La performance énergétique des bâtiments relève autant d'une réglementation thermique nationale que d'une directive européenne et à tout un corpus de normes. Mais qui assure la cohérence et la coordination de ces textes afin d'obtenir un ensemble efficient et compréhensible ? Eléments de réponse avec Jean-Michel Remy et Florent Trochu de l'Afnor.
"Il existe un challenge aujourd'hui en France qui consiste à assurer la coordination entre la réglementation nationale et la directive européenne sur l'efficacité énergétique des bâtiments qui a été refondue en 2012. Car le dispositif tend, à terme, vers une harmonisation", explique Jean-Michel Rémy, responsable du département Construction et Cycle de l'eau à l'Afnor (Association française de normalisation). Afin d'y parvenir, des groupes de travail participent à un programme de normalisation, mandaté par la Commission européenne, afin de clarifier les effets de la directive, améliorer les pratiques constructives et optimiser les coûts, et ainsi atteindre les objectifs environnementaux fixés pour 2020.
Un squelette normatif rigide mais capable de souplesse
"Le programme d'élaboration de la norme utilise une approche holistique", annonce Florent Trochu, chef de projet à l'Afnor, signifiant par là qu'elle appréhende les systèmes d'efficacité énergétique dans leur ensemble plutôt que de façon élémentaire, produit par produit. "Les normes européennes facilitent la comparaison entre des solutions techniques et soutiennent le marché européen des produits de construction. Ce sont des outils efficaces pour donner une position de leader aux industriels européens et leur permettre de garder l'initiative par la mise en place accélérée de nouvelles solutions et par la favorisation des échanges", déclare-t-il. Des procédures permettent donc l'expression commune de la performance énergétique globale des bâtiments tout en conservant différentes options dans leur application, les "annexes nationales". "Le travail s'effectue en deux phases. La première, aujourd'hui quasi-terminée, comprend la livraison des principes de base et de règles techniques détaillées. Il s'agit d'une étape de préparation d'une structure modulaire de la norme 'chapeau' EN 15603 révisée", poursuit le spécialiste de l'Afnor. "La seconde phase sera un suivi et une application de ces principes de base et règles techniques dans l'élaboration des normes", relate Florent Trochu.Mais quels sont les enjeux de la modularité de la norme EN 15603 ? Le spécialiste met en avant les notions de transparence et d'objectivité, de réduction d'écart entre performance calculée et performance réelle par le développement de méthodes d'évaluation, de collaboration facilitée avec l'ISO (Organisation internationale de normalisation) ou de mutualisation des solutions techniques entre pays de l'Union. "Une position d'influence permettra de ne pas se faire imposer de système en contradiction avec nos bonnes pratiques françaises", estime le chef de projet. Dan Napar, directeur technique chez Siemens IC Building Technologies, voit le développement de référentiels utilisant les normes internationales comme une opportunité : "La crise économique renforce l'importance d'une standardisation car il s'agit d'un bon moyen pour être mieux armé sur les marchés internationaux".
Elargir le périmètre d'évaluation de la performance énergétique
Johann Zirngibl, chef de la division Environnement & Systèmes énergétiques du CSTB, résume ainsi le concept de structure normative : "Elle est comme un squelette qui est ensuite habillé d'options nationales issues de politiques, de climats et d'usages différents. Cela nécessite donc une certaine flexibilité pour s'adapter aux styles de vie locaux tout en assurant une harmonisation et une reproductibilité au niveau communautaire". La norme "chapeau" EN 15603 est donc une structure très générale, flexible, où le bilan et le flux énergétique sont bien identifiés. La nouveauté de cette norme est l'incorporation d'un facteur d'énergie primaire prenant en compte la distance et la source, renouvelable ou non, de l'énergie utilisée. "La performance ne se limite donc pas au bâtiment seul puisqu'une partie est située en dehors de son périmètre. Pour fournir 1 kWh à un bâtiment, c'est 1,7 kWh à la source qu'il faut développer !", assène Johann Zirngibl. Pour le chef de division du CSTB, le bâtiment est maintenant consommateur et producteur d'énergie, grâce aux renouvelables. L'optimum énergétique ne se situerait donc pas forcément à l'échelle de l'édifice seul, mais de l'îlot ou du quartier. "Cet élargissement du périmètre d'évaluation est un nouvel enjeu pour le bâtiment", prévient-il.