URBANISME. Le projet de métamorphose de la place Loreto est le symbole de la volonté de la Ville de Milan de devenir plus durable. Dans ce territoire, les enjeux environnementaux et sociaux sont cruciaux.
Une place plus inclusive, piétonne, verte et favorisant les rencontres… Le projet de requalification de la place Loreto, porté par la Ville de Milan, est un grand défi pour ce territoire italien. Les acteurs publics et privés de ce projet ont pour mission de réhabiliter cette zone, en modifiant son volume et en apportant une nouvelle vision architecturale. "Il est question de transformer une place stratégique pour les transports en un lieu innovant, durable et favorisant les mobilités douces", présente Michele Montevicci, directeur développement chez l'opérateur immobilier Nhood et directeur du projet de transformation de la place. Lors d'un événement en octobre 2023 organisé par le Pavillon de l'Arsenal pour sa série de rencontres bilatérales avec la Ville de Paris, visant à créer un nouveau modèle de ville intelligente et durable, Nhood et des représentants de la municipalité de Milan ont discuté de cette opération phare de la capitale de la mode italienne.
Une place encombrée par les voitures
Actuellement, la place Loreto est plutôt un rond-point géant que des milliers de voitures empruntent chaque jour. Beaucoup de béton, absence d'arbres et de pistes cyclables… Le carrefour routier embouteillé et pollué est peu accueillant pour les habitants et usagers du quartier. "Les passants préfèrent traverser le rond-point par des tunnels souterrains, ce qui prend généralement une quinzaine de minutes", raconte Anna Vnukovskaya, ingénieure séniore chez Mic-Hub, société internationale de planification des transports basée à Milan.
"Quarante pour cent de la zone est inutilisée, et seule 13% est accessible aux piétons. L'idée avec ce projet est de redistribuer l'espace, en augmentant les espaces accessibles aux piétons et cyclistes et en offrant un meilleur accès au métro." Au total, 87 places de vélo vont être créées, ainsi qu'1,15 kilomètre de pistes cyclables. L'espace public passera de 2.500 m² à 11.200 m².
Vers un programme mixte
L'objectif est aussi de proposer un programme mixte, qui devrait profondément transformer le quartier "et améliorer la qualité de vie des milanais", affirme Michele Montevicci. L'espace sera divisé en plusieurs niveaux. Le sous-sol permettra un accès immédiat aux transports en commun. Les niveaux supérieurs accueilleront des pavillons, faits pour "créer un environnement protégé" pour les habitants. Ces derniers ont d'ailleurs été appelés à s'exprimer sur ce projet. "Cette requalification est au service des résidents et des usagers du quartier, nous avons donc voulu comprendre leurs besoins", continue Michele Montevicci.
Plusieurs usages vont désormais être possibles, avec l'accueil d'un marché, d'événements sportifs et de manifestations spontanées ou culturelles telles que la Fashion Week. En outre, une école maternelle et un espace de coworking seront créés. Plus de 10.000 m² d'espaces verts seront aménagés pour lutter contre les îlots de chaleur urbains et 200 arbres seront plantés. Par ailleurs, 4.600 m² seront rendus perméables. Cette action s'inscrit dans le projet plus global de la ville de reforester le territoire.
Changement de paradigme
"Ce projet de place symbolise la transformation de Milan", atteste Giancarlo Tancredi, conseiller pour la régénération urbaine de la Ville. L'opération, démarrée en 2019 par le lancement d'un concours, doit voir le chantier commencer "début 2024", présage Michele Montevicci. La requalification de la place est lauréate de l'appel à projet "Réinventer les villes" du C40. Il s'inscrit aussi dans une stratégie de régénération urbaine de la ville, qui compte 1,3 million d'habitants et qui concentre 44% des investissements immobiliers effectués en Italie.
Face à des effets de plus en plus visibles du dérèglement climatique et une crise du logement qui s'accentue, la municipalité a modifié son plan local d'urbanisme (PLU) il y a quelques années. Elle souhaite accélérer la transition écologique, créer 20 nouveaux parcs, revaloriser l'existant, construire davantage de pistes cyclables, ainsi qu'un nouveau campus universitaire, favoriser les transports en commun, et rendre les logements plus abordables, notamment en construisant 20.000 logements sociaux.
"Nous allons réutiliser des bâtiments abandonnés, permettre plus d'inclusion sociale et créer plus d'équipements. Notre objectif est de développer une ville polycentrique. Milan entend se transformer par son espace public", explique Giancarlo Tancredi. L'un des plus grands projets urbains de la municipalité reste son programme "piazze aperte", qui prévoit des nouveaux lieux de rencontres, des zones piétonnes, des espaces pour organiser des événements mais aussi des aires de jeu et des places de stationnement pour vélo. "Nous souhaitons appliquer la politique de la 'ville du quart d'heure' et faire de Milan un territoire de proximité."
Pour Hélène Chartier, directrice de la planification et du design urbain de C40 Cities, l'urbanisme est "souvent sous-estimé dans la politique de lutte contre le dérèglement climatique alors même qu'il est essentiel". La porte-parole appelle à intensifier la mixité des usages. "Une étude de l'Université de Berkeley, aux Etats-Unis, basé sur 700 villes, a montré que la densification des quartiers est plus efficace pour réduire les gaz à effet de serre que la rénovation énergétique."
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