JUSTICE. Le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé l'arrêté préfectoral d'exploitation d'une carrière dont les roches devaient servir à la construction d'une digue. Une décision qui va retarder de plusieurs mois la fin de ce titanesque chantier dont la livraison était attendue pour 2022. Précisions.
Si la partie viaduc de 5,6 km a été récemment terminée, la Nouvelle Route du Littoral à la Réunion est encore loin d'être achevée. D'autant plus que le tribunal administratif de l'île vient d'annuler l'arrêté préfectoral qui autorisait l'exploitation de la carrière de Bois Blanc, dont les matériaux devaient servir d'enrochement à la future digue du côté de la Possession. Le tribunal a également suspendu l'autorisation de défrichement préalable à l'exploitation de cette carrière, publiée à la fin de 2018.
Des requêtes avaient été déposées par la Société réunionnaise pour l'étude et la protection de l'environnement (Srepen) et par la mairie de Saint-Leu, où se trouve la carrière. Elles se basaient sur "les nuisances importantes pour la population, les atteintes graves à l'environnement et à la biodiversité". Des arguments qui ont convaincu la juridiction administrative qui explique : "L'exécution de la décision préfectorale serait de nature à porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts qu'entendent défendre la Srepen et la commune". Avant d'ajouter : "Le projet de la Nouvelle Route du Littoral se caractérise par l'absence d'une réelle réflexion sur les moyens d'approvisionnement à mettre en œuvre pour réaliser la partie digue de l'ouvrage". En effet, sans les roches extraites de Bois Blanc, la dernière digue ne pourra pas se faire à moins d'importer des blocs par la mer d'un autre territoire… Une solution longue, coûteuse et complexe.
Pas de pierres, pas de construction. Pas de construction, pas de digue…
L'an passé au mois de juin, le vice-président de la région nous expliquait : "Le planning est en retard, et la livraison globale interviendra avec deux années de plus que prévu. Le dépassement de budget prévisionnel n'est toutefois que de +15 % soit des montants supplémentaires de 200 à 250 M€. Il y a de nombreux recours, ce qui est la vie normale d'un chantier de cette taille. Mais nous resterons sous la barre des 2 Mrds €". Le dernier budget était en effet fixé à 1,65 Mrd € (dont 600 M€ viennent d'un emprunt à la BEI, 500 M€ de subventions de l'Etat, 245 M€ de remboursements de TVA et plus de 160 M€ du fonds Feder européen). Cependant, compte tenu de la nouvelle décision de justice, plusieurs mois de décalage pourraient venir s'ajouter au calendrier. Le Conseil régional a annoncé qu'il s'associerait "à l'Etat dans l'hypothèse d'un pourvoi en cassation au Conseil d'Etat". La livraison de l'ensemble de la route - viaducs et digues - pourrait finalement n'intervenir qu'en 2025. Il faut noter que l'attribution des marchés fait également l'objet d'une procédure d'enquête, menée par le parquet national financier, pour des soupçons de corruption, favoritisme et trafic d'influence. Rappelons que tous les majors du BTP sont présents : Vinci Construction et Bouygues TP (plus Dodin Campenon Bernard et Demathieu Bard) pour le viaduc et Grands Travaux de l'Océan Indien (filiale de Colas) et SBTPC (filiale de Vinci) pour les digues situées aux extrémités du tracé. Le petit viaduc de la Grande Chaloupe avait été attribué à Eiffage TP, Razel Bec, Saipem, NGE et Guintoli.