CULTURE. À Argenteuil, en Île-de-France, une maison où a vécu le peintre durant quatre années a été complètement transformée. Le style de l'époque et un esprit impressionniste donnent du charme à cette ancienne demeure devenue musée.
La région parisienne célèbre un nouveau bâtiment important de l'histoire de la peinture française. La Ville d'Argenteuil redonne de l'éclat à l'ancienne maison de Claude Monet, où l'artiste a vécu entre 1874 et 1878. La villa de villégiature a été construite trois ans avant l'installation du peintre par un charpentier du nom de Flamand. C'est dans cette commune que l'un des fondateurs de l'impressionnisme a peint 259 tableaux, dont plus d'une centaine sur la ville. La Ville a acquis cette "maison rose aux volets verts" en 2003 pour 250.000 euros. Dans ce lieu hybride se mêlent aujourd'hui des tableaux interactifs, des textes et du mobilier d'époque chiné pour la décoration d'intérieur. La façade, inspirée de celles des chalets suisses, est dotée de balcons et de lambrequins. Quant au toit, il est orné de frises de bois.
Un million et demi d'euros de financements provenant du Département, de la Ville, du Conseil régional, de l'État et de mécénat ont permis de mener les travaux dans cette maison d'une surface de 1.500 m². L'agence d'architecture Lacaa, mandatée en 2019, s'est chargée de la conception. "La difficulté de ce projet, c'est que la maison ne comportait pas de meuble et nous n'avions pas les plans d'origine. Nous avons imaginé un lieu inspiré des années 1870 et de la période impressionniste, sans recréer la maison telle qu'elle était à l'époque", explique à Batiactu l'architecte Loup d'Avezac de Castéra, lors d'une visite du site.
Conserver l'ancienneté des lieux
"Le bâtiment avait beaucoup vécu, seuls quelques éléments d'origine ont été préservés. Nous avons par exemple sublimé l'escalier, gardé les sols", raconte-t-il. La maison conserve ainsi sa physionomie d'origine, même si de nombreuses modifications ont été apportées. La villa n'est pas protégée au titre des Monuments Historiques. Des travaux partiels avaient été engagés en 2010 par la Ville, notamment sur l'enveloppe du bâtiment. Par la suite, des travaux de charpente et de couverture, urgents, ont été lancés en 2020. Les façades ont été repeintes dans leurs couleurs d'origine. "Ces travaux ont fait l'objet d'une restauration minutieuse", indique l'architecte. Les toitures en ardoise ont été restituées. Une fausse lucarne a été créée pour cacher l'édicule d'ascenseur qui émerge au sommet. L'étage des combles a pu être intégré au parcours muséographique.
Il a aussi été question de restaurer les enduits et peintures de façades. L'ouverture de la porte a été inversée. En cours de chantier, une cuve à charbon qui donnait sur l'extérieur a été découverte. Elle a été comblée et étanchéifiée car elle était source d'infiltrations. Il a fallu également remplacer les nez de marches en bois par des nez de marche en pierre. "Pour être conforme aux nouvelles normes et pouvoir accueillir des personnes à mobilité réduite, un ascenseur a été créé et dessert tous les étages et sous-sol, où se trouvent les toilettes, le bureau du personnel et un espace de repos", ajoute Loup d'Avezac de Castéra.
Pas de contemporain
L'idée d'apporter une touche contemporaine à ce projet a été écartée. L'écriture architecturale du XIXe siècle a été ravivée. Les sols anciens en pierre et les parquets en chêne ont par exemple été conservés. Les portes intérieures à panneaux, leurs poignets en laiton et les chambranles moulurés ont été mis en valeur. D'autres éléments-clés ont été intégrés, à l'instar d'un poêle en faïence et de quelques lampes à pétrole d'époque. L'éclairage contemporain représentait un défi. Il fallait qu'il reste sobre et discret pour ne pas modifier le style des années 1870.
L'agence d'architecture voulait "donner corps au sentiment d'authenticité". En effet, "la réussite du projet dépendait essentiellement du renforcement de ce sentiment, qui permet aux visiteurs de sentir qu'ils viennent bien découvrir la maison du peintre. Si ce sentiment n'était pas satisfait, le visiteur aurait l'impression d'une visite créée de toute pièce." Le cabinet Lacaa a fait attention à renforcer les éléments existants, tels que l'escalier et les parquets, et à proposer une restitution d'autres éléments pour compléter la villa du peintre, tels que le jardin d'hiver. Cet espace, reconstruit à partir de tableaux de Monet, permet d'agrandir le rez-de-chaussée.
Mettre en valeur l'étroitesse de la maison
L'agence Lacaa a également refusé d'abattre certaines cloisons. Cela aurait dénaturé le style de cette maison bourgeoise de la fin du XIXe siècle, et donné l'impression de découvrir "une coque vidée". L'étroitesse des lieux est, à contrario, magnifiée pour donner vie à cette maison individuelle. Des jeux de volumes et de couleurs égaient la visite. Des trompe-l'œil, des fenêtres virtuelles et des écrans miroirs étonnent et tiennent les visiteurs en haleine. Le mobilier est léger pour pouvoir, si besoin, être déplacé ou remplacé. La peinture est quant à elle sobre et homogène. Chaque pièce possède sa propre teinte.
La muséographie reprend évidemment les codes du peintre. Une pièce est tapissée d'un papier peint coquelicot. Une autre rend hommage à la gare d'Argenteuil et le second étage est dédié à l'eau et à la Seine, que Monet a régulièrement peinte. C'est à ce niveau que se trouve un bateau-atelier. "L'enjeu était de présenter les œuvres sans faire croire que ce sont des vraies. Ce sont donc des œuvres audiovisuelles que nous avons présentées. Nous avons peint des meubles en s'inspirant de la maison de Giverny", présente Cécile Massot, muséographe.
Le jardin de la maison était à l'origine plus profond. Il a été troqué de moitié suite à la construction d'un lotissement. La Ville a toutefois mis en valeur l'aménagement paysager restant. Des emmarchements en briques et le portail ont été repris. Des éléments architecturaux encore en place donnent vie au passé du jardin, que cela soit le puits, le cabanon ou bien les sols pavés. Une ganivelle en doublage du mur reprend le motif d'un tableau de Monet, et un banc de jardin a été conçu à partir d'un modèle de banc dans plusieurs toiles.
A venir…
Des visites guidées sont organisées lors des Journées européennes du patrimoine les 17 et 18 septembre 2022, entre 14h et 18h.
Fiche technique
La maison impressionniste, 21 boulevard Karl-Marx - 95100 ArgenteuilMaître d'œuvre, architectes mandataires : Lacaa
Maître d'œuvre scénographique : Agence Abaque
Bureau d'ingénierie tous corps d'état, économiste de la construction : CET ingénierie
Scénographie multimédia et supports numériques : Videmus Sas
Acousticien : Meta Acoustique
Durée des travaux : un an
Livraison : août 2022
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