Le collectif Effinergie s'inquiète du retard de la publication par le ministère de l'Egalité des territoires et du Logement des arrêtés sur les labels de la RT 2012. Une situation qui pénaliserait certains projets aux performances énergétiques plus ambitieuses que celles imposées par la réglementation thermique. Explications avec Yann Dervyn, le directeur du collectif.
Les labels volontaires "Effinergie +" et "Bepos Effinergie", sortis en 2012 et 2013, préfigurent la réglementation de 2020. "Ils ont été conçus pour ceux qui veulent aller plus loin que la Réglementation thermique et pour les collectivités qui souhaitent offrir des aides soumises à condition pour les plus ambitieux", nous explique Yann Dervyn, le directeur d'Effinergie.
Ces deux labels renforcent par exemple les critères d'étanchéité à l'air des réseaux aérauliques (gaines de ventilation) et demandent un effort supplémentaire sur le Bbio (conception bioclimatique) et la consommation en énergie primaire, de l'ordre de -20 % par rapport à la RT 2012. Sans cesse réactualisé, le label "Effinergie +" a été récemment modifié par le conseil d'administration, afin d'ajouter une limite à la compensation de la consommation par de la production d'électricité locale à hauteur de 12 kWh/m².an et d'ajouter pour les maisons individuelles la possibilité de fournir une mesure de perméabilité à l'air de 0,4 m3/h.m² (plutôt que de justifier de la formation des ouvriers intervenants). "Nous les faisons évoluer fréquemment, grâce à des remontées de terrain, tous les six mois environs", poursuit Yann Dervyn.
Une décision au mois de mars ?
Outre ces aménagements, les labels introduisent des nouveautés par rapport à la RT 2012 : "Comme les bâtiments consomment maintenant très peu d'énergie, il est important de se préoccuper des autres usages que les cinq usages réglementaires. Nous nous penchons aussi sur la quantité de CO2 émise ou sur la part des énergies renouvelables", nous confie le directeur d'Effinergie. "Mais nous attendons toujours la publication par le ministère des arrêtés organisant les niveaux d'efficacité énergétique permettant d'asseoir des aides. Il y a eu beaucoup d'attaques sur la RT 2012, et ces arrêtés auraient déjà dû être publiés depuis le début de l'année 2013. Nous avons vu une forte opposition des constructeurs de maisons individuelles ou de l'USH, qui ne voulaient pas se voir imposer des niveaux plus ambitieux". Les détracteurs considèreraient que les labels volontaires seraient de facto obligatoires à appliquer afin d'aller décrocher des aides fiscales pour leurs projets. "Ce qui a du mal à passer avec les maîtres d'ouvrage au niveau national", affirme Yann Dervyn.
La publication est donc bloquée au ministère, où les discussions sur "Objectifs 500.000" sont en cours. "Nous attendons une décision pour le mois de mars. Deux solutions se présenteront alors : soit finalement la sortie des labels poussée par les acteurs de terrain, soit un blocage ou un report dans le temps. Dans ce cas-là, nous continuerons à promouvoir nos labels mais en dehors d'une labellisation d'Etat. Stratégiquement ce sera un grand changement pour nous, mais ce sera l'occasion de sortir d'un schéma où il nous fallait coller - parfois de trop près - à la réglementation. Nous regarderons alors pour des solutions avec les acteurs les plus ambitieux du secteur", précise le directeur d'Effinergie. Les labels bénéficient pourtant d'un succès d'estime avec plus de 9.000 demandes en cours pour des logements. Le ministère a d'ailleurs été interpellé par le député-maire de Chaville (Hauts-de-Seine) qui réclame leur sortie (voir l'encadré ci-dessous).
"Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement qui proclame son engagement en faveur de politiques de soutien à la construction de logements et de développement durable tarde tant à publier les textes réglementaires nécessaires à la mise en application des dispositifs offrant la possibilité de densifier les constructions et de développer l'offre de logements tout en favorisant l'environnement.
Du fait de la non publication des labels de la RT 2012, les communes sont actuellement devant un vide juridique qui les oblige à sursoir aux demandes concernant les demandes des constructions de logements neufs !
[Les labels] offrent la possibilité aux communes de mettre en œuvre des politiques locales incitatives, comme la bonification des droits à construire prévue à l'article L.128-1 du code de l'Urbanisme (bonus de gabarit ou de COS) en cas d'atteinte de performance élevée.
Aujourd'hui, ces politiques locales sont inapplicables pour la construction neuve, les labels visés par l'arrêté du 3 mai 2007 étant basés sur la RT 2005 dans le neuf, désormais obsolète.
(…) une commune ayant adopté en 2012 un PLU qui prévoit un "bonus de COS" au bénéfice des projets de construction visant des performances énergétiques élevées, voit la mise en œuvre de ce dispositif bloquée et plusieurs dossiers de Permis de construire, concernant en particulier de petits collectifs, gelés dans l'attente de la publication des décrets d'application de la RT 2012.
Cette situation ne peut pas durer, elle pénalise nos concitoyens, nos entreprises et l'ensemble des collectivités !"