Créer plus d'emplois et en offrir aux moins qualifiés : c'est le défi lancé par le ministre de l'Economie, dans le cadre de sa nouvelle loi Nouvelles Opportunités Economiques, qui fait déjà couler beaucoup d'encre. Mais ceci au détriment du niveau de qualification requis, mais aussi au profit des auto-entrepreneurs, dénoncent les professionnels. Explications.
Il y a quelques jours, le président de la Capeb s'insurgeait contre le risque d'«uberisation » de la filière du bâtiment. En ligne de mire : la future loi NOE portée par Emmanuel Macron, qui prévoit notamment de simplifier le système de qualification et de développer le statut d'auto-entrepreneur.
Ce mardi 8 décembre, le ministre de l'Economie était invité à débattre lors du séminaire de l'APCMA (Chambre des métiers de l'artisanat), auquel s'est exceptionnellement associée l'UPA, principalement sur ces deux sujets « chauds ». Alain Griset, président de l'APCMA, a ainsi interpellé le locataire de Bercy : « Nous ne pouvons pas envisager que cela se fasse en déstabilisant les valeurs qui font la qualité et de dynamisme de l'artisanat, en démolissant nos entreprises, en dévalorisant les artisans. Et très clairement, les artisans sont inquiets et très remontés ». Il a appelé Emmanuel Macron « à ne pas compliquer [notre] tâche par des réglementations tatillonnes » qui ne feraient qu'être des freins à la création d'activités et d'emplois.
Pas une question de corporatisme…
L'APCMA réclame un « vrai statut d'entrepreneur individuel ». Et Alain Griset d'argumenter : « Tout est prêt. Il ne manque plus qu'une volonté politique ». Avant d'ajouter : « Nous ne sommes pas des corporatistes (…) Nous ne sommes pas contre le progrès (…) Nous n'avons pas la volonté de nous arc-bouter contre les évolutions inévitables que connaît notre société… ». En revanche, vigilance et détermination resteront de mise…
De son côté, le président de l'UPA, Jean-Pierre Crouzet, a salué le choix de la concertation comme méthode de travail pour élaborer NOE, et la volonté de son organisation de transformer le potentiel économique lié au numérique et à l'innovation en opportunités pour tous, mais aussi de développer l'emploi. Mais il a rappelé la pénurie de main d'œuvre qualifiée dans les activités artisanales, et l'importance de redresser l'apprentissage. Il a également prôné pour un statut d'entrepreneur simplifié et plus adapté, et pour une réforme des régimes fiscaux et sociaux actuels. En filigrane, il souhaite voir la fin du régime des auto-entrepreneurs, qui créé une distorsion de concurrence.
… mais des volontés partagées tout de même
En réponse, Emmanuel Macron a fait preuve de pragmatisme. D'abord, en brossant dans le sens du poil le parterre d'artisans venus l'écouter, à coup de « vous êtes la pierre d'angle de notre économie », ou encore d'« héritiers d'une tradition qui nécessite savoir-faire et compétence »… Puis, il a balayé d'un geste le dispositif du RSI, estimant que c'était une « erreur » et que les indépendants n'avaient pas besoin d'un régime propre. Avant de marteler : « Le défi d'aujourd'hui, dans ce contexte difficile, c'est voir comment nous pouvons créer le maximum d'emplois. Des emplois qualifiés, mais aussi des emplois moins qualifiés, notamment pour contrer la hausse du chômage. (…) Il faut actionner des leviers réglementaires, et dans l'artisanat, c'est celui des qualifications ».
Valoriser l'excellence, reprofessionnaliser certaines filières comme le bâtiment
Moderniser, simplifier : « La condition de l'excellence, c'est la compétence. Mais la compétence, ce n'est pas le monopole du diplôme », a-t-il redit. Son crédo : laisser la place à l'initiative, accompagner par la qualité. Pour cela, il ne s'agit pas de remettre en cause le système de qualification établi par la loi de 1996, mais comment valoriser les cœurs de métier, renforcer les qualifications, valoriser l'excellence, multiplier les labels de qualité, transformer le système de formation… Et Emmanuel Macron de prendre l'exemple du bâtiment : « Il faut reprofessionnaliser la filière des petits travaux à domicile, afin de lutter contre le chômage et le travail au noir ».
Enfin, il a indiqué avoir confié une mission à Catherine Barberoux (présidente du Fonds Adie pour l'entreprenariat populaire) afin qu'elle planche sur ces simplifications, réfléchisse à un statut idéal d'entrepreneur. Objectif : qu'il soit plus simple de créer son entreprise, plus simple de croître. Cependant, le ministre a jeté le trouble, quand, au final, il a déclaré que « l'auto-entrepreneur n'avait pas déséquilibré le monde de l'artisanat ». Chiffres à l'appui. Voulant contrer les fraudes qui existent, il estime qu'il faut une approche secteur par secteur. A bon entendeur…