ANALYSE. Avec environ 15 % de sa consommation finale brute et même près de 20 % de son électricité provenant de sources renouvelables, la France est-elle un bon élève ou un cancre de la transition énergétique ? Comment se situe-t-elle par rapport à l'Allemagne, toujours citée en exemple, ou à l'Italie, pays à la population comparable ? Eléments de réponse.
Dans l'édition 2016 de son rapport "Chiffres clés des énergies renouvelables", le Service de l'observation et des statistiques du ministère de l'Environnement dresse un panorama de ces énergies en France et dans l'Europe. Il apparaît qu'en considérant la seule consommation finale brute d'énergie, l'Hexagone n'était que 16e sur 28 pays de l'Union européenne (avec des chiffres consolidés de 2014). Avec 14,5 % de ses besoins couverts par des EnR (dont 18,5 % pour l'électricité, 18,3 % pour la chaleur ou 7,6 % pour les transports), elle se situe sous la moyenne communautaire de 16 %. Dans ce classement, les bons élèves sont les pays du Nord, comme la Suède (52,6 % de sa consommation brute avec même 68,1 % pour la chaleur), la Finlande et la Lettonie (38,7 %) ou l'Autriche (33,1 %).
à lire aussi
La France a des atouts
Mais en rentrant dans le détail, on note que les pays voisins et de taille similaire (Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni), ne font pas beaucoup mieux. Voire moins bien. Si les deux pays méditerranéens affichent plus de 33 % d'électricité d'origine renouvelable, l'Espagne n'assure par exemple que 0,5 % de ses transports au moyen de renouvelables. Des profils différents dans la production d'énergie primaire se dessinent alors, selon les gisements et investissements. En valeur absolue, l'Allemagne écrase la concurrence avec plus de 32 gigatonnes d'équivalent pétrole (gtep), devant l'Italie (24 gtep) et la France (22 gtep). Outre-Rhin, le mix énergétique post-atome s'avère diversifié avec les premiers parcs éolien et solaire d'Europe, mais également avec une capacité de biogaz supérieure à celles de tous les autres pays additionnées. De l'autre côté des Alpes, l'énergie solaire est également beaucoup plus développée que dans l'Hexagone, mais c'est surtout en géothermie que l'Italie se distingue. Quant à la France, c'est grâce à son hydroélectricité - la première d'Europe - qu'elle peut atteindre cette troisième place. Suivent l'Espagne (dont le solaire thermique est le plus développé de l'UE) et la Suède, une championne de la biomasse solide et de la valorisation des déchets.
Secteur par secteur, l'Hexagone se situe donc au premier rang hydroélectrique, au second rang pour la géothermie ou la biomasse et les déchets urbains, au quatrième rang pour l'éolien et le photovoltaïque, et au cinquième pour le biogaz (après une surprenante République tchèque, 4e). Si la France est également très bien placée pour les biocarburants (2e derrière l'Allemagne), il lui reste cependant à progresser fortement dans le solaire thermique : le pays ne figure même pas dans le top 5 qui, outre l'Espagne et l'Allemagne, comprend la Grèce, l'Autriche et l'Italie… Il n'en reste pas moins que l'Union européenne, dans son ensemble est un continent qui donne l'exemple puisqu'il dispose de la production la plus diversifiée, à la pointe mondiale de l'éolien, du photovoltaïque, du biogaz et de la valorisation des déchets ménagers. La Chine et l'Inde dépassent l'Europe en termes de capacité totale mais reposent largement sur l'utilisation de biomasse solide (bois), qui est plus polluante en termes d'émissions de CO2 ou de particules.
Un combat perdu d'avance contre les fossiles ?
à lire aussi
Dans une étude publiée par Nature Climate Change, les scientifiques notent toutefois que le seul essor des renouvelables face au maintien des énergies classiques ne suffira pas à lutter contre le réchauffement climatique. Glen Peters, du Centre de recherche sur le climat d'Oslo (Norvège), constate : "Ces technologies n'empêchent pas vraiment la croissance des énergies fossiles ou des modes de transport conventionnels". Les énergies vertes ne représentent finalement que 3 % de la consommation mondiale, alors que les énergies fossiles assurent 87 % de l'approvisionnement global… Avant de pouvoir se passer de charbon, pétrole et gaz, il serait donc utile, selon les chercheurs, de développer des technologies alternatives de capture et séquestration du gaz carbonique. Outre la généralisation des biocarburants, dont le bilan final est neutre, ils recommandent de taxer les émissions de CO2. Le responsable conclut : "Les hommes politiques semblent heureux de subventionner l'éolien, le solaire et les véhicules électriques. Mais ils ne souhaitent pas donner un prix aux carburants fossiles - à travers une taxe carbone par exemple. Or l'objectif de +2 °C restera impossible si les émissions des carburants fossiles ne chutent pas".
Face aux chiffres de 2014-2015 du rapport émanant du ministère de l'Environnement, le Syndicat des énergies renouvelables, accompagné des gestionnaires de réseaux (RTE, Enedis et ADEef), publie un panorama de l'électricité d'origine renouvelable en 2016. On y apprend que les EnR ont participé à 19,6 % de la couverture de la consommation électrique nationale l'an passé, un chiffre qui ne cesse de progresser. Et pour cause, puisque 2,2 GW de nouvelles capacités ont été raccordées, principalement dans l'éolien (62 % du chiffre) et le solaire (26 %). Le parc éolien atteint 11,67 GW (+13 %) de puissance, tandis que sa production s'établit à 21 TWh. Le parc solaire s'élève, quant à lui, à 6,67 GW (+9 %), pour une production de 8,3 TWh. La filière bioénergies électriques représente une puissance installée de 1,92 GW, productrice de 6,5 TWh. Enfin, le parc hydraulique est stabilisé depuis de nombreuses années à 25,48 GW (+0,2 %), ce qui lui permet de produire annuellement 59,2 TWh.