Le groupe de BTP Bouygues vient d'arrêter les travaux de construction du futur palais de justice, aux Batignolles dans le 17ème arrondissement de Paris. La raison ? Les banques refusent de débloquer les fonds promis, confirment nos sources. La mise en service du projet de Renzo Piano prévue en 2017 pourrait être remise en question. Explications et réactions.
Le futur palais de justice imaginé par Renzo Piano aux Batignolles, dans le 17ème arrondissement de Paris sera-t-il mis en service en 2017 ? Avec ses 90 salles d'audience, une salle des pas perdus de 5.500m², des espaces de travail pour les 540 magistrats et une tour de près 160 mètres, le futur tribunal de grande instance aura, effectivement, du mal à accueillir sur 62.000 m², quelque 10.000 personnes par jour dont 4 000 fonctionnaires.
D'après nos confrères du Figaro, Bouygues Construction, qui avait entrepris les travaux en juin dernier, les a arrêtés fin juillet. "Depuis plus de deux mois, le chantier est donc au point mort. Aujourd'hui, personne ne peut dire quand il pourrait redémarrer", affirme le journal.
Blocage des banques
Pour financer ce chantier colossal de 575 millions d'euros, Bouygues a contracté des emprunts auprès des banques. Obstacle : d'après Le Figaro, les fonds sont bloqués en raison d'un recours contre le contrat de partenariat public-privé entre le groupe de BTP et l'Établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP) en charge de ce projet.
C'est l'association d'avocats et professionnels de justice "La Justice dans la Cité" qui avait attaqué ce PPP, qui confie à Bouygues la construction et l'entretien du bâtiment durant 27 ans. Pour rappel : l'association a perdu, en première instance, le 17 mai 2013, son recours devant la justice administrative contre le PPP signé entre l'Etat et Bouygues pour la construction du nouveau bâtiment. Quant à la décision de la cour d'appel, elle devrait intervenir dès l'année prochaine.
En attendant, les banques refusent de s'engager pour savoir si ce contrat de partenariat sera ou non annulé par la justice, nous confie-t-on. Pour tenter de débloquer la situation, l'État a accordé sa garantie. "Mais cet élément a aussi été attaqué devant le tribunal par 'La Justice dans la cité", souligne un proche du dossier au Figaro. Du coup, les banquiers jugent la garantie de l'Etat sans valeur et ne veulent toujours pas prendre de risque."
Des négociations qui tournent en rond
Pour sortir de cette impasse, Bouygues Construction qui ne souhaite faire aucun commentaire à ce sujet, s'est rapproché depuis ces mois-ci des pouvoirs publics. D'ailleurs, Yves Gabriel, PDG de Bouygues Construction, avait souligné en février dernier lors de la publication des résultats 2012 : "Les discussions sont en cours. Il existe trois solutions : un changement dans le financement, avec plus d'argent public, une simplification du projet ou une réduction de l'exploitation de certains services". Et d'ajouter : "Il n'y a pas d'échéance à la renégociation mais il y aura un moment où cela sera irréversible".
Toutefois, d'après le Figaro, les réunions n'aboutissent à aucun résultat pour le moment. "Bouygues voudrait que l'État redonne sa garantie", souligne un expert au Figaro. Et l'EPPJP souhaiterait que ce soit Bouygues qui prenne ce risque."
Une chose est sûre à l'heure actuelle : les travaux entrepris par Bouygues sont bien stoppés, nous a-t-on bien confirmé. Et le bâtiment dessiné par l'architecte star Renzo Piano risque de rencontrer des difficultés pour être livré à la fin 2016. A suivre.
Interrogé par Batiactu, Jean-Pierre Weiss, directeur général de l'Etablissement public du palais de Justice de Paris (EPPJP), "cheville ouvrière" du projet du transfert du TGI de Paris aux Batignolles dans le 17ème arrondissement nous précise que "la décision de l'arrêt des travaux a été décidée par le groupe Bouygues, il y a un mois. Depuis un mois, les premiers travaux dédiés aux injections dans le sous-sol ont été arrêtés." La raison est claire, précise le maître d'ouvrage : "Les équipes de Bouygues Construction attendent le fonds privé des banques car ces dernières souhaitent, en effet, des confirmations."
Pour ce qui concerne, les discussions actuellement, en cours, Jean-Pierre Weiss refuse de dire qu'"elles tournent en rond. Nous espérons bien que Bouygues trouve une solution avec ses partenaires financiers. C'est un projet extrêmement compliqué, il est important de ne pas perdre de temps sur le chantier. La livraison est prévue en novembre 2016." L'EPPJP, reconnaît que pour le moment "il ne faut pas tirer la sonnette d'alarme car seulement un mois s'est écoulé. Nous comptons sur le constructeur pour que le chantier reprenne."
Enfin, interrogé sur l'avenir du contrat signé sous forme de PPP, le porteur du projet rappelle bien que cet imbroglio juridico-financier "ne touche en aucun cas le mode du contrat, c'est-à-dire en partenariat public-privé. Nous ne toucherons pas au contrat." Et de conclure : "la garde des Sceaux (Ndlr : Christiane Taubira) l'a répété officiellement."