Après une dizaine d'années de tractations, les 209 conseillers de la métropole du Grand Paris ont élu ce vendredi leur premier président, Patrick Ollier (LR). Cette nouvelle collectivité d'Ile-de-France devra dès cette année trouver sa place entre la région qui gère les transports et l'économie, et la Société du Grand Paris chargée de construire le super-métro autour de Paris et d'aménager les gares. Décryptage.
Après plus d'une dizaine d'années de remous, de tractations et de divisions politiques, le 22 janvier 2016 restera un jour historique pour la gouvernance de la métropole du Grand Paris. Ce vendredi, à l'intérieur de l'hémicycle du Cese, les 209 conseillers métropolitains ou représentés à la séance inaugurale de la Métropole du Grand Paris (MGP), qui rassemble Paris et 130 communes qui l'entourent, ont pris tout leur temps pour élire par bulletin secret le premier président de cette nouvelle collectivité, créée juridiquement le 1er janvier 2016.
à lire aussi
La gouvernance revient donc à Patrick Ollier (Les Républicains), le maire de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine), élu par 192 voix sur 204 suffrages exprimés. Ont été élus dans la foulée, cette fois par vote électronique, les cinq premiers vice-présidents : Anne Hidalgo (PS), Gilles Carrez (Les Républicains), André Santini (UDI), Patrick Braouezec (Front de Gauche) et Philippe Dallier (Les Républicains).
"La Métropole sera ce que nous en ferons", Patrick Ollier
Ayant été préféré mardi dernier à Gilles Carrez lors de primaires au sein des Républicains et suite à un désistement de Philippe Laurent (UDI), la veille du scrutin, l'élection ne présentait plus de suspense, la droite étant majoritaire dans la Métropole depuis les dernières échéances municipales. Le nouveau président de la MGP, Patrick Ollier a alors déclaré en primeur "Ce n'est pas moi qui suis en cause, c'est le collectif de 7 millions d'habitants. (…) La Métropole sera ce que nous en ferons". Avant d'ajouter que le Parlement pourrait très bien la modifier.
D'autant plus que quelques minutes avant l'élection, la maire de Colombes, Nicole Gouetta, présidente de séance a d'entrée rappelé aux élus franciliens que la Métropole s'est faite "sans étude d'impact ni consultation des élus. C'est le fait des cabinets ministériels, la majorité des maires n'a pas été entendue malgré leur légitimité électorale. (…) Nous nous soucions de la facture à régler par les communes. Il appartiendra à la Métropole du Grand Paris de prolonger la réforme territoriale pour la rendre plus ambitieuse."
Le projet du Grand Paris, initié dès 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy (loi MAPTAM), a pour ambition de transformer l'agglomération parisienne en une grande métropole du XXIème siècle, à même d'assurer son rang dans la compétition des mégalopoles internationales. "Le projet passe par l'amélioration du cadre de vie des habitants, la correction des inégalités territoriales et la construction d'une ville durable", nous expliquait Pierre Veltz, chercheur en sciences humaines et ingénieur français et président directeur général de l'Etablissement Paris Saclay au cours d'une visite du territoire Paris Saclay.
La MGP regroupe Paris, les 123 communes de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) et 7 communes de la grande couronne (Essonne et Val d'Oise), soit près de 7,15 millions d'habitants. "Elle est composée de Paris et 11 territoires allant de 300.000 à 700.000 habitants. Ces territoires prennent le relais des anciennes intercommunalités et intègrent les 40 communes dites 'isolées'", a rappelé Nicole Gouetta, avant le vote.
D'ailleurs, la loi NOTRe a créé un système inédit d'intercommunalité à deux niveaux : celui de la Métropole sous forme d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à statut particulier et à fiscalité propre, celui des territoires, qui seront des Etablissements publics territoriaux (EPT). Pour articuler ainsi ces deux niveaux, il est prévu que les conseillers métropolitains désignés par une commune soient également conseillers de territoires. En outre, des compétences sont partagées entre la Métropole et les territoires et soumises à la définition de l'intérêt métropolitain afin de préciser qui fait quoi.
Quelles compétences ?
S'agissant des futures compétences, la tâche de la nouvelle collectivité sera "lourde", a averti l'élu Gilles Carrez, qui a rappelé les "nombreuses difficultés pour accoucher la métropole au travers de la loi MAPTAM et NOTRe."La MGP devra ensuite trouver sa place entre la région qui gère les transports et l'économie, et la Société du Grand Paris chargée de construire le Grand Paris-Express autour de Paris et d'aménager les alentours des gares. Pour cela, les 209 conseillers métropolitains disposent de l'année 2016 pour tenter de trouver un consensus autour d'un "projet métropolitain" et faire en sorte que la Métropole ne soit pas seulement un échelon de plus dans l'organisation territoriale.
à lire aussi
En détails, quatre compétences obligatoires et limitées lui seront transférées : la protection et mise en valeur de l'environnement et politique du cadre de vie en 2016; le développement et l'aménagement économique, social et culturel entre 2016 et 2018; l'aménagement de l'espace métropolitain à compter de 2017; la politique locale de l'habitat au 1er janvier 2017. "Ce sera Donc davantage de discussions autour de projets que de mesures concrètes sont à prévoir', nous signalent des élus ce vendredi.
Enfin, elle élaborera le plan climat-air-énergie et le schéma directeur des réseaux de distribution d'énergie métropolitains. Elle pourra en outre obtenir une délégation de compétences en matière de logement et un transfert de grands équipements et d'infrastructures par l'Etat. "Sa mission sera mener une politique de l'habitat, autrement dit à orienter in fine la construction de logements, nous signale des représentants de la MGP. Avec un plan métropolitain pour l'habitat et l'hébergement qui s'imposera aux plans locaux d'urbanisme."/i>
Quel budget ?
Malgré tout, en matière de finances, cette "supra-intercommunalité" disposera d'un budget en 2016 évalué entre 65 et 70 millions d'euros, sans comparaison avec les 8 milliards d'euros qui constituent le budget de la Ville de Paris et les cinq milliards d'euros de budget pour la région Ile-de-France en 2015.Au final, la nouvelle gouvernance de la MGP devrait atteindre sa plénitude, reconnaissant déjà que "ce ne sera pas un long fleuve tranquille", dans un contexte où les inégalités entre collectivités sont marquées. Les premières contestations ne se sont pas faites attendre à son encontre : Valérie Pécresse, présidente du conseil régional d'Ile-de-France, a lancé la charge contre la MGP dès son discours inaugural le 18 décembre 2015 et demande de nouveau sa suppression. Elle parle d'une "aberration administrative et économique qui laisse de côté cinq millions de Franciliens". A peine née, les premiers ennuis commencent.