ARCHITECTURE. La Serpentine Gallery, qui présente des œuvres d'architectes internationaux, a choisi l'architecte Lina Ghotmeh pour la conception de l'ouvrage éphémère qui occupera une partie des jardins de Kensington en 2023. La Franco-Libanaise s'inspire du feuillage des arbres et des huttes d'un peuple malien.

Un nouveau pavillon Serpentine va fleurir dans la ville de Londres en juin 2023. L'architecte franco-libanaise Lina Ghotmeh, basée à Paris, a été désignée par la Serpentine Gallery pour concevoir le vingt-deuxième ouvrage de cette série architecturale. La réalisation des pavillons a débuté en 2000 avec Zaha Hadid, dans le but de présenter les premières structures britanniques de certains des plus grands noms de l'architecture internationale. De la Mexicaine Frida Escobedo au Burkinabé Diébédo Francis Kéré, il a permis à des professionnels émergeant de se faire une réputation dans le monde. Le pavillon du Danois Bjarke Ingels a été son œuvre la plus visitée en 2016. L'an passé, l'artiste pluridisciplinaire et engagé Theaster Gates s'était inspiré des typologies architecturales des chapelles mais aussi des fours traditionnels de Stoke-on-Trent (Royaume-Uni) pour imaginer un pavillon entièrement en bois.

 

"Une invitation au partage"

 

Visible de juin à octobre 2023 au sein des jardins de Kensington à Hyde Park (Londres), la structure de Lina Ghotmeh a été nommée "À table". Cette dernière s'inscrit dans le processus de recherche de l'architecte "l'Archéologie du futur", qui explore les thématiques de la mémoire, de l'espace et du paysage. Le pavillon fait écho à la nature et rappelle la canopée des arbres environnants de Kensington. Pour la la Serpentine Gallery, l'édifice donnera "une place centrale aux publics et aux communautés" et "fera place à l'unité grâce à sa forme et à une table déployée au centre de son espace, invitant au partage et à la convivialité".

 

"'À Table' est une invitation à se rejoindre dans le même espace et autour de la même table", explique Lina Ghotmeh, dans un communiqué. "C'est une incitation à entrer en dialogue, à se réunir, et à réfléchir à la manière dont nous pourrions intégrer et rétablir notre rapport à la nature et à la Terre." Elle considère "indispensable" de repenser "ce que nous mangeons, comment nous consommons et comment nous tissons nos liens avec les autres et avec le monde vivant" afin "d'avancer vers une union écosystémique et plus durable avec la planète". "En tant qu'architecte, je creuse pour concevoir (apprendre) grâce aux traces du passé tout en écoutant les voix de nos ancêtres et de notre monde vivant", ajoute-t-elle.

 

Pavillon Serpentine 2023 Lina Ghotmeh
L'extérieur du pavillon Serpentine conçu par l'architecte Lina Ghotmeh. © Lina Ghotmeh - Architecture Courtesy Serpentine

 

Pour la conception de son pavillon, Lina Ghotmeh s'est inspirée des huttes "Toguna" du peuple Dogon au Mali. Ces habitations permettent aux membres d'une même communauté de se rassembler pour discuter. L'œuvre de l'architecte est aussi un clin d'œil aux jardins de Kensington. La forme des feuillages des arbres a été réinterprétée pour constituer la toiture. Basse, légère et en bois, la structure du pavillon est facilement démontable. Elle est construite avec des matériaux biosourcés et bas carbone. "Des nervures en bois se multiplient pour faire léviter un toit plissé", précise la Franco-Libanaise. Pour la directrice générale de la Serpentine Gallery, Bettina Korek, et le directeur artistique Hans Ulrich Obrist, le projet de Lina Ghotmeh "élargit notre mission de créer des liens entre l'architecture et la société, tout en promouvant l'unité et la convivialité dans sa forme et sa fonction". Ils se sont réjouis de l'importance donnée à la "nature, [à l']écologie et [la] durabilité" dans ce projet.

 

Lina Ghotmeh, une architecte à la carrière internationale

 

Art, architecture et design s'entremêlent dans les projets portés par l'agence éponyme de Lina Ghotmeh. L'architecte, née et élevée à Beyrouth (Liban) et installée à Paris, est "attentive aux défis sociétaux, à l'environnement et à la matière", présente la Serpentine Gallery, qualifiant ses constructions de "fascinantes et d'une élégante simplicité […] en symbiose avec la nature". L'architecte de 42 ans a reçu de nombreux prix ses dernières années. Elle a notamment signé la conception du musée national d'Estonie, pour lequel elle a remporté le Grand prix Afex 2016. À Beyrouth, elle a imaginé une tour de logements comprenant la galerie et fondation Mina, une plateforme consacrée à l'image et aux débats culturels du Moyen-Orient.

 

Lina Ghotmeh architecte
L'architecte Lina Ghotmeh. © Gilbert Hage

 

En France, elle est l'auteure des Ateliers Hermès, un bâtiment de manufacture passif bas carbone en Normandie, et de la tour en bois "Réalimenter Masséna", dédiée à la culture de l'alimentation durable dans la capitale française. Elle a aussi dirigé la rénovation du restaurant du Palais de Tokyo, "Les Grands Verres", en 2017. Outre ses projets architecturaux, elle a orchestré la scénographie de la rétrospective "Hokusai" au Grand Palais, à Paris, et celle de l'exposition "WonderLab" à Tokyo (Japon), mais a aussi aménagé la boutique parisienne du chocolatier Patrick Roger. Aujourd'hui, elle co-préside le Réseau scientifique pour l'architecture en climats extrêmes.

 

 

 

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