AVIS D'EXPERTS - Hydrocarbures, métaux lourds, PCB, les polluants sont nombreux dans les sols de friches industrielles qui sont souvent choisies pour la construction d'éco-quartiers en zone péri-urbaine. Deux spécialistes de la question du phytomanagement, Marie-Anne Guglielmi et Jean-Marie Come, de chez Burgeap (groupe Ginger), donnent des indications sur les techniques de dépollution qui s'appuient sur les plantes.

Les phytotechnologies sont en plein essor et sont aujourd'hui considérées comme des solutions complémentaires voire alternatives de gestion de la pollution des sols. Jean-Marie Come, le directeur R&D de Burgeap (groupe Ginger) et Marie-Anne Guglielmi, qui anime le groupe de travail dédié à cette question au sein de l'entreprise, livrent un avis d'expert qui résume la situation actuelle en France, où la politique de gestion des sites pollués s'est développée depuis les années 1990. Ils précisent : "Depuis 2007, elle s'appuie sur l'évaluation des risques en fonction de l'usage du site (…) Sous l'impulsion du Grenelle de l'Environnement, l'aménagement des éco-quartiers, souvent installés sur d'anciens sites industriels, incite à prendre en compte les solutions de gestion des pollutions de sols plus en phase avec les enjeux de la biodiversité et du développement durable". L'utilisation de plantes pour capter, stocker et dégrader les polluants apparaît donc comme la technique la plus respectueuse et la plus favorable à l'environnement.

 

 

Les spécialistes listent les techniques les plus employées à ce jour : le "venting-bioventing in situ", la "biodégradation in situ" et le "pompage-traitement/écrémage". La première "consiste à mettre en dépression la zone non saturée des sols pour y aspirer - et si possible biodégrader - les polluants volatils". La deuxième, qui peut se dérouler sur site ou hors site, "consiste à apporter des accepteurs d'électrons et des nutriments pour accélérer le processus de biodégradation". Quant à la troisième, elle est utilisée dans le cas d'hydrocarbures flottants au somment d'une nappe phréatique. Les techniques classiques offrent un large périmètre d'applications pouvant s'étendre à plusieurs dizaines de mètres de profondeur dans le sol, et comprenant à la fois des zones saturées en polluant et d'autres non saturées. A l'inverse, les méthodes biologiques se trouvent limitées à la couche supérieure du sol (entre 0 et 1 mètre de profondeur). "Mais [elles] permettent généralement d'apporter d'autres services que la simple réduction de la concentration des polluants", assurent les deux experts, qui évoquent des "services écosystémiques des sols".

 

Des questions à résoudre avant d'aboutir à des solutions opérationnelles

 

Les deux experts de Burgeap soulignent que les techniques utilisant des espèces végétales, avec ou sans combinaison à des amendements, présentent d'autres avantages encore méconnus. "Elles restaurent les fonctions du sol et améliorent la biodiversité tout en valorisant l'intégration paysagère d'un site". Ils distinguent trois familles de technologies : la phytostabilisation, tout d'abord, qui ne permet pas de dépolluer les sols mais qui réduit la mobilité et la diffusion des polluants dans l'écosystème environnant en les concentrant dans les racines des plantes sélectionnées. Il s'agit donc d'un "mode de gestion destiné à limiter les risques via la stabilisation des métaux (zinc, cadmium) et métalloïdes (arsenic)". La phytoextraction et la phyto- ou rhizodégradation ensuite, qui permettent de dépolluer. "La première consiste en une extraction et accumulation des polluants dans les parties récoltables des plantes, tandis que la seconde a pour objectif la dégradation des polluants organiques tels que les hydrocarbures grâce aux végétaux et micro-organismes", détaillent-ils. Parmi les techniques décrites, c'est la phytostabilisation qui dispose du plus grand nombre de retours d'expériences, notamment sur d'anciens sites métallurgiques. La phytoextraction est moins documentée. Quant à la phyto/rhizodégradation, elle semble encore anecdotique, n'étant déployée que sur un site d'expérimentation.

 

 

Phytomanagement
Phytomanagement © Ginger

 

Les auteurs de la tribune notent qu'une question se pose toujours : celle de la gestion des déchets végétaux chargés en polluants. "Comment valoriser cette biomasse en énergie renouvelable, tout en tenant compte de la réglementation, du bilan économique, de l'acceptabilité par les populations concernées ?", s'interrogent-ils. Une problématique que la R&D du phytomanagement aura à cœur de résoudre dans les prochaines années, afin d'aboutir à des solutions pleinement opérationnelles.

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