ÉCONOMIE. Le Gouvernement a annoncé, ce 10 juin 2020, un plan pour accompagner les entreprises dans la reprise de l'activité de la construction. Inscrites dans le troisième projet de loi de finances rectificatives pour 2020, les mesures restent très insuffisantes pour les professionnels.
Le gouvernement a présenté, ce 10 juin, le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3) pour 2020. La bonne nouvelle : celui-ci comporte une série de mesures qui touchent particulièrement le secteur du BTP : soutien à la trésorerie des entreprises, aide à la relance de l'investissement local, prise en charge des surcoûts…
Les professionnels attendaient avec une certaine impatience l'annonce d'un plan pour aider les entreprises de BTP dans la reprise de leur activité. La FFB et la FNTP s'étaient d'ailleurs unies, ces derniers jours, autour d'une "opération coup de poing", afin interpeller par voie de presse le président de la République et le gouvernement. Craignant un effondrement à la rentrée, le secteur espérait des mesures fortes et immédiates, pour relancer véritablement la machine et ainsi préserver l'activité et ses 2 millions d'emplois.
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Les mesures annoncées sont-elles à la hauteur des espérances ? A entendre les premières réactions des professionnels, le compte n'y est pas, loin de là.
Occasion manquée selon la FNTP
A la FNTP, que Batiactu a contactée, on estime même que ces mesures "ne font pas rêver" : "il n'y a aucun vrai soutien à l'investissement local, alors même que le principal enjeu est d'éviter un effondrement de la commande publique". La possibilité d'attribuer les dotations d'investissement de manière dérogatoire, l'augmentation de 1Md€ de la DSIL n'y changent rien. "C'est très insuffisant, d'autant que nous savons que la DSIL concerne davantage des grandes collectivités et des grands projets. Cela ne créera pas l'effet d'entrainement que peut générer un levier comme le FCTVA, même si nous ne demandons qu'à nous tromper", nous explique-t-on au sein de la fédération.
Dans un communiqué de presse, le président de la FNTP est plus alarmant encore, parlant d'une occasion manquée : "Le PLFR3 est la dernière occasion de bénéficier en 2020 des mesures indispensables au maintien de notre activité́. Si le Parlement ne réagit pas, nous courrons à la catastrophe", prévient-il, puisque selon lui, "l'expérience nous montre que la commande publique ne se relève jamais par elle-même".
Distinguer le temps de la reprise, avec ce PLFR3, et celui de la relance, qui interviendra après l'été, est une erreur selon la fédération. "Pendant que les donneurs d'ordre publics et les ménages accumulent de l'épargne de précaution, les appels d'offres s'épuisent et le spectre d'une deuxième vague de crise, à partir de septembre et jusqu'au début de l'année 2021, dans la construction se précise. Le milliard d'euros fléché sur l'investissement local dans la transition écologique ne compensera pas les 9 milliards de baisse de recettes fiscales locales attendues avant la fin de l'année", s'inquiète-t-elle.
Relancer l'investissement dans les territoires
La FNTP compte donc désormais sur les parlementaires pour compenser la faiblesse des annonces gouvernementales. Elle en appelle à une valorisation et une accélération du FCTVA, à une "revalorisation immédiate" du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour se rapprocher davantage du scénario le plus ambitieux préconisé par le Conseil d'orientation des infrastructures en février 2018, à une augmentation des budgets des agences de l'eau.
Par ailleurs, l'organisation professionnelle souligne le retard "record" pris dans les contrats de plan Etat-régions : "beaucoup de projets sont prêts à être lancés, mais l'Etat n'a pas joué son rôle", nous indique-t-on. Or, les investissements et les engagements pris dans ces contrats pourraient permettre de soutenir les carnets de commande à moyen terme et de donner de la visibilité aux entreprises. Levier que pourrait également être le 4e appel à projets Transports en commun en site propre (TCSP), dont le lancement se fait toujours attendre.
La FFB pas plus convaincue
Du côté de la FFB, on se demande tout simplement "où est le bâtiment" dans ce PLFR3. "Le gouvernement avait annoncé qu'un plan de soutien du BTP serait dévoilé à l'occasion du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020. Force est de constaté qu'il n'en est rien… ou presque", regrette-t-elle.
La fédération dénonce ainsi le caractère (trop) général des mesures avancées, à quelques exceptions comme la prise en compte des surcoûts directs pour les marchés de l'Etat, mais qui ne représente que 2% du chiffre d'affaires du bâtiment, souligne-t-elle, ou encore la majoration de la DSIL. Par ailleurs, les dispositions évoquées par le gouvernement ne permettront pas de compenser l'intégralité des surcoûts, juge la FFB. Sans compter que "les exonérations de charges resteront d'effet limité pour le secteur, ajoute-t-elle, puisque nombre d'entreprises, n'ayant pas subi de chute d'activité supérieure à 50 % sur la période du 1er février au 31 mai 2020, ne seront pas éligibles".
Ainsi, pour Jacques Chanut, président de la FFB pour quelques jours encore, le compte n'y est pas non plus, et il reste dans l'attente d'un "plan de soutien significatif de la part de gouvernement". "A défaut, je le répète, c'est une partie des 2 millions d'emplois du secteur sur le territoire qui se trouveront menacés à court terme."