Crise du logement : les architectes attendent du gouvernement une "prise de conscience"

 

 

Comme en 2023, l'Unsfa compte, en 2024, continuer de travailler sur les questions de formation, de commande publique, de chute de l'immobilier résidentiel, d'égalité professionnelle ou encore d'international. L'an passé, la crise du logement a tenu occupée l'organisation, qui a participé au Conseil national de la refondation (CNR) du logement, sous l'égide de l'ex-ministre du Logement Olivier Klein. Elle a aussi été auditionnée à l'Assemblée nationale par trois partis politiques. "De toutes ses actions, la plus forte et la plus pertinente que nous menons actuellement est celle faite dans le cadre du groupe Alliance pour le logement", a toutefois affirmé Jean-Michel Woulkoff, président de l'Unsfa entre 2020 et 2023. "Nous allons vivre une crise terrible sur le logement et nos dirigeants n'en ont cure".

Crise du logement

Au sujet de cette crise, l'ancien chef de file a demandé, dans un discours précédant celui de sa consœur, à ce que le gouvernement "prenne des mesures pour augmenter l'offre de logement abordable en encourageant la construction de logements sociaux et en facilitant l'accès au crédit immobilier pour les ménages à revenus modestes". "Il faut desserrer l'étau du crédit en modifiant le taux d'usure et en décorrélant le coût du foncier de celui de la construction via par exemple les établissements publics foncier)."

 

Pour Jean-Michel Woulkoff, "il est crucial de mettre en place des politiques de régulation du marché immobilier afin d'éviter les hausses excessives des prix - principalement de foncier - et les pratiques spéculatives, éradiquer les marchands de sommeil et réguler le marché du logement de vacances". Celui-ci permettrait, en effet, à certains propriétaires de "spéculer sur la hausse du montant des loyers" et empêcherait les actifs résidents dans les communes touristiques à "se loger décemment". Ainsi, des mesures fiscales incitatives pourraient être proposées pour encourager les propriétaires à proposer les loyers abordables, a-t-il estimé. "Le logement est un droit fondamental et chacun mérite de vivre dans des conditions décentes."

 

Des propos appuyés par sa successeure, Laure-Anne Geoffroy Duprez. Cette dernière a indiqué que les premières actions du syndicat cette année seraient liées à la crise du logement, dans le but de porter des propositions qui permettront aux adhérents de "passer ce cap dans les meilleures conditions économiques possibles". L'absence de ministre du Logement, suite au remaniement ministériel du 11 janvier dernier par le nouveau Premier ministre Gabriel Attal, est perçue comme "un très mauvais signe pour la filière". "Nous attendons de notre nouveau gouvernement une prise de conscience de la gravité de la situation actuelle et à venir et des réactions rapides", a-t-elle continué.

Repenser les villes

La question du logement n'est pas la seule à avoir été abordée. Jean-Michel Woulkoff appelle à une révision des politiques d'urbanisme et de développement des villes, pour que les zones urbaines favorisent la mixité sociale et offrent "des espaces de vie agréables et abordables pour tous". Cela passe aussi par la réécriture des PLU afin que ces derniers permettent "la surélévation dérogatoire et/ou l'épaississement des bâtiments en contrepartie du gain énergétique". Il aimerait également voir se développer les réseaux de transports en commun et des réhabilitations de quartiers délaissés, ce qui "créerait de nouvelles opportunités de logement pour les populations les plus vulnérables".

Rénovation

La rénovation des logements individuels ou en copropriétés ainsi que des bâtiment publics et tertiaires fait partie des autres sujets primordiaux de 2024, ce afin d'élaborer "un cadre de vie durable et de qualité pour tous". L'Unsfa considère que "le regard que portent aujourd'hui les pouvoirs publics sur la réhabilitation [est] trop technique et manque d'ambition architecturale". "La réhabilitation est une discipline qui ne doit pas seulement rimer avec les termes isolation, énergie, performance et factures ; ce n'est pas une addition béate d'actes techniques mais bien un projet d'architecture", a martelé Laure-Anne Geoffroy Duprez. Selon elle, ces opérations "doivent être confiées à des équipes pluridisciplinaires, menées obligatoirement et systématiquement par des architectes, comme pour la construction neuve".

Travail

La présidente de l'Unsfa a, par la suite, rappelé les interrogations de la profession concernant les nombreuses mutations qui s'opèrent dans le métier d'architecte. "Les urgences écologiques et sociales modifient nos pratiques presque en temps réel. Quelle architecture imaginer pour demain ? Comment construire aujourd'hui ? Comment rénover les bâtiments existants ? Avec quels matériaux construire ? Quelle énergie devons-nous utiliser ?" La nouvelle équipe de l'Unsfa réfléchira au marché du travail et à sa transformation depuis la pandémie de Covid-19. "Comment s'adapter et s'organiser vers plus de flexibilité ? Comment maintenir et renforcer l'attractivité de son agence ? Comment répondre à cette quête de sens et de renouveau qui traverse la nouvelle génération ?"

 

À toutes ces questions, s'ajoute celle de l'utilisation des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle. L'Unsfa se demandera en 2024 comme se saisir de ces outils et les utiliser "pour consolider l'utilité publique de notre métier", tout en se prémunissant de potentiels vols de données.

 

Toujours concernant la sphère du travail, l'Unsfa continuera de mener des travaux sur la convention collective avec les syndicats des salariés comme le syndicat national professionnel des acteurs et professions de l'architecture paysage urbanisme et maîtrise d'œuvre (Synatpau), "qui visent à améliorer la vie des entrepreneurs que nous sommes et de nos salariés", a affirmé Laure-Anne Geoffroy Duprez.

Rémunération

Le syndicat annonce par ailleurs, pour 2024, défendre la "juste rémunération" des architectes, dans "un contexte où les missions complémentaires non bordées ou mal définies ne cessent de fleurir". Lors de son discours, Laure-Anne Geoffroy Duprez a alors raconté aux quelques dizaines de professionnels présents : "J'ai entendu il y a peu un maître d'ouvrage expliquer que les architectes ne doivent surtout pas faire ce que font les bureaux d'études, à savoir exiger d'être rémunérés à un tarif horaire correct sur le nombre d'heures réelles qu'ils passent sur une opération parce que, sinon, aucune opération ne pourrait plus sortir." Des propos qui ont déclenché de nombreux rires dans l'assistance. "C'est complètement fou d'entendre ça", a-t-elle continué. "Ça semble normal de ne pas payer un professionnel pour la commande qu'on lui passe mais, pire encore, que ce professionnel l'accepte et n'en demande pas plus… Quelle est donc cette logique qui nous pousse à travailler pour une rémunération qui ne correspond pas à la réalité du travail fourni ?"

 

 

Pour résoudre cette problématique, l'Unsfa considère qu'un travail de pédagogie est à accomplir auprès des architectes pour qu'ils "valorisent leur travail et ne bradent pas leurs compétences" mais aussi auprès des maîtrises d'ouvrage afin "qu'ils acceptent de rémunérer au juste prix le travail qu'ils attendent de nous".

 

Sur cette question de rémunération, Laure-Anne Geoffroy Duprez a souhaité saluer son ministère de tutelle pour la mise en place de l'Observatoire de l'économie de l'architecture, qui aide les architectes à trouver des outils leur permettant d'"expliciter enfin la valeur de ce que nous produisons".

Égalité professionnelle

Le syndicat annonce aussi vouloir "avancer sur le sujet" de l'égalité professionnelle, et réfléchir aux manières d'améliorer la visibilité des architectes "sans distinction d'âge ou de genre", de lutter contre les discriminations et le sexisme, d'accompagner les chefs d'entreprises dans les étapes de vie de leur société et notamment au moment de la naissance d'un enfant, en période de maladie ou lors d'une cessation d'activité. "Nous travaillons sur des propositions qui doivent permettre à chacun de ne pas avoir à choisir entre la pérennité de son agence et ses projets de vie personnelle", a annoncé la présidente de l'organisation.

Jeunes

En 2024, le syndicat compte également poursuivre ses travaux sur la transmission et la création des agences, et accompagner les jeunes générations afin de faire "perdurer à travers eux les fondamentaux de notre métier et leur permettre de créer des conditions d'exercice qui leur ressemblent."

 

Concernant les écoles d'architecture, le syndicat pense que "le cadre de la HMONP (Habilitation à l'exercice de la maîtrise d'œuvre en son nom propre) est à revoir" pour permettre aux étudiants d'avoir le temps de développer leurs pratiques durant cette mise en situation professionnelle. "Nous proposons avec la branche architecture la mise en œuvre de la HMONP sur deux ans afin de se rapprocher de la durée réelle d'un projet, de la prise de contact et la rédaction du contrat jusqu'à sa livraison", a déclaré la représentante du syndicat. "Pourquoi ne pas mettre en place un dispositif similaire à l'internat en médecine, avec une prise en charge par les fonds d'apprentissage des tuteurs mais aussi des structures en charge de la formation, au profit des étudiants." Des propositions seront soumises au ministère de la Culture, allant dans ce sens, cette année.