MÉGAPROJET. Actuellement en construction, le tunnel du Lyon-Turin fait régulièrement parler de lui pour son coût économique et son impact écologique présumés. Une commission italienne a récemment affirmé que la facture sera lourde... avant de dire l'inverse dans le rapport suivant. Le gouvernement italien doit trancher ce vendredi 8 mars. Explications.
Ce doit être le tunnel reliant les deux versants des Alpes, mais finira-t-il par devenir le tunnel de la discorde ? Actuellement en construction, le Lyon-Turin doit permettre in fine de connecter ces deux métropoles européennes pour faciliter les échanges et les communications entre la France et l'Italie. Mais le mégaprojet est fréquemment attaqué par ses détracteurs, lesquels dénoncent un coût économique important (8,6 milliards d'euros) et un impact écologique non-négligeable (57,5 kilomètres de galerie creusées sous les Alpes). Et depuis l'arrivée au pouvoir de l'autre côté du massif alpin d'une coalition regroupant la Ligue (droite radicale) et le Mouvement 5 étoiles (gauche radicale), ce dossier fait encore plus parler de lui, les dirigeants italiens étant en désaccord entre eux et menaçant à intervalles réguliers d'abandonner le projet.
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Un déficit qui oscille entre 2,5 et 7 milliards d'euros
Début 2019, une commission a été chargée par le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, d'établir le rapport coûts-bénéfices du Lyon-Turin. Vers la mi-février, ces spécialistes pilotés par le Mouvement 5 étoiles ont rendu leur verdict : le déficit "abyssal" de l'infrastructure s'élèverait à 7 milliards d'euros. Mais la communauté universitaire italienne a remis en question les conclusions de l'étude, pointant de "sérieuses incohérences méthodologiques".
Le ministère des Transports transalpin a alors demandé à la commission de travailler sur un rapport complémentaire, lequel a été publié ce vendredi 1er mars. Et le déficit du projet se chiffre maintenant à 2,5 milliards d'euros pour nos voisins, d'après le Comité pour la transalpine Lyon-Turin. Dans un communiqué, l'organisation précise que ce nouveau verdict est "encore vivement contesté dans la mesure où il contredit la vocation même de l'infrastructure en matière de transition écologique" : en effet, le manque à gagner serait dû aux taxes de carburant et aux péages autoroutiers, selon la commission.
Une facture à 4 milliards d'euros en cas d'arrêt du chantier
Mais les membres de celles-ci reconnaissent parallèlement que l'arrêt du super-chantier coûterait trop cher à l'Italie : les coûts directs à assumer dans l'optique d'un arrêt définitif (pénalités, traitement des 25 kilomètres de galeries déjà excavées, mise aux normes de sécurité des infrastructures actuelles...) pourraient atteindre les 4 milliards d'euros. Rendant de fait caduc le rapport coûts-bénéfices.
Quoi qu'il en soit, l'avenir du Lyon-Turin reste obstrué. Les débats ont repris de plus belle de l'autre côté des Alpes, et l'opposition politique demande à la coalition la démission du ministre des Transports, Danilo Toninelli, farouche opposant au chantier. Ce dernier a néanmoins déclaré ce 1er mars qu'une "décision serait prise la semaine prochaine". Des réunions gouvernementales sont prévues pour trancher une bonne fois pour toutes le sujet, au moment où les divergences entre la Ligue (favorable au projet) et le Mouvement 5 étoiles (opposé au projet) n'ont jamais été aussi palpables. Le verdict du gouvernement italien est attendu ce vendredi 8 mars.
Le monde économique réclame l'aboutissement de la ligne transalpine
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Pendant ce temps, les entreprises françaises et italiennes réclament l'aboutissement de la ligne transalpine. Réunis à Versailles les 28 février et 1er mars pour la 2e édition du Forum économique France-Italie, les chefs d'entreprises des deux pays ont rappelé l'intérêt de miser sur une telle infrastructure pour renforcer la compétitivité européenne. "Les querelles d'ego entre politiques ne nous intéressent pas, nous voulons unir nos forces pour rivaliser avec nos vrais concurrents, qui ne sont pas en Europe mais en Chine et aux Etats-Unis", a souligné le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux. "Prenons l'exemple du tunnel sous la Manche entre la France et l'Angleterre : les échanges ont été démultipliés et 25% des marchandises importées d'Angleterre sortent du tunnel."
Présents à l'évènement, les ministres français et italien de l'Economie, Bruno Le Maire et Giovanni Tria, ont réaffirmé le soutien de leurs gouvernements respectifs. "Personne ne viendra investir en Italie si le pays démontre qu'un nouveau gouvernement ne respecte pas les pactes, change les lois ou les rend rétroactives", avait déclaré Giovanni Tria quelques jours auparavant, avant de parler d'une "évolution positive" au sein de son gouvernement au sujet du Lyon-Turin. La transalpine va-t-elle enfin voir le bout du tunnel ?