Mais pourquoi ne pas se coordonner avec d'autres acteurs du logement pour structurer une démarche itérative et apporter des réponses ? Il faut se mettre autour de la table, avec d'un côté des associations comme la Fondation Abbé Pierre, de l'autre des banques et assureurs, ou des sociétés comme Amundi". Alain Dinin déplore en fait l'aspect trop corporatiste des syndicats et la défense de leur seul segment d'activité.